Makossa Love. Tome 1 : La très amusante et passionnante recherche de la femme blanche, " Madame Visa ". Roman. Guy Dantse
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— T'entendre ? Est-ce qu'internet paye les factures d'eau ou d'électricité ? La nourriture pour les enfants, Evarist ? Répondit Rita.
Johnny savait très bien, que lorsqu'elle l'appelait Evarist, elle était furieuse.
Johnny Walker n'était pas son vrai nom. Son vrai nom était Mendo choup ke joug Evariste Dieu ne dort. En raison de son attrait prononcé pour le whisky, ses amis l'avaient surnommé Johnny Walker, ou J.W., en référence à la marque de Whisky éponyme. Certains l'appelaient simplement Johnny Waka. Au Cameroun, on appelle Waka, une personne qui a de nombreux partenaires sexuels.
Oui, Johnny Walker était l'incarnation même d'un homme qui vivait à 100% : vivre pleinement, vivre simplement comme si le monde pouvait s'écrouler le jour même. Monsieur La Vie (Mister Life), comme on l'appelait dans tous les bars et toutes les discothèques de la ville, aimait la vie. Mais pas n'importe laquelle, il aimait la belle vie, agréable ! Il n'était pas moche, mais n'avait rien d'extraordinaire non plus. On se demandait souvent pourquoi J.W. avait autant de succès avec les femmes, bien que son porte-monnaie soit constamment vide.
J.W. avait 32 ans, mais quand est-il né exactement ? Personne ne le savait. Il jouait volontiers à propos de cela. Lorsqu'on lui posait la question, il répondait simplement : « Je suis né en 1973, pendant la saison de récolte du maïs ».
Il est né au Cameroun occidental, dans une belle région montagneuse, dans la ville de Bangangté. Bangangté se trouve dans le département du Ndé, en pays Bamiléké. Il se vantait de venir du Ndé. Les habitants de cette région considèrent que le nom « Ndé » est un sigle signifiant Noblesse, Dignité et Élégance. Et c'est ainsi qu'il essayait toujours de se conduire ; tout du moins en ce qui concerne l'élégance.
Alors qu'il n'avait que dix ans, ses parents furent mutés à Bafoussam. Bafoussam est le chef-lieu de la région Bamiléké. Le pays de la Terre Rouge. Il est fréquent au Cameroun, que les fonctionnaires d'état soient mutés de ville en ville afin que leurs services puissent être proposés à toutes les populations. C'est ainsi que l'unité du pays et le sentiment d'appartenance se renforcent.
Il est le dernier-né d'une famille de sept enfants, il a deux frères et quatre sœurs. On comprend aisément qu'il fut, de ce fait, très choyé. Il était le chouchou de la famille. Il n'a jamais appris à faire d'effort pour obtenir ce qu'il voulait. Tout lui était apporté sur un plateau d'argent et cette situation lui convenait parfaitement.
Après l'obtention de leurs baccalauréats, ses deux frères et trois de ses sœurs étaient partis étudier en Europe ou aux USA. Ils lui envoyaient régulièrement de beaux vêtements, des jeux récents, etc. Tous les enfants de la ville, garçons comme filles, voulaient être amis avec lui. On le surnommait à l'époque le « Hot Guy ».
Une soirée sans lui ne valait pas le coup. Il était le centre des événements de la ville.
Les jeunes passaient tous leurs mercredis après-midi ainsi que les samedis et dimanches sur le terrain de sport « La Pelouse », derrière la mairie de Bafoussam. Ces jours-là, des élèves de différentes écoles se retrouvaient, soi-disant, pour faire du sport. Mais en réalité, il s'agissait plus de faire le show, de savoir qui avait les chaussures les plus récentes, le téléphone le plus moderne et de draguer les filles.
Hot Guy était toujours le mieux habillé, il avait toujours quelque chose de neuf sur lui et souvent de délicieuses friandises en provenance d'Europe à distribuer. Elles lui étaient envoyées par ses frères et sœurs.
On aurait pu s'attendre à ce qu'il se vante. Mais étonnamment, Johnny n'était pas arrogant ou snob. Il était toujours de bonne humeur, toujours souriant. Il ne brusquait jamais ses amis et était très serviable. Il donnait aussi sans compter.
