Arsène Lupin contre Herlock Sholmès: Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

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Arsène Lupin contre Herlock Sholmès: Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан

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M. Bouvier et le directeur, mis en présence de l’accusé, déclarèrent qu’il n’y avait entre Arsène Lupin et cet homme qu’une très vague similitude de traits.

      – Mais alors, s’écria le président, quel est cet homme ? D’où vient-il ? Comment se trouve-t-il entre les mains de la justice ?

      On introduisit les deux gardiens de la Santé. Contradiction stupéfiante, ils reconnurent le détenu dont ils avaient la surveillance à tour de rôle !

      Le président respira.

      Mais l’un des gardiens reprit :

      – Oui, oui, je crois bien que c’est lui.

      – Comment, vous croyez ?

      – Dame ! Je l’ai à peine vu. On me l’a livré le soir, et, depuis deux mois, il reste toujours couché contre le mur.

      – Mais avant ces deux mois ?

      – Ah ! Avant, il n’occupait pas la cellule 24.

      Le directeur de la prison précisa ce point :

      – Nous avons changé le détenu de cellule après sa tentative d’évasion.

      – Mais vous, monsieur le directeur, vous l’avez vu depuis deux mois ?

      – Je n’ai pas eu l’occasion de le voir… il se tenait tranquille.

      – Et cet homme-là n’est pas le détenu qui vous a été remis ?

      – Non.

      – Alors, qui est-il ?

      – Je ne saurais dire.

      – Nous sommes donc en présence d’une substitution qui se serait effectuée il y a deux mois. Comment l’expliquez-vous ?

      – C’est impossible.

      – Alors ?

      En désespoir de cause, le président se tourna vers l’accusé, et, d’une voix engageante :

      – Voyons, accusé, pourriez-vous m’expliquer comment et depuis quand vous êtes entre les mains de la justice.

      On eût dit que ce ton bienveillant désarmait la méfiance ou stimulait l’entendement de l’homme. Il essaya de répondre. Enfin, habilement et doucement interrogé, il réussit à rassembler quelques phrases, d’où il ressortait ceci : deux mois auparavant, il avait été amené au Dépôt. Il y avait passé une nuit et une matinée. Possesseur d’une somme de soixante-quinze centimes, il avait été relâché. Mais, comme il traversait la cour, deux gardes le prenaient par le bras et le conduisaient jusqu’à la voiture pénitentiaire. Depuis, il vivait dans la cellule 24, pas malheureux… on y mange bien… on y dort pas mal… Aussi n’avait-il pas protesté…

      Tout cela paraissait vraisemblable. Au milieu des rires et d’une grande effervescence, le président renvoya l’affaire à une autre session pour supplément d’enquête.

      L’enquête, tout de suite, établit ce fait consigné sur le registre d’écrou : huit semaines auparavant, un nommé Baudru Désiré avait couché au Dépôt. Libéré le lendemain, il quittait le Dépôt à deux heures de l’après-midi. Or, ce jour-là, à deux heures, interrogé pour la dernière fois, Arsène Lupin sortait de l’instruction et repartait en voiture pénitentiaire.

      Les gardiens avaient-ils commis une erreur ? Trompés par la ressemblance, avaient-ils eux-mêmes, dans une minute d’inattention, substitué cet homme à leur prisonnier ? Il eût fallut vraiment qu’ils y missent une complaisance que leurs états de service ne permettaient pas de supposer.

      La substitution était-elle combinée d’avance ? Outre que la disposition des lieux rendait la chose presque irréalisable, il eût été nécessaire en ce cas que Baudru fût un complice et qu’il se fût fait arrêter dans le but précis de prendre la place d’Arsène Lupin. Mais alors, par quel miracle un tel plan, uniquement fondé sur une série de chances invraisemblables, de rencontres fortuites et d’erreurs fabuleuses, avait-il pu réussir ?

      On fit passer Désiré Baudru au service anthropométrique : il n’y avait pas de fiche correspondant à son signalement. Du reste on retrouva aisément ses traces. À Courbevoie, à Asnières, à Levallois, il était connu. Il vivait d’aumônes et couchait dans une de ces cahutes de chiffonniers qui s’entassent près de la barrière des Ternes. Depuis un an, cependant, il avait disparu.

      Avait-il été embauché par Arsène Lupin ? Rien n’autorisait à le croire. Et quand cela eût été, on n’en eût pas su davantage sur la fuite du prisonnier. Le prodige demeurait le même. Des vingt hypothèses qui tentaient de l’expliquer, aucune n’était satisfaisante. L’évasion seule ne faisait pas de doute, et une évasion incompréhensible, impressionnante, où le public, de même que la justice, sentait l’effort d’une longue préparation, un ensemble d’actes merveilleusement enchevêtrés les uns dans les autres, et dont le dénouement justifiait l’orgueilleuse prédiction d’Arsène Lupin : « Je n’assisterai pas à mon procès. »

      Au bout d’un mois de recherches minutieuses, l’énigme se présentait avec le même caractère indéchiffrable. On ne pouvait cependant pas garder indéfiniment ce pauvre diable de Baudru. Son procès eût été ridicule : quelles charges avait-on contre lui ? Sa mise en liberté fut signée par le juge d’instruction. Mais le chef de la Sûreté résolut d’établir autour de lui une surveillance active.

      L’idée provenait de Ganimard. À son point de vue, il n’y avait ni complicité ni hasard. Baudru était un instrument dont Arsène Lupin avait joué avec son extraordinaire habileté. Baudru libre, par lui on remonterait jusqu’à Arsène Lupin ou du moins jusqu’à quelqu’un de sa bande.

      On adjoignit à Ganimard les deux inspecteurs Folenfant et Dieuzy, et, un matin de janvier, par un temps brumeux, les portes de la prison s’ouvrirent devant Baudru Désiré.

      Il parut d’abord embarrassé, et marcha comme un homme qui n’a pas d’idées bien précises sur l’emploi de son temps. Il suivit la rue de la Santé et la rue Saint-Jacques. Devant la boutique d’un fripier, il enleva sa veste et son gilet, vendit son gilet moyennant quelques sous, et, remettant sa veste, s’en alla.

      Il traversa la Seine. Au Châtelet un omnibus le dépassa. Il voulut y monter. Il n’y avait pas de place. Le contrôleur lui conseillant de prendre un numéro, il entra dans la salle d’attente.

      À ce moment, Ganimard appela ses deux hommes près de lui, et, sans quitter de vue le bureau, il leur dit en hâte :

      – Arrêtez une voiture… non, deux, c’est plus prudent. J’irai avec l’un de vous et nous le suivrons.

      Les hommes obéirent. Baudru cependant ne paraissait pas. Ganimard s’avança : il n’y avait personne dans la salle.

      – Idiot que je suis, murmura-t-il, j’oubliais la seconde issue.

      Le bureau communique, en effet, par un couloir intérieur, avec celui de la rue Saint-Martin. Ganimard s’élança. Il arriva juste à temps pour apercevoir Baudru sur l’impériale du Batignolles-Jardin des Plantes qui tournait au coin de la rue de Rivoli. Il courut et rattrapa l’omnibus. Mais il avait perdu ses deux agents.

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