Exhumation Du Roi Fae. Brenda Trim
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Maurelle tirait précisément la chaise à côté de lui. Quand elle rencontra son regard, il ne put s’empêcher de remarquer les cernes sous ses yeux. Cela lui fit penser qu’elle se battait aussi durement que lui.
« Salut toi ! » dit Brokk de l’autre côté de la table avec un petit geste. Maurelle le regarda et lui adressa un signe.
« Je suis Brokk. J’ai entendu Gullvieg t’appeler Maurelle, c’est ça ?
— Oui, répondit-elle avant de tourner la tête vers Ryker.
— Tu es nouveau, n’est-ce pas ? Comment va ton aile ? »
Abasourdi, il dissimula le choc en fourrant un gros morceau de nourriture dans sa bouche. Il hocha la tête pendant qu’il mâchait et déglutissait. « Je suis Ryker. Et l’aile s’améliore. Les guérisseurs de l’Académie ont déployé des efforts considérables pour la remettre en état de marche. » Il fléchit le muscle de son aile, pour la faire passer par-dessus son épaule avant de l’abaisser à nouveau. Il ne voulait pas paraître impertinent, alors il lui parla, mais il ne voulait pas approfondir non plus.
Sa tentative d’évasion avait déjà suffisamment attiré l’attention. Il ne ressentait aucun besoin d’ajouter Maurelle à sa liste d’amis proches et de provoquer un examen minutieux de la part de Gullvieg. Il espérait avoir dissipé les craintes de la vile directrice à son sujet.
Maurelle se pencha en arrière sur son siège, elle leva sa main vers l’aile et la tendit comme pour la toucher. Instinctivement, Ryker l’abaissa. Elle comprit probablement la raison de ce geste brusque et elle laissa retomber sa main. Malgré son attirance flamboyante pour elle, il pensait qu’ils feraient mieux de garder leurs distances.
« Tu es vivant, c’est déjà ça. Je craignais que tu ne sois mort aussi », avoua-t-elle.
Une grimace s’esquissa sur son visage alors qu’elle poussait la nourriture dans son assiette.
La directrice se leva et posa ses mains sur ses hanches. « Je voudrais souhaiter la bienvenue à tout le monde pour cette nouvelle année à l’Académie de Bramble’s Edge. Je dirige avec fierté cette institution depuis trois siècles. Vous ne recevrez nulle part une meilleure éducation pour apprendre à contrôler vos capacités. Nous venons d’accueillir plusieurs nouveaux étudiants qui seront évalués après-demain. »
Gullvieg expliqua où se trouvaient les salles de classe ainsi que les différents champs d’entraînement. Ryker écoutait ou plutôt il feignait de prêter attention au discours. Il était concentré sur Maurelle. Comment cette femelle avait-elle découvert sa tentative d’évasion ? L’avait-elle vu essayer de voler alors qu’il était enchaîné ? Ses colocataires s’étaient retirés dès l’instant où le discours de bienvenue avait commencé, car ils n’avaient pas besoin de l’écouter.
En rapprochant son tabouret de Maurelle, il se pencha vers elle et murmura : « Comment sais-tu ce qui m’est arrivé ? »
Ses yeux gris étaient bordés de rouge lorsqu’elle se concentrait sur lui et la sueur perlait sur son front.
« Oh. Le collecteur qui est venu me chercher a utilisé ces bandes magiques…
— Les entraves, l’interrompit-il en expliquant le nom du brassard.
— Peu importe, dès qu’elles m’ont touchée, je t’ai vu essayer de t’échapper et tomber après avoir heurté la barrière, répondit-elle en agitant sa main.
— Tu possèdes des aptitudes psychométriques ? »
Il réfléchissait à ce qu’elle venait de dire. Elle aussi avait lutté au moment de sa prise en charge. Il ne trouvait rien de surprenant à sa résistance. Il s’inquiétait de son état, malgré tout il restait déterminé à maintenir une relation superficielle entre eux. « T’ont-ils blessée quand ils t’ont capturée ? »
Ses yeux se remplirent à nouveau de larmes et elle baissa la tête. Il observait ses épaules courbées. Il avait été témoin de son combat un peu plus tôt, elle avait perdu à chaque reprise. Elle lui brisait le cœur. Il marmonnait des insultes contre lui-même et se sermonnait en silence pour se convaincre de rester immobile. Il ne devait pas essayer de la réconforter. « Non. Je n’ai pas été blessée, mais ma mère… elle a… elle a essayé de m’aider. »
Elle parlait d’une voix tellement basse qu’il dut se pencher vers elle pour l’entendre. « J’espère que ta maman va bien. La mienne n’est pas intervenue lorsque j’ai décollé par la fenêtre.
— Tu as de la chance qu’elle ait tenu sa langue. Ils ont tué ma mère », lança-t-elle en serrant les dents.
Le choc l’empêcha d’apprécier le feu intérieur qu’elle venait d’exhiber. « Quoi ? Pourquoi restes-tu ici ? Je suis désolé », ajouta-t-il avec précipitation. Son commentaire ne laissait pas transparaître la moindre trace de sensibilité. Jamais auparavant il n’avait entendu une histoire impliquant la mort lors d’une collecte. La disparition de la mère de cette belle femelle lui donnait envie de sabrer le cabinet au pouvoir et de nettoyer la maison. Il trouvait la situation purement et simplement inacceptable.
Il se rappela que cet épisode n’était pas isolé et tous ces incidents semblaient liés. Aucun Fae ne devrait souffrir comme ça. L’injustice frappa directement au plus profond de son âme. Il restait assuré que la situation personnelle de Maurelle n’était pas la seule cause.
« Ces gens sont des monstres. Si j’avais le choix, je rentrerais à la maison avec mon père et mes sœurs. Ils vont l’envoyer vers l’au-delà. »
Il posa la paume de sa main sur son épaule pour lui offrir un peu de réconfort. Elle se tourna vers lui, mais ses yeux ne souriaient pas. Il retira sa main. Son chagrin la portait à vif et la coupait en lambeaux. Malgré tout, il ne voulait pas se rapprocher d’elle. Hélas, en un éclair, il réalisa qu’il était peut-être déjà trop tard.
Tout ça expliquait l’apparence de ses vêtements. Ils ressemblaient davantage à un pyjama qu’à l’uniforme noir estampillé du logo de l’école. Comment avaient-ils pu prendre la vie de sa mère puis la forcer à assister à un banquet de bienvenue comme si de rien n’était ?
À ce moment, il comprit clairement que les rumeurs sur l’Académie — ou peut-être pas les rumeurs sur l’Académie, mais les rumeurs sur les humains au pouvoir — disaient vrai. Après tout, toutes les histoires d’horreur ne naissaient-elles pas de faits réels ?
Ce drame ne relevait certainement pas de l’évènement isolé. Ils étaient trop préparés à forcer cette femelle à s’incliner devant leurs volontés. Gouverner par la peur assurait un nombre minimal d’objections. Ils lançaient des sorts et avaient recours à d’autres subterfuges pour empêcher Maurelle de parler, mais ils ne cherchaient pas à soulager sa douleur le moins du monde.
La scène spectaculaire de son entrée dans le réfectoire avait attiré l’attention. Aucun doute ! Plusieurs étudiants autour d’eux avaient entendu toute l’action. La rumeur de la mort de sa mère se répandrait sur le campus en un rien de temps.
« Tu n’es pas seule ici », promit-il. L’espoir envahit son regard. « Malheureusement, je soupçonne que tu rencontreras d’autres élèves susceptibles