George Sand: La Coupe; Lupo Liverani; Le Toast; Garnier; Le Contrebandier; La Rêverie à Paris. George Sand

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George Sand: La Coupe; Lupo Liverani; Le Toast; Garnier; Le Contrebandier; La Rêverie à Paris - George Sand

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grossiers!

      XL

      »—L'homme, dit Zilla, serait donc meilleur et plus habile s'il vivait dans l'isolement?—Non, Zilla, il lui faut la société volontaire et non la réunion forcée. Seul il peut lutter contre toutes choses, et là où les autres animaux succombent, il triomphe par l'esprit; mais il a le désir d'un autre bonheur que celui de conserver son corps; c'est pourquoi il cherche le commerce de ses semblables afin qu'ils lui donnent le pain de l'âme, et le besoin qu'il a des autres est encore une liberté.»

      XLI

      Zilla s'efforça de comprendre la reine, que les autres fées ne comprenaient pas beaucoup. Elles avaient gardé les idées barbares du temps où elles étaient semblables à nous sur la terre, et si leur science les faisait pénétrer mieux que jadis et mieux que nous dans les lois de renouvellement du grand univers, elles ne se rendaient plus compte de la marche suivie par la race humaine dans ce petit monde où elles s'ennuyaient, faute de pouvoir y rien changer. Elles avaient voulu ne plus changer elles-mêmes, il leur fallait bien s'en consoler en méprisant ce qui change.

      XLII

      Zilla, toute pensive, résolut de procurer à son enfant adoptif tout ce qu'il pouvait souhaiter, afin de voir le parti qu'il en saurait tirer. «Voilà ta maison bâtie, lui dit-elle. Que voudrais-tu pour l'embellir?—J'y voudrais ma mère, dit l'enfant.—Je vais tâcher de te l'amener», dit la fée, et, sachant qu'elle pouvait faire des choses très difficiles, elle partit après avoir mis l'enfant sous la protection de la reine. Elle partit pour le monde des hommes, en se laissant emporter par le torrent.

      XLIII

      Ce torrent, qui donne naissance à un grand fleuve dont les hommes ne connaissent pas la source, sort du glacier où était tombé l'enfant du prince. Il se divise en mille filets d'argent pour arroser et fertiliser le Val-des-Fées, puis il se réunit à l'entrée d'un massif de roches énormes qui est la barrière naturelle de leur royaume. Là le torrent, devenu rivière, se précipite dans des abîmes effroyables, s'engouffre dans des cavernes où le jour ne pénètre jamais, et de chute en chute arrive par des voies inconnues au pays des hommes.

      XLIV

      Les fées, pour lesquelles il n'est pas de site infranchissable, peuvent sortir de chez elles par les cimes neigeuses, par les flèches des glaciers ou par les fentes du roc; mais elles préfèrent se laisser emporter par la rivière, qui ne leur fait pas plus de mal qu'à un flocon d'écume en les précipitant dans ses abîmes. En peu d'instants, Zilla se trouva dans les terres cultivées et s'approcha d'un village de bergers et de bûcherons, où elle vit un homme étrangement vêtu qui, monté sur une grosse pierre, parlait à la foule.

      XLV

      Cet homme disait: «Serfs et vassaux, priez pour la grande duchesse qui est morte hier, et priez aussi pour l'âme de son fils Hermann, qui a péri dans les glaces du Mont-Maudit. La duchesse n'a pu se consoler. Dieu l'a rappelée à lui. Le duc vous envoie ses aumônes afin que vous disiez pour tous deux des prières.» Et le héraut jeta de l'or et de l'argent aux bergers et aux bûcherons, qui se battirent pour le ramasser, et remercièrent Dieu de la mort qui leur procurait cette aubaine.

      XLVI

      La fée fut contente aussi de la mort de la duchesse. «L'enfant ne me tourmentera plus, pensa-t-elle, pour que je le rende à sa mère. Je vais lui porter quelque chose afin de le consoler,» et, avisant un sac de blé, elle lui fit signe de la suivre, et le sac de blé, obéissant au pouvoir mystérieux qui était en elle, la suivit. Un peu plus loin elle vit un âne et lui commanda de porter le sac de blé. Elle emmena aussi une petite charrue, pensant, d'après ce qu'elle voyait autour d'elle, que ces jouets plairaient au petit Hermann.

