Couscous Crème fraîche. Iris Maria vom Hof

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Couscous Crème fraîche - Iris Maria vom Hof

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est en sécurité. Personne ne viendra la déranger quand elle dort, personne ne la frappera, personne ne l’empêchera de se laver. Dans la douche, il y a une troisième brosse à dents pour Katy, la première de sa vie. Et au cas où quelqu’un voudrait savoir si elle est triste à cause de sa famille : pas le moins du monde, niente. Quand on réchappe à l’enfer, on ne va pas se mettre à chialer au paradis, non ? Et puis, elle n’a pas grand-chose à faire. Le petit-déjeuner et le repas du soir, elles le prennent au foyer. Les filles achètent elles-mêmes de quoi manger et boire dans la journée. Elles se paient des boîtes de conserve, des pâtes, grâce à l’argent de poche qu’elles reçoivent pour la semaine. Pas de conneries, les comptes sont faits au plus juste. Les plus jeunes, celles qui doivent encore aller à l’école, savent qu’elles ont eu une sacrée veine qu’on vienne les tirer de leur vie pourrie. Aucune envie d’arnaquer la direction du foyer. Pas sur la nourriture, en tout cas. Quant aux plus vieilles, celles qui travaillent, elles ont leur propre fric. Mais elles ne peuvent pas rester éternellement au foyer. Tout dépend de combien de places on a besoin pour les cas sociaux. +++ Encore un miracle. Après quelques jours de lutte, Katy obtient qu’on la laisse aller à l’école. Ses résultats n’ont rien de glorieux, elle en a parfaitement conscience, pas besoin qu’on le lui dise. Est-ce qu’elle va devoir retourner en CM1 ? Jusqu’à la fin de l’année scolaire, on ne sait pas si elle va devoir redoubler ou pas. Elle a d’énormes difficultés à apprendre, n’arrive jamais vraiment à terminer quelque chose, ne comprend que la moitié dans toutes les matières. Katy sait à peu près écrire, mais elle écrit tout attaché. Elle forme des serpents de plusieurs lignes de long, sans pause, les mots collés les uns aux autres. Katy n’a pas la moindre idée de comment on écrit normalement. Trop peu d’heures de classe, jamais de devoirs, putain de corvée de ménage ! Les choses ne se sont pas vraiment passées au mieux jusqu’à présent, oh non! +++ Katy s’intègre vite. Il ne lui faut pas très longtemps pour comprendre comment ça marche dans le foyer de jeunes filles. Katy est morte de rire : c’est con, mais on dirait que j’attire les tarés de ce monde. Charly, son éducateur, est complètement dingue. Grand fumeur de chichon devant l’éternel. Il est toujours super détendu. Charly a passé toute sa jeunesse dans des foyers. Et maintenant il travaille dans le social. Il a pris perpétuité, mais volontairement. Charly sait ce que c’est, il ne joue pas à la gentille assistante sociale. Charly fait ce qu’il y a à faire, et quand il a fini, il s’amuse. Charly baba cool. Avec sa moustache et ses cheveux longs. Il est super, il emmène la bande de filles à l’école dans sa Deux chevaux verte. Il fait attention à ce que les filles mangent et boivent suffisamment, il a quasiment toujours une grande bouteille de Coca sous le siège passager. Ce qui est terrible, c’est quand Charly se roule un joint d’une seule main en conduisant. Paf. La Deux chevaux a déjà fait pas mal d’embardées. Evidemment, les filles n’en peuvent plus, et elles piaillent comme des folles. Au secours, on va finir dans le décor ! Au secours, au secours ! Mais non, pas de panique, j’ai la situation en main ! Il y a une expression typique de Charly que les filles adorent : « L’herbe calme les nerfs ». Et comme Charly apprend aux filles à fumer de l’herbe, il a la cote avec tout le monde. Surtout avec Katy. Un mec bien, notre Charly ! Mais il sait aussi les mettre en garde, quand c’est nécessaire : « Le hachisch, c’est beaucoup plus sain que la nicotine, Katy et les filles, vous n’avez que quatorze, quinze ans, ne l’oubliez pas ! » Charly baba cool. +++ Katy se lance avec une grande vigilance et un incroyable courage dans son nouvel avenir. « Quand on t’a cassé à la base, c’est impossible à réparer, dit Charly, mais tu peux te broder une nouvelle vie autour de l’ancienne, c’est possible, Katy. Fais-le ! » Et lorsque Katy passe en CM2, incroyable, une lueur d’optimisme se fait jour dans son âme, qu’elle appelle dès lors sa petite Katy intérieure. Sa Katy émotionnelle, sa voix intérieure, son salut.

