Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

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Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан

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      Et c’étaient les combinaisons infernales, Gertrude et Suzanne, complices épouvantées et domptées, l’une et l’autre lui servant d’émissaires, se déguisant comme elle peut-être, ainsi que le jour où le vieux Steinweg avait été enlevé par le baron Altenheim, en plein Palais de Justice.

      Et c’était la série des crimes. C’était Gourel noyé. C’était Altenheim, son frère, poignardé. Oh ! La lutte implacable dans les souterrains de la villa des Glycines, le travail invisible du monstre dans l’obscurité, comme tout cela apparaissait clairement aujourd’hui !

      Et c’était elle qui lui enlevait son masque de prince, elle qui le dénonçait, elle qui le jetait en prison, elle qui déjouait tous ses plans, dépensant des millions pour gagner la bataille.

      Et puis les événements se précipitaient. Suzanne et Gertrude disparues, mortes sans doute ! Steinweg, assassiné ! Isilda, la sœur, assassinée !

      – Oh ! L’ignominie, l’horreur ! balbutia Lupin, en un sursaut de répugnance et de haine.

      Il l’exécrait, l’abominable créature. Il eût voulu l’écraser, la détruire. Et c’était une chose stupéfiante que ces deux êtres accrochés l’un à l’autre, gisant immobiles dans la pâleur de l’aube qui commençait à se mêler aux ombres de la nuit.

      – Dolorès… Dolorès, murmura-t-il avec désespoir.

      Il bondit en arrière, pantelant de terreur, les yeux hagards. Quoi ? Qu’y avait-il ? Qu’était-ce que cette ignoble impression de froid qui glaçait ses mains ?

      – Octave ! Octave ! cria-t-il, sans se rappeler l’absence du chauffeur.

      Du secours ! Il lui fallait du secours ! Quelqu’un qui le rassurât et l’assistât. Il grelottait de peur. Oh ! Ce froid, ce froid de la mort qu’il avait senti. était-ce possible ?… Alors, pendant ces quelques minutes tragiques, il avait, de ses doigts crispés…

      Violemment, il se contraignit à regarder. Dolorès ne bougeait pas.

      Il se précipita à genoux et l’attira contre lui.

      Elle était morte.

      Il resta quelques instants dans un engourdissement où sa douleur paraissait se dissoudre. Il ne souffrait plus. Il n’avait plus ni fureur, ni haine, ni sentiment d’aucune espèce rien qu’un abattement stupide, la sensation d’un homme qui a reçu un coup de massue, et qui ne sait s’il vit encore, s’il pense, ou s’il n’est pas le jouet d’un cauchemar.

      Cependant il lui semblait que quelque chose de juste venait de se passer, et il n’eut pas une seconde l’idée que c’était lui qui avait tué. Non, ce n’était pas lui. C’était en dehors de lui et de sa volonté. C’était le destin, l’inflexible destin qui avait accompli l’œuvre d’équité en supprimant la bête nuisible.

      Dehors, des oiseaux chantèrent. La vie s’animait sous les vieux arbres que le printemps s’apprêtait à fleurir. Et Lupin, s’éveillant de sa torpeur, sentit peu à peu sourdre en lui une indéfinissable et absurde compassion pour la misérable femme – odieuse certes, abjecte et vingt fois criminelle, mais si jeune encore et qui n’était plus.

      Et il songea aux tortures qu’elle avait dû subir en ses moments de lucidité, lorsque, la raison lui revenant, l’innommable folle avait la vision sinistre de ses actes.

      – Protégez-moi, je suis si malheureuse ! suppliait-elle. C’était contre elle-même qu’elle demandait qu’on la protégeât, contre ses instincts de fauve, contre le monstre qui habitait en elle et qui la forçait à tuer, à toujours tuer.

      – Toujours ? se dit Lupin.

      Et il se rappelait le soir de l’avant-veille où, dressée au-dessus de lui, le poignard levé sur l’ennemi qui, depuis des mois, la harcelait, sur l’ennemi infatigable qui l’avait acculée à tous les forfaits, il se rappelait que, ce soir-là, elle n’avait pas tué. C’était facile cependant : l’ennemi gisait inerte et impuissant. D’un coup, la lutte implacable se terminait. Non, elle n’avait pas tué, soumise, elle aussi, à des sentiments plus forts que sa cruauté, à des sentiments obscurs de sympathie et d’admiration pour celui qui l’avait si souvent dominée.

      Non, elle n’avait pas tué, cette fois-là. Et voici que, par un retour vraiment effarant du destin, voici que c’était lui qui la tuait.

      « J’ai tué, pensait-il en frémissant des pieds à la tête ; mes mains ont supprimé un être vivant, et cet être, c’est Dolorès ! Dolorès… Dolorès… »

      Il ne cessait de répéter son nom, son nom de douleur, et il ne cessait de la regarder, triste chose inanimée, inoffensive maintenant, pauvre loque de chair, sans plus de conscience qu’un petit tas de feuilles, ou qu’un petit oiseau égorgé au bord de la route.

      Oh ! Comment aurait-il pu ne point tressaillir de compassion, puisque, l’un en face de l’autre, il était le meurtrier, lui, et qu’elle n’était plus, elle, que la victime ?

      « Dolorès… Dolorès… Dolorès… »

      Le grand jour le surprit, assis près de la morte, se souvenant et songeant, tandis que ses lèvres articulaient, de temps à autre, les syllabes désolées « Dolorès… Dolorès… »

      Il fallait agir pourtant, et, dans la débâcle de ses idées, il ne savait plus en quel sens il fallait agir, ni par quel acte commencer.

      « Fermons-lui les yeux, d’abord », se dit-il.

      Tout vides, emplis de néant, ils avaient encore, les beaux yeux dorés, cette douceur mélancolique qui leur donnait tant de charme. était-ce possible que ces yeux-là eussent été les yeux du monstre ? Malgré lui, et en face même de l’implacable réalité, Lupin ne pouvait encore confondre en un seul personnage les deux êtres dont les images étaient si distinctes au fond de sa pensée.

      Rapidement il s’inclina vers elle, baissa les longues paupières soyeuses, et recouvrit d’un voile la pauvre figure convulsée.

      Alors il lui sembla que Dolorès devenait plus lointaine, et que l’homme noir, cette fois, était bien là, à côté de lui, en ses habits sombres, en son déguisement d’assassin.

      Il osa le toucher, et palpa ses vêtements.

      Dans une poche intérieure, il y avait deux portefeuilles. Il prit l’un d’eux et l’ouvrit.

      Il trouva d’abord une lettre signée de Steinweg, le vieil Allemand.

      Elle contenait ces lignes :

      « Si je meurs avant d’avoir pu révéler le terrible secret, que l’on sache ceci : l’assassin de mon ami Kesselbach est sa femme, de son vrai nom Dolorès de Malreich, sœur d’Altenheim et sœur d’Isilda. »

      « Les initiales L et M se rapportent à elle. Jamais, dans l’intimité, Kesselbach n’appelait sa femme Dolorès qui est un nom de douleur et de deuil, mais Laetitia, qui veut dire joie. L et M – Laetitia de Malreich – telles étaient les initiales inscrites sur tous les cadeaux qu’il lui donnait, par exemple sur le porte-cigarettes trouvé au Palace-Hôtel, et qui appartenait

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