Le crime de l'Opéra 1. Fortuné du Boisgobey

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Le crime de l'Opéra 1 - Fortuné du Boisgobey

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auriez pu m’épargner le désagrément de m’en ressouvenir.

      – Et que j’ai rompu avec lui, quoiqu’il dépensât royalement une très grosse fortune.

      – Dont tout le monde suspectait l’origine.

      – Tout le monde et moi-même. C’est parce que je la suspectais que j’ai quitté Golymine. Mais je puis vous affirmer qu’il a été jugé trop sévèrement. L’or qu’il a semé à pleines mains avait été loyalement gagné par lui en Amérique.

      – Au jeu?

      – Non, dans les mines de Californie.

      – C’est la grâce que je lui souhaite.

      – Et moi seule sait ce que vaut au juste ce Slave que tout Paris acceptait quand il était riche. C’est un aventurier; ce n’est pas un escroc. Il a commis des actes blâmables, et il a fait des actions héroïques. Je ne sais comment définir cette étrange nature… Vous avez lu les romans de Cherbuliez. Eh bien! le comte Golymine tient tout à la fois de Ladislas Bolski et de Samuel Brohl.

      – De Samuel Brohl surtout.

      – Comme Samuel, il a été aimé par une grande dame… par plus d’une. Mais, lui aussi, il a aimé… il aime avec passion…

      – Vous, sans doute?

      – Oui, moi. Et il est homme à me tuer et à se tuer, si je refuse de l’épouser. Il me l’a écrit.

      – Vous ne me dites pas cela, je suppose, pour que je vous donne mon avis sur la question de savoir ce que vous avez à faire.

      – Non, car je suis décidée.

      – À quoi?

      – À ne jamais revoir Wenceslas.

      – Il s’appelle Wenceslas! Il est complet. Je vous félicite de cette résolution, ma chère Julia.

      – Et vous trouvez que j’ai peu de mérite à refuser un mari taré et ruiné. Vous avez raison, car je ne l’aime plus.

      – Vous l’avez donc aimé?

      – Pourquoi ne l’avouerais-je pas? Il est beau, il est brave, il a cette audace, ce dédain de l’opinion des sots, ce mépris du danger qui plaisent tant aux femmes. S’il me faisait comtesse, il saurait m’imposer au monde. Que suis-je, d’ailleurs, moi? Une irrégulière. Je ne dérogerais pas en épousant un irrégulier.

      »Mais, je vous l’ai dit, Gaston, je ne l’aime plus, et je me laisserais tuer par lui plutôt que de lier ma vie à la sienne.

      – Vous êtes tragique, ma chère, murmura le jeune homme d’un air plus ennuyé que fâché.

      Évidemment, la tournure que l’entretien avait prise lui déplaisait. Il n’était pas venu chez Julia pour parler d’amour, et il donnait à tous les diables ce Polonais qu’elle lui jetait à la tête, comme si elle eût pris à tâche d’empêcher la conversation d’aboutir. Il ne tortillait plus sa moustache soyeuse, mais il donnait d’autres signes, encore moins équivoques, d’embarras et d’impatience.

      Pendant qu’il s’agitait sur son fauteuil, la porte du boudoir s’entrouvrit, et une figure de femme se montra discrètement, une vraie figure de camériste du demi-monde, nez pointu, teint blême, bouche railleuse.

      – Qu’y a-t-il? demanda sèchement Julia. Je n’ai pas sonné.

      – Madame n’a pas sonné, mais j’aurais un mot à dire à madame, répondit la soubrette d’un air confidentiel.

      – Dis-le. Pourquoi tant de mystères? Je n’ai pas de secrets pour M.  Darcy.

      – Pardon, madame… c’est que… il y a quelqu’un qui demande à parler à madame.

      – Quelqu’un! Qui cela? Je t’avais défendu de recevoir.

      La femme de chambre garda un silence prudent, mais Gaston, qui lui tournait le dos, vit très bien dans la glace que ses yeux parlaient.

      – Que signifient ces mines? demanda madame d’Orcival. C’est le comte qui est là?

      Évidemment la soubrette n’avait pas prévu cette interpellation. Elle savait son métier, et elle n’était pas accoutumée à annoncer devant le roi régnant un roi détrôné. Mais elle ne se déconcerta point et elle répondit, si bas que Gaston l’entendit à peine:

      – Oui, madame, c’est le comte… mais madame peut croire qu’il est rentré malgré moi… le valet de pied et le cocher sont sortis… je n’ai pas pu, moi toute seule, l’empêcher de forcer la consigne et de me suivre jusque dans le salon.

      – Ah! il est dans le salon, s’écria madame d’Orcival. Fort bien. J’y vais. Retourne dans ma chambre à coucher et n’en bouge pas que je ne te sonne.

      La camériste disparut, comme elle était entrée, sans bruit, et elle referma la porte avec des précautions qui dénotaient une grande expérience des situations scabreuses.

      Aux premiers mots significatifs de ce court colloque, Gaston s’était levé.

      – C’est le comte Golymine? demanda-t-il.

      – Mon Dieu! oui, répondit Julia. Il m’a écrit ce matin qu’il voulait me voir avant de quitter la France… il part demain. Je lui ai fait dire que je ne le recevrais pas, mais je m’attendais à une incartade de ce genre. Ce sera la dernière; je veux en finir ce soir avec lui.

      – Et moi, je m’en vais, dit Gaston, avec un empressement que madame d’Orcival remarqua sans doute, car elle reprit froidement:

      – Si vous cherchez un prétexte pour me quitter, vous n’aurez pas de peine à en trouver un de meilleur. Il n’y a plus rien entre le comte et moi, et je vous prie de rester ici. L’entrevue sera courte, je vous le promets, et à mon retour, j’aurai une explication avec vous.

      Ayant dit, Julia sortit sans laisser à son amant le temps d’ajouter un seul mot.

      Gaston, en cette occurrence, manqua de présence d’esprit, mais il faut avouer qu’il se trouvait dans un cas des plus épineux. Retenir madame d’Orcival malgré elle, c’eût été ridicule. On ne violente pas une femme. Partir, c’était impossible. Le boudoir n’avait qu’une issue, et, pour en sortir, il fallait traverser le salon où le comte attendait. Passer sous les yeux d’un rival et lui céder la place, ou bien chercher querelle à ce rival et le mettre à la porte, Gaston avait à choisir entre ces deux partis, et il aurait volontiers pris le dernier s’il avait eu affaire à un homme de son monde.

      Mais la perspective d’un duel avec ce Slave déclassé ne lui souriait guère, et c’eût été jouer de malheur que d’être forcé de rompre avec éclat une liaison qu’il voulait dénouer à l’amiable.

      Car Julia ne s’était pas trompée. Gaston Darcy était décidé à se séparer d’elle. Avec sa clairvoyance de femme, elle avait lu son dessein dans ses yeux, et comme elle tenait à ne pas être quittée, elle s’était mise aussitôt à jouer une partie qu’elle comptait bien gagner. La visite inattendue de ce Golymine arrivait comme un coup décisif à la fin de cette

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