      Just do it

      Le Havre, mai 1975 +++++ A quinze ans, Katy découvre la liberté d’une adolescente de l’époque hippie. Au foyer de jeunes filles « Les Algues », on fait la fête jusqu’à tomber par terre. Vin. Cognac. Tord-boyaux. Katy décolle complètement, se bourre souvent complètement la gueule. Celles qui ont du travail et qui peuvent se payer quelque chose de correct proposent assez souvent une gorgée aux plus jeunes. Hé, les gosses de la DDASS, ça vous dit, un petit verre ? Katy commence à aimer ça. Le vin rouge, super. Oh oui. Pas comme son père, qui ne picolait que du Ricard à la maison. Mais qui attaquait dès le matin. Quel primitif, ce Kabyle ! Stop ! Katy se rappelle à l’ordre. Ne plus jamais penser à cette famille de merde ! Plus jamais ! Pour le fric, Katy et ses camarades de classe bossent quelques heures au port. Elles ouvrent les caisses de fruits, les contrôlent, en retirent les fruits pourris, referment les caisses et les empilent. Il arrive qu’une belle orange disparaisse dans un cartable. Et avec leur salaire, les filles s’achètent de l’alcool et du tabac. Il se passe des choses incroyables dans le foyer de jeunes filles. Elles fument presque toutes de l’herbe, et Katy est toujours à fond. Toujours en action. Katy ne reste pas une seconde en place, elle est comme un yoyo, toujours en mouvement. Et plus elle s’agite, moins elle parle. Son échange avec le monde disparaît derrière ses mouvements saccadés. En revanche, elle devient une danseuse super douée. Pas besoin de parler, quand on danse. +++ Sniffer, tirer, cracher, renifler, Katy voudrait se faire exploser la tête, c’est trop bien. Paf. Mais elle n’a pas souvent le fric pour le faire. Et le grand jeu, le fantôme hors de prix, l’héroïne ? Aucune chance. On ne se pique pas au foyer, les filles n’ont pas assez de pépètes. Et avec la drogue, il n’y a pas de cadeaux, pas d’échanges. Pour les drogues dures, on paie cash, les poches des prêteurs sont soudain bien fermées. Une fois, Katy trouve le moyen de sniffer sans rien payer du tout : en échange, elle fait le clown, et toutes les filles sont mortes de rire. C’était déjà sa spécialité quand elle était gamine. Grave. Katy leur concocte un numéro de strip-tease sur « Money, Money, Money » d’Abba. Quand il ne lui reste plus que son slip, les filles pissent de rire. A cette époque, Katy met du 50, elle pèse 85 kilos. A chacune des poses qu’elle prend, on voit ses kilos en trop qui débordent. Il y a un an, elle portait encore du 36. Son envie de vivre est insatiable. Elle mange, elle boit, elle fait tout ce qui lui donne un sentiment de chaleur. Quand elle a de l’argent, elle mange de la viande au petit-déjeuner. Ou une demi-douzaine de merguez. Et hop, la bonne Katy s’envoie tout. Tout. Quand le fumet de la viande vient lui chatouiller les narines, quand la première bouchée fond sur sa langue, un sentiment de bien-être l’envahit. Et puis les frites, délicieux, avec de la moutarde, elle les mange avec les doigts, elles sont toutes craquantes. Oh oui, mais la bouchée est déjà avalée. Katy oublie la sensation de satiété. « Money, Money, Money. » Katy décolle. Et ce ne sont pas les applaudissements qui manquent. Lorsque son énorme soutif vole dans la pièce, elle découvre sa copine et camarade de chambre Malou parmi les filles en délire. C’est bien. Cette idée traverse le crâne de Katy. Logique, avec Malou, tout finit toujours bien. Au fait, Katy garde son slip. Elle aurait honte de se balader sans. +++ Enfin, c’est l’heure de sniffer, et Katy est invitée. Comme toujours, Malou n’a pas envie de toucher à la came des autres. Malou préfère fumer de l’herbe, son herbe à elle. Malou en fourgue de petites quantités au foyer de jeunes filles, dans des fêtes ou chez MC. Dans ce domaine, Malou a son caractère, elle ne laisse personne voir dans son jeu. Et Katy s’en tape. Déjà, parce que Malou lui donne toujours un petit quelque chose, un service d’amie, elles appellent ça toutes les deux. « Hé, Malou ! », lui susurre Katy quand elle en a besoin, c’est à-dire tous les jours, « t’aurais pas un petit service d’amie pour ta meilleure amie ? » Malou donne toujours. +++ Katy, curieuse, va rejoindre les sniffeuses de coke. « Tu l’as déjà fait ? », lui demande Jocelyne, une des plus vieilles. « Non, répond Katy franchement, mais je trouve ça trop cool ! » « Oui, eh ben, fais gaffe, mon petit agneau dodu », dit Jocelyne en passant un bras amical autour des épaules de Katy, « c’est un jeu d’enfants. Mais il y a des règles. Par exemple, tu prends ton propre truc pour sniffer quand le miroir avec les lignes arrive à toi. Fais-toi un petit rouleau de papier ou prends une paille coupée. Et fais bien attention de ne sniffer que de la poudre finement hachée, sinon tu vas te niquer les muqueuses. Et surtout, mon cœur, vas-y mollo ! Commence tout doucement, sinon tu

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