Le crime de l'Opéra 1. Fortuné du Boisgobey

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Le crime de l'Opéra 1 - Fortuné du Boisgobey

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de chercher à tâtons un flambeau et de l’allumer. Il avait arraché une embrasse des lourds rideaux de tapisserie, traîné contre la fenêtre un tabouret sur lequel il était monté, et qu’il avait repoussé du pied, après s’être passé autour du cou un nœud coulant, fait avec l’embrasse préalablement attachée à l’espagnolette.

      Il n’en faut pas plus pour mourir.

      – Voilà donc sa vengeance, pensait Julia. Il s’est tué chez moi pour me perdre par le bruit que fera son suicide. Demain, tout Paris saura que Golymine, ruiné, déshonoré, s’est pendu dans l’hôtel de sa maîtresse… on dira bientôt de sa complice, car les histoires oubliées reviendront à la mémoire des femmes qui me jalousent et des hommes qui me détestent. Qui sait si on ne dira pas que j’ai assassiné Golymine?… Et Darcy qui a entendu ma querelle avec ce malheureux ne démentira peut-être pas ceux qui diront cela.

      Puis, avec cette mobilité d’esprit qui était un de ses moindres défauts, elle se prit à regretter le mort.

      – Fou! se disait-elle, plus fou cent fois que je ne pouvais le croire. Je savais bien qu’il avait plus de cœur que tous les sots qui le méprisaient… mais se tuer à trente ans!… quand il lui restait assez de jeunesse, de courage et d’intelligence pour refaire sa fortune! Ah! celui-là m’a aimée!… et si je pouvais le ressusciter, comme je lui dirais: Je suis prête à te suivre!

      Et, frappée tout à coup d’une idée:

      – S’il n’était pas mort, murmura-t-elle, si, en coupant ce cordon… non non… il y a trop longtemps… ce serait inutile… mais je ne puis pas rester ici… il faut agir… sans quoi on m’accuserait… je vais appeler Mariette, envoyer prévenir la police.

      Elle se rappela alors qu’il n’y avait pas de sonnette mettant en communication la galerie avec la chambre à coucher où elle avait consigné la soubrette, et elle marcha vers le dressoir pour y prendre la bougie qui avait éclairé les préparatifs du suicide et qui brûlait encore.

      Le flambeau qu’elle portait lorsqu’elle était entrée s’était éteint en tombant, et elle n’osait pas traverser sans lumière cette longue galerie où elle laissait derrière elle un cadavre.

      Elle passa, en détournant la tête, devant la sinistre fenêtre, et elle allait mettre la main sur le bougeoir quand elle vit que, près de ce bougeoir, il y avait un papier, une feuille arrachée d’un carnet.

      – Il a écrit, dit-elle tout bas… à moi, sans doute… un adieu.

      Et elle lut ces mots tracés au crayon:

      «C’est Julia d’Orcival qui m’a tué. Je désire que la somme contenue dans mon portefeuille soit distribuée aux pauvres de Paris, et je prie les autorités françaises de faire remettre aux personnes qui les ont écrites les lettres qu’on y trouvera.»

      – Des lettres! murmura Julia. Les miennes peut-être… Oui, il les a conservées… il me l’a dit, il a essayé de m’effrayer en me rappelant qu’il avait entre les mains la preuve qu’il m’avait intéressée autrefois à… à ses affaires… et sa dernière pensée a été de livrer le secret de notre association. Ah! c’est maintenant que je sais ce que vaut la malédiction d’un mort.

      Elle resta quelques instants affaissée sous ce nouveau coup, puis se redressant:

      – C’est infâme ce qu’il a fait là. Il comptait qu’un de mes domestiques découvrirait son corps, et que ce papier serait remis au commissaire de police, sans que je pusse m’y opposer… il ne prévoyait pas que ce serait moi qui le trouverais… mais je l’ai, et personne ne le verra, car je vais le brûler… et personne non plus ne verra mes lettres.

      Elle exposa le feuillet à la flamme de la bougie, et, en un clin d’œil, il ne resta plus de cet étrange testament que des cendres.

      Mais les lettres étaient dans la poche du mort.

      – Je n’oserai jamais les prendre, dit-elle tout bas.

      L’embrasure que Golymine avait choisie pour mourir était à six pas du dressoir, et le cadavre se détachait comme un fantôme noir sur les vitraux clairs. La galerie s’emplissait de ténèbres. Partout, le silence, un silence de tombe. Julia, terrifiée, frissonnait de la tête aux pieds.

      – Il le faut, dit-elle tout bas. Cette bougie va s’éteindre… et Mariette peut venir… je ne veux pas qu’elle me trouve ici.

      Elle saisit le bougeoir d’une main tremblante et elle avança vers la fenêtre. Sa gorge se serrait, ses lèvres étaient sèches, et elle éprouvait à la racine des cheveux la sensation que cause le contact passager d’un fer rouge. Chaque pas qu’elle faisait retentissait douloureusement dans son cerveau. Parfois, il lui semblait qu’elle entendait une voix, la voix de Golymine qui l’appelait.

      En arrivant à l’embrasure, elle ferma les yeux, et peu s’en fallut qu’elle ne laissât encore une fois tomber son flambeau.

      Les pieds du pendu touchaient presque le parquet, car le cordon s’était allongé sous le poids de ce grand corps; sa tête s’inclinait sur sa poitrine, et son visage disparaissait dans le collet de fourrures de sa pelisse.

      Mais pour trouver le portefeuille, il fallait toucher le cadavre, fouiller les habits.

      – Non, je ne peux pas, murmura Julia sans oser lever les yeux.

      Et si elle eût été obligée de porter la main sur ce mort, de palper cette poitrine où un cœur ardent avait battu pour elle, l’horreur eût été plus forte que l’intérêt.

      Mais il était écrit qu’elle irait jusqu’au bout. Ses yeux qu’elle tenait baissés, de peur de revoir les traits de l’homme qui l’avait adorée, ses yeux aperçurent, dépassant une des poches de côté de la pelisse, le bout d’un portefeuille.

      Certes, Golymine l’avait placé là avec intention. Il tenait à ce qu’on le trouvât, et ce n’était pas pour être agréable à son ancienne maîtresse qu’il avait pris cette précaution.

      Madame d’Orcival comprit cela, et ses scrupules s’envolèrent. Elle posa le bougeoir sur la table de Boulle où devait se trouver encore la carte de visite du comte, prit du bout des doigts le portefeuille et l’ouvrit.

      Elle en tira d’abord des billets de banque, trois liasses de dix mille, les dernières cartouches du vaincu de la vie parisienne, le viatique mis en réserve pour passer à l’étranger.

      Julia regarda à peine ces papiers soyeux que, d’ordinaire, elle ne méprisait pas tant, et ouvrit d’une main fiévreuse les autres compartiments du portefeuille. Elle y trouva ce qu’elle cherchait, des lettres attachées ensemble par un fil de soie, des lettres d’où s’exhalait un parfum doux comme l’odeur du thé, des reliques d’amour qui n’étaient pas toutes de la même sainte, car Golymine avait eu beaucoup de dévotions particulières.

      Madame d’Orcival les prit, remit les billets de banque dans le portefeuille, le portefeuille dans la poche du mort, et sortit de la galerie sans oser se retourner.

      Quand elle se retrouva dans son salon, joyeusement éclairé, le sang-froid lui revint. Elle le traversa, rentra sans bruit dans le boudoir, et s’y enferma au verrou.

      Mariette aurait pu entrer sans qu’elle l’appelât, et elle ne voulait pas que Mariette vît les lettres.

      Son

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