À l'époque, on pouvait déjà remarquer qu'il était très intelligent. Quand il avait quelque chose en tête, rien ni personne ne pouvait l'empêcher de le réaliser.
Il était sûr de lui, empli d'assurance. Déjà petit écolier, il dégageait un charisme irrésistible, bien qu'il ne soit pas le plus beau de sa classe.
Il finit l'école avec succès. Après son bac, qu’il a réussi avec la mention très bien, il partit étudier dans la capitale économique du pays : Douala.
Un an plus tard, son père mourut dans un accident mystérieux. Tout le monde parlait de magie noire, on disait que son père faisait partie d'une loge satanique. En Afrique, on ne meurt pas de causes naturelles. Il y a toujours une raison lorsqu'un homme meurt. On raconta beaucoup d'histoires à ce sujet : par exemple, un homme raconta que le père de Johnny devait mourir, car il n'avait pas voulu faire de sacrifices. Il n'avait pas voulu payer le prix pour son succès fulgurant malgré le pacte passé avec des esprits. En punition, il devait donc mourir dans un accident bizarre pour effrayer les gens dans la même situation. L'accident était effectivement très étrange. Il était en route entre Bafoussam et Douala, sur les plus belles routes du Cameroun qui serpentent entre les montagnes, dans un paysage magnifique, quand il eut l’accident de voiture, sans aucun dommage matériel ou physique. On a retrouvé sa voiture au milieu de la route, le moteur encore chaud, il était simplement assis derrière le volant comme s'il se reposait. Mais il était mort. Il y avait aussi un boa dans la voiture, qui était mort lui aussi. Voilà pour l'histoire.
Un boa ?! En pleine journée ?! Dans une voiture climatisée ?! Bien que personne n'ait vu le boa, et qu'il n'y avait aucune preuve de sa présence, cela suffit pour réveiller l'imaginaire des gens : « C'est un sectaire » (il fait partie d'une société secrète). « Maintenant on comprend pourquoi il avait tant d'argent » et « Oui, tous ses enfants sont en Europe », disaient les uns, « Oh oui et son frère qui est mort il y a cinq ans ! Peut-être l'a-t-il tué pour ce pacte… ? », disaient les autres. Il était donc clair que cet homme faisait partie d'une secte. Il avait gagné son argent par le sang et c'est pour ça qu'il était mort. Que ce soit vrai ou pas, n'intéressait personne. Seule l'histoire intéressait les gens.
Suite au décès de son père, les huissiers avaient pris possession de tous leurs biens à cause de prétendues dettes, cela n'était donc plus simplement des bruits de couloir, mais cela devenait tangiblement la vérité. Cet homme faisait partie d'un groupe mystique qui vénérait le diable. Tu peux avoir tout ce que tu veux : gloire, argent, succès... mais à un moment donné tu dois forcément en payer le prix et toutes tes richesses disparaissent simplement après ta mort, comme elles sont apparues.
Ces gens-là sont certes physiquement morts, mais ils continuent à vivre dans un autre monde, où ils devront travailler éternellement pour rembourser tout ce qu'ils ont pu avoir sur terre. C'est leur punition. C'est en tout cas ce qu'on raconte au Cameroun.
C'est ainsi que dans la culture et les croyances africaines, les morts ne sont pas vraiment morts. Ils continuent à vivre. C'est pourquoi le culte des morts est très important. Ils continuent à vivre, dans une autre dimension certes, mais voient tout ce qui se passe sur terre et on peut également entrer en contact avec eux. On entend de partout des histoires de gens, qui ont vu le fantôme d'un membre de leur famille africaine et qui ont pu discuter avec lui. C'est ainsi qu'on peut notamment connaître les raisons de sa mort.
Cette histoire a beaucoup marqué Johnny, car elle était fausse. Tout son monde s'est écroulé après la mort de son père. Il ne pouvait plus se payer le luxe et la belle vie qu'il menait jusqu'alors. Ses frères et sœurs en Europe et en Amérique avaient eux aussi leurs propres familles, ils ne pouvaient pas, et ne voulaient plus s'occuper de lui. Mais il tint le coup, courageusement.