Les naturalistes. Группа авторов

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un rôle déterminant dans la découverte et l’étude des glaciations. Nous nous proposons de retracer ici l’histoire de sa participation à l’une des découvertes géologiques les plus sensationnelles du XIXe siècle, sans omettre la dimension tragique qu’elle eut pour lui sur le plan personnel.

      Au premier abord, on pourrait supposer que Jean de Charpentier était Suisse romand ou Français. Cependant, il est né en Saxe. Son nom lui vient de ses ancêtres normands. Probablement ces derniers s’étaient-ils jadis réfugiés en Saxe, fuyant les persécutions religieuses qui frappaient les protestants français. Cadet d’une famille de sept enfants, Jean de Charpentier est venu au monde dans la petite ville minière de Freiberg. Son père, qui était professeur à l’Académie des mines locale, réalisa, entre autres, l’une des premières cartes géologiques, en 1778.1 Il y signale les types de roches au moyen de couleurs différentes, ce qui constituait à l’époque une innovation. En 1802, le père de Jean de Charpentier sera promu au poste d’inspecteur général des mines et restera jusqu’à sa mort à la tête du Service des mines et de la métallurgie dans ce qui était alors l’Electorat de Saxe.2 Ce contexte familial semble avoir fortement influencé le jeune garçon. A l’école, il reçoit une formation humaniste classique. Puis, suivant l’exemple de l’aîné de ses frères, Toussaint, il fait des études d’ingénieur des mines à l’Académie de Freiberg. Après avoir travaillé pendant une courte période sous les ordres de son frère dans une mine de charbon à Waldenbourg, en Silésie (aujourd’hui Walbrzych en Pologne), il accepte un poste dans les Pyrénées françaises. Une société minière envisage en effet de s’y lancer dans l’extraction du cuivre. Le projet ayant échoué, Charpentier reste sur place et se consacre à l’exploration des Pyrénées pendant quatre ans. A partir de 1812, il suit des cours de chimie et d’histoire naturelle à Paris. L’année suivante, il voyage en Auvergne et dans le Vivarais. A cette époque, on lui propose, grâce à l’entremise d’un de ses amis étudiants, l’inspecteur cantonal des forêts et géologue vaudois Charles Lardy (1780-1858), de reprendre la direction des Mines de sel de Bex.3 L’entreprise était en difficulté, car les coûts de production y étaient trop onéreux et les résultats de l’exploitation insatisfaisants. Jean de Charpentier relève le défi et réussit à répondre aux attentes que l’on nourrit à son égard. Au lieu de rechercher des sources d’eau salée en creusant, il réussit à détecter les couches de roches salines au moyen d’investigations géologiques et de calculs ciblés. Il pourra ainsi poser des bases nouvelles, économiquement saines, pour l’extraction du sel à Bex et multiplier la production par quatre.4 Pour lui témoigner sa reconnaissance, le Gouvernement vaudois lui fera cadeau de la Villa Solitaire, une demeure de style néo-classique rappelant vaguement l’architecture régionale, construite en 1825/26 aux Dévens par l’ingénieur cantonal Adrien Pichard (1790-1841).5

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      Ill. 1: La Villa Solitaire de Jean de Charpentier aux Dévens, près de Bex, construite dans un style néo-classique en1825/26.

