Le crime de l'Opéra 1. Fortuné du Boisgobey

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Le crime de l'Opéra 1 - Fortuné du Boisgobey

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Julia.

      – On la soupçonnait donc d’avoir tué Golymine?

      – Mon cher, dans ces cas-là, on soupçonne toujours quelqu’un. Et puis, il y a le fameux axiome: Cherchez la femme. Mais madame d’Orcival a été très nette dans ses explications. Elle a raconté que ce Polonais est entré chez elle en forçant la consigne, et qu’il lui a fait une scène. Croiriez-vous qu’il voulait la décider à le suivre en Amérique, sous prétexte qu’elle l’a aimé autrefois?

      En apercevant tout à coup Gaston qui était derrière lui, Lolif balbutia:

      – Pardon, mon cher, je ne vous avais pas vu.

      – Oh! ne vous gênez pas à cause de moi, dit Darcy en s’efforçant de sourire. Cela ne me regarde plus. J’ai rompu… hier.

      – Vraiment? Eh bien, j’en suis charmé pour vous, car enfin vous auriez pu être interrogé, et c’est toujours désagréable.

      »Où en étais-je? Ah! je vous disais que Golymine, ruiné à fond et résolu à passer les mers, rêvait de ne pas partir seul. Il avait jeté son dévolu sur Julia qui a des titres de rente, un hôtel superbe et des tableaux à remplir un musée. Ma parole d’honneur, ces Slaves ne doutent de rien. Ah! on aurait vu une belle vente, si elle avait voulu liquider pour être agréable à la Pologne. Mais pas si sotte! Elle a refusé net, et elle a mis le comte à la porte. Sur quoi, mon Golymine, au lieu de sortir de l’hôtel, est allé se pendre dans la galerie… entre un Corot et un Diaz.

      – C’est invraisemblable. La d’Orcival a des domestiques, et on ne circule pas dans sa maison comme dans un bazar.

      – Il n’y avait chez elle que la femme de chambre, et c’est elle qui en passant dans la bibliothèque a découvert Golymine accroché par le cou. Et Julia, informée aussitôt de l’événement, n’a pas perdu la tête. Elle a envoyé chercher un médecin et avertir la police.

      – Entre nous, elle aurait mieux fait de couper la corde.

      – Messieurs, reprit gravement Lolif, une femme est bien excusable de ne pas oser toucher au cadavre de son ancien amant. D’ailleurs, c’eût été tout à fait inutile. Golymine était mort depuis une heure, quand la femme de chambre l’a trouvé. C’est le commissaire qui me l’a dit.

      – Une heure! pensait Darcy. J’étais encore chez Julia lorsqu’il s’est tué. Elle a dû parler de moi aux agents, car maintenant elle n’a plus de raison pour me ménager. Demain, mon nom figurera sur un rapport de police. Joli début dans la magistrature!

      – Mais, demanda le général péruvien qui suivait le récit avec un intérêt marqué, est-ce que le comte n’a pas laissé un écrit… pour expliquer le motif de…?

      – Non, répondit Lolif. Il ne pensait pas à se tuer quand il est venu chez Julia. Elle a refusé de le suivre, et il s’est pendu de rage. C’est un suicide improvisé.

      – Le fait est, dit Simancas, que ce pauvre Golymine était fort exalté. Je l’ai connu autrefois… au Pérou… et j’ai même eu le tort de le présenter ici. Je m’étais trompé sur son compte, et j’ai appris, depuis, des choses qui m’ont décidé à cesser de le voir. Mais sa fin ne me surprend pas. Je savais qu’il était capable des plus grandes extravagances… et celle-là est réellement la plus grande de toutes celles qu’un homme peut commettre.

      – Se pendre pour madame d’Orcival, en effet, c’est raide, s’écria Prébord. Mais c’est une vilaine action qu’elle a là sur la conscience, cette bonne Julia.

      Il me semble, dit sèchement Gaston, que, si le récit de Lolif est exact, elle n’a rien à se reprocher.

      Darcy n’aimait pas ce bellâtre qui se vantait sans cesse de ses succès dans le monde et qui affichait un dédain superbe pour les demoiselles à la mode.

      – Darcy a raison, appuya l’officier. Une femme n’est jamais responsable des sottises qu’un homme fait pour elle.

      – Alors, demanda Simancas avec une certaine hésitation, on n’a rien trouvé sur Golymine… aucun papier…

      – Pardon, dit Lolif, on a trouvé trente billets de mille francs dans son portefeuille. Et c’est bien la preuve qu’en cette affaire la conduite de madame d’Orcival a été correcte.

      – Parce qu’elle n’a pas dévalisé ce pauvre diable après sa mort. Beau mérite, vraiment! s’écria Prébord. Elle est fort riche.

      – Tiens! tiens! dit le financier, si je réclamais les cinq mille francs que j’ai prêté à ce Polonais chez la marquise?

      – Réclamer à qui? Au commissaire de police? Et puis, vous n’avez pas de billet, et Golymine doit laisser une flotte de créanciers. S’il ne possédait plus que l’argent qu’il avait sur lui, ils auront peut-être un louis chacun.

      – Mais, objecta Lolif, rien ne prouve que le comte n’eût que cette somme. Il avait toujours la tenue d’un homme opulent. Il est mort vêtu d’une magnifique pelisse en fourrures.

      – Vous l’avez vu! s’écria Simancas, vous êtes sûr qu’il portait sa pelisse?

      – Très sûr; je ne l’ai pas vu, mais les agents m’ont renseigné. Le portefeuille aux trente mille francs était dans la poche d’une pelisse à collet de martre zibeline.

      Le général péruvien n’insista point. Il savait probablement tout ce qu’il voulait savoir. Il se détacha du groupe et s’en alla rejoindre son ami Saint-Galmier qui sortait du salon.

      Darcy, lui aussi, en savait assez, et il s’éloigna de la cheminée. Le récit de ce drame l’avait jeté dans de grandes perplexités. Il en était presque venu à se reprocher d’avoir causé involontairement la mort d’un homme auquel cependant il ne s’intéressait guère.

      L’apparition du capitaine Nointel lui fit grand plaisir, car il éprouvait le besoin d’ouvrir son cœur à un ami. Nointel était le sien dans toute la force du terme. Ils s’étaient connus pendant le siège de Paris, Darcy étant attaché volontaire à l’état-major d’un général dont Nointel était officier d’ordonnance. Et, quand on est lié au feu, on en a pour la vie. D’ailleurs, l’amitié vit souvent de contrastes, comme l’amour. Or, cet Oreste et ce Pylade n’avaient ni le même caractère, ni les mêmes goûts, ni la même façon d’entendre la vie.

      Nointel, démissionnaire après la guerre, avait su se créer une existence agréable avec quinze mille francs de revenu. Darcy n’avait su que s’ennuyer en écornant une belle fortune. Nointel n’aimait qu’à bon escient et ne voulait plus rien être après avoir été soldat. Darcy, tout en aimant à tort et à travers, avait des velléités d’ambition. L’un était un sage, l’autre était un fou. D’où il résultait qu’ils ne pouvaient se passer l’un de l’autre.

      – Mon cher, j’en ai long à t’apprendre, dit Darcy, en conduisant Nointel dans un coin propice aux confidences.

      – Est-ce que par hasard tu te serais décidé à en finir avec madame d’Orcival?

      – C’est fait.

      – Bah! depuis quand?

      – Depuis ce soir. Mais ce n’est pas tout. Le Polonais qui avait été son amant autrefois s’est

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