L'année terrible. Victor Hugo
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Que faire? on tend sa bourse, on se met à plat ventre,
Et pendant que, le front par terre, on se soumet,
On songe à ces pays que jadis on nommait
La Pologne, Francfort, la Hesse, le Hanovre.
C’est fait! relevez-vous! on se retrouve pauvre
En pleine Forêt-Noire, et nous reconnaissons,
Nous point initiés aux fauves trahisons,
Nous ignorants dans l’art de régner, nous profanes,
Que Cartouche faisait la guerre à Schinderhannes.
III
DIGNES L’UN DE L’AUTRE
Donc regardez: Ici le Jocrisse du crime;
Là, follement servi par tous ceux qu’il opprime,
L’ogre du droit divin, dévot, correct, moral,
Né pour être empereur et rester caporal.
Ici c’est le Bohême et là c’est le Sicambre.
Le coupe-gorge lutte avec le deux-décembre.
Le lièvre d’un côté, de l’autre le chacal.
Le ravin d’Ollioule et la maison Bancal
Semblent avoir fourni certains rois; les Calabres
N’ont rien de plus affreux que ces traîneurs de sabres:
Pillage, extorsion, c’est leur guerre; un tel art
Charmerait Poulailler, mais troublerait Folard.
C’est l’arrestation nocturne d’un carrosse.
Oui, Bonaparte est vil, mais Guillaume est atroce,
Et rien n’est imbécile, hélas, comme le gant
Que ce filou naïf jette à ce noir brigand.
L’un attaque avec rien; l’autre accepte l’approche
Et tire brusquement la foudre de sa poche;
Ce tonnerre était doux et traître, et se cachait;
Leur empereur avait le nôtre pour hochet.
Il riait: Viens, petit! Le petit vient, trébuche,
Et son piége le fait tomber dans une embûche.
Carnage, tas de morts, deuil, horreur, trahison,
Tumulte infâme autour du sinistre horizon;
Et le penseur, devant ces attentats sans nombre,
Est pris d’on ne sait quel éblouissement sombre.
Que de crimes, ciel juste! Oh! l’affreux dénoûment!
OFrance! un coup de vent dissipe en un moment
Cette ombre de césar et cette ombre d’armée.
Guerre où l’un est la flamme et l’autre la fumée.
IV
PARIS BLOQUÉ
O ville, tu feras agenouiller l’histoire.
Saigner est ta beauté, mourir est ta victoire.
Mais non, tu ne meurs pas. Ton sang coule, mais ceux
Qui voyaient César rire en tes bras paresseux
S’étonnent: tu franchis la flamme expiatoire.
Dans l’admiration des peuples, dans la gloire,
Tu retrouves, Paris, bien plus que tu ne perds.
Ceux qui t’assiègent, ville en deuil, tu les conquiers.
La prospérité basse et fausse est la mort lente;
Tu tombais folle et gaie, et tu grandis sanglante.
Tu sors, toi qu’endormit l’empire empoisonneur,
Du rapetissement de ce hideux bonheur.
Tu t’éveilles déesse et chasses le satyre.
Tu redeviens guerrière en devenant martyre;
Et dans l’honneur, le beau, le vrai, les grandes mœurs.
Tu renais d’un côté quand de l’autre tu meurs.
V
A PETITE JEANNE
Vous eûtes donc hier un an, ma bien-aimée.
Contente, vous jasez, comme, sous la ramée,
Au fond du nid plus tiède ouvrant de vagues yeux,
Les oiseaux nouveau-nés gazouillent, tout joyeux
De sentir qu’il commence à leur pousser des plumes.
Jeanne, ta bouche est rose; et dans les gros volumes
Dont les images font ta joie, et que je dois,
Pour te plaire, laisser chiffonner par tes doigts,
On trouve de beaux vers, mais pas un qui te vaille
Quand tout ton petit corps en me voyant tressaille;
Les plus fameux auteurs n’ont rien écrit de mieux
Que la pensée éclose à demi dans tes yeux,
Et que ta rêverie obscure, éparse, étrange,
Regardant l’homme avec l’ignorance de l’ange.
Jeanne, Dieu n’est