      Grâce à son activité professionnelle et son engagement personnel en tant que naturaliste, Charpentier établit rapidement des contacts avec des chercheurs suisses. En 1815, le pharmacien et fabricant d’eau minérale genevois Henri-Albert Gosse (1753-1816) fonde la Société helvétique des sciences naturelles – la SHSN –, l’actuelle Académie suisse des sciences naturelles.6 Parmi les 36 membres fondateurs invités, on trouve le directeur des Mines de sel de Bex, Jean de Charpentier, alors âgé de 29 ans. Celui-ci s’avérera être un chercheur passionné et polyvalent au cours des décennies qui suivront. Durant son séjour dans les Pyrénées françaises, il avait déjà étudié leur structure géologique. L’Académie des sciences lui décernera pour ces travaux le Prix de statistique en 1822.7 Sur ce, il enverra les notes qu’il avait prises concernant les us et coutumes et la langue du Pays basque au spécialiste prussien des langues et réformateur de l’éducation, Wilhelm von Humboldt (1767-1835).8 Ce dernier les utilisera pour ses recherches sur la langue basque. A Bex, dans le canton de Vaud, Charpentier n’étudie pas seulement les gisements de sel, mais la géologie des Alpes en général. Ainsi pourra-t-il prouver avec Charles Lardy, en 1814, que les Alpes sont nées beaucoup plus tôt qu’on ne l’avait supposé jusqu’alors.9 Au fil des ans, Jean de Charpentier constituera un herbier de 26 000 plantes, devenant ainsi l’un des meilleurs herboristes de Suisse.10 Mais la plus grande passion du directeur des salines était toutefois les escargots. Le catalogue de sa collection de gastéropodes terrestres et d’eau douce recensait au total, outre les lieux de découverte, 3707 espèces illustrées par 37 570 exemplaires.11 Ce sera son dernier grand travail scientifique.

      JEAN DE CHARPENTIER SÉDUIT PAR L’IDÉE DES GLACIATIONS

      Aujourd’hui, cet éminent naturaliste est surtout connu comme pionnier de la recherche sur les glaciations. Ce n’est pas sans ironie d’un point de vue historique. Certes, depuis de nombreuses années (avant même qu’il ne commence ses propres recherches), il était confronté à des questions qui allaient préoccuper les futurs glaciologues. Toutefois, dans un premier temps, il refusera l’idée d’un climat qui aurait été jadis plus froid et de glaciers alpins plus étendus, car il partait du principe que le climat avait été plus chaud au cours des premières ères géologiques.

      C’est sans doute à l’été 1815 que Jean de Charpentier entendit parler pour la première fois de la croissance des glaciers. A l’époque, il entreprend une excursion au val de Bagnes en Valais. Quelqu’un lui suggère alors que les énormes blocs de pierre éparpillés dans la nature pourraient y avoir été transportés par des glaciers. Bien des années plus tard, en février 1840, il évoquera cette rencontre dans une lettre privée au géologue bernois Bernhard Studer: «La personne qui m’a parlé pour la première fois des glaciers comme étant la cause du transport des débris erratiques [sic] était un paysan de Lourtier dans le val de Bagne, du nom de Perotin, qui est sans doute mort aujourd’hui. C’est en juillet 1815, lorsque j’ai fait un voyage dans cette vallée, que j’ai passé la nuit chez lui. Il prétendait dur comme fer qu’autrefois, le val de Bagne et le val d’Entremont étaient complètement remplis par un glacier qui s’étendait jusqu’à Martigny et y avait déposé les gros blocs de granit. Il va de soi que je rejetai complètement cette idée.»12 Le «Perotin» mentionné ici n’était autre que le charpentier et chasseur de chamois Jean-Pierre Perraudin (1767-1858). Contrairement à ce que suppose Jean de Charpentier lorsqu’il écrit cette lettre, ce dernier n’était pas encore décédé; l’alerte vieillard siégeait même au Grand Conseil valaisan! Sans doute considéra-t-il les réflexions du montagnard dignes d’être publiées, car ce dernier s’appuyait sur des observations vérifiables et faisait valoir que les blocs erratiques étaient trop gros et trop lourds pour avoir été charriés par les eaux. Ainsi Perraudin appliquait-il intuitivement le principe de l’actualisme, déjà répandu parmi les géologues du XIXe siècle, selon lequel des phénomènes observés dans le passé s’expliquent à partir de faits encore observables à l’époque présente. Des hypothèses comme celle de Perraudin étaient effectivement fort répandues parmi les habitants des régions alpines, et des savants en avaient fait état à différentes reprises.13 Quelques mois plus tard, Charpentier se retrouvera à nouveau confronté au mystère de l’origine des blocs erratiques, alors qu’il assiste à la conférence d’Henri-Albert Gosse sur ce thème à l’occasion de la création de la SHSN à Genève, en octobre 1815.14

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      Ill. 2: Photographie présumée de Jean-Pierre Perraudin (1767-1858), qui a sans doute été prise après 1850.

      L’année suivante, une autre question qui intéressera les futurs glaciologues préoccupera Jean de Charpentier. Lors de

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