      XLVII

      Pourtant ce n'était pas ce que les hommes qu'elle avait sous les yeux estimaient le plus. Elle les voyait se battre encore pour les pièces de monnaie répandues à terre. Elle suivit le héraut, qui s'en allait avec une mule blanche chargée d'un coffre plein d'or et d'argent, destiné aux libéralités de la dévotion ducale. Elle fit signe à la mule, qui suivit l'âne et la charrue, et le héraut n'y prit pas garde. La fée avait jeté sur lui et sur son escorte un charme qui les fit dormir à cheval pendant plus de quinze lieues.

      XLVIII

      La fée ne se fit aucune conscience de voler ces choses. C'était pour l'enfant du prince, et tout dans le pays lui appartenait. D'ailleurs les fées ne reconnaissent pas nos lois et ne partagent pas nos idées. Elles nous considèrent comme les plus grands pillards de la création, et ce que nous volons à la nature, elles pensent avoir le droit de nous le reprendre. Comme elles n'ont guère besoin de nos richesses, il faut dire qu'elles ne nous font pas grand tort. Pourtant leurs fantaisies sont dangereuses. Elles ont fait pendre plus d'un malheureux accusé de leurs rapts.

      XLIX

      Suivie de son butin, Zilla se rapprocha de la montagne, et, connaissant dans la forêt un passage par où elle pouvait rentrer dans le Val-aux-Fées avec sa suite, elle pénétra au plus épais des pins et des mélèzes. Là elle s'arrêta surprise en rencontrant sous ses pieds un être bizarre qui lui causa un certain dégoût: c'était un vieux homme grand et sec, barbu comme une chèvre et chauve comme un œuf, avec un nez fort gros et une robe noire tout en guenilles.

      L

      Il paraissait mort, car un vautour venait de s'abattre sur lui et commençait à vouloir goûter à ses mains; mais en se sentant mordu, le moribond fit un cri, saisit l'oiseau, et, l'étouffant, il le mordit au cou et se mit à sucer le sang avec une rage horrible et grotesque. C'était la première fois que la fée voyait pareille chose: le vautour mangé par le cadavre! Elle pensa que ce devait être un événement fatidique de sa compétence, et elle demanda au vieillard ce qui le faisait agir ainsi.

      LI

      «Bonne femme, répondit-il, ne me trahissez pas. Je suis un proscrit qui se cache, et la faim m'a jeté là par terre, épuisé et mourant; mais le ciel m'a envoyé cet oiseau que je mange à demi vivant, comme vous voyez, n'ayant pas le loisir de m'en repaître d'une manière moins sauvage.» Ce malheureux croyait parler à une vieille ramasseuse de bois, car s'il n'est pas prouvé que les fées puissent prendre toutes les formes, il est du moins certain qu'elles peuvent produire toutes les hallucinations.

      LII

      «Relève-toi et suis-moi, dit-elle. Je vais te conduire en un lieu où tu pourras vivre sans que les hommes t'y découvrent jamais.» Le proscrit suivit la fée jusqu'à une corniche de rochers si étroite et si effrayante que l'âne et le mulet reculèrent épouvantés; mais la fée les charma, et ils passèrent. Quant à l'homme, il avait tellement le désir d'échapper à ceux qui le poursuivaient qu'il ne fut pas nécessaire de lui fasciner la vue. Il suivit les animaux, et, dès qu'il eut mis le pied dans le Val-aux-Fées, il reconnut, dans celle qui le conduisait, une fée du premier ordre.

      LIII

      «Je ne suis pas un novice et un ignorant, lui dit-il, et j'ai assez étudié la magie pour voir à qui j'ai affaire. Vous me conduisez en un lieu dont je ne sortirai jamais malgré vous, je le sais bien; mais, quel que soit le sort que vous me destinez, il ne peut être pire que celui que me réservaient les hommes. Donc j'obéis sans murmure, sachant bien aussi que toute résistance serait inutile. Peut-être aurez-vous quelque pitié d'un vieillard, et quelque curiosité de le voir mourir de sa belle mort, qui ne saurait tarder.

      LIV

      —Tu

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