Le crime de l'Opéra 1. Fortuné du Boisgobey

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Le crime de l'Opéra 1 - Fortuné du Boisgobey

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il fut saisi au passage par le général péruvien.

      – Cher monsieur, lui dit ce guerrier transatlantique, il n’y a que vous qui puissiez nous tirer d’embarras. Nous sommes trois qui mourons d’envie de faire un whist à un louis la fiche. Vous plairait-il de compléter notre table?… Oh! seulement jusqu’à ce qu’il nous arrive un rentrant.

      Darcy venait de s’assurer, en interrogeant un valet de chambre du cercle, que le capitaine Nointel n’était pas encore arrivé. Il ne voulait pas partir avant de l’avoir vu, et il savait qu’il viendrait certainement. Les bavardages de la cheminée commençaient à l’ennuyer, et il ne haïssait pas le whist. Il accepta la proposition du général, quoique ce personnage lui fût peu sympathique.

      M.  Simancas était pourtant un homme de bonne mine et de bonnes façons, et Darcy entretenait avec lui ces relations familières qui sont comme la monnaie courante de la vie de cercle, et qui n’engagent, d’ailleurs, absolument à rien.

      Ce soir-là le futur attaché au parquet était si content d’avoir rompu sa chaîne qu’il oubliait volontiers ses antipathies.

      La table où il s’assit à la gauche du général, que le hasard des cartes venait de lui donner pour adversaire, était placée pas très loin des causeurs, mais la causerie languissait, et les amateurs du silencieux jeu de whist purent se livrer en paix à leur divertissement favori.

      Le docteur Saint-Galmier, de la Faculté de Québec, n’était pas de la partie. Il était allé se mêler au groupe qui faisait cercle devant le foyer.

      La seconde manche du premier rubber venait de commencer, lorsqu’un jeune homme très replet et très joufflu entra dans le salon, à peu près comme les obus prussiens entraient dans les mansardes au temps du bombardement de Paris.

      Ce nouveau venu avait la face rouge et les cheveux en désordre; il soufflait comme un phoque, et on voyait bien qu’il venait de monter l’escalier en courant.

      Dix exclamations partirent à la fois:

      – Lolif! voilà Lolif! – Messieurs, il y a un crime de commis, c’est sûr, et Lolif est chargé de l’instruction. – Allons, Lolif, contez-nous l’affaire. Où est le cadavre?

      – Oui, blaguez-moi, dit Lolif en s’essuyant le front. Vous ne me blaguerez plus tout à l’heure… quand je vous aurai dit ce que je viens de voir.

      – Dites-le donc tout de suite.

      – Apprêtez-vous à entendre la nouvelle la plus étonnante, la plus renversante, la plus…

      – Assez d’adjectifs! au fait!

      – Je ne peux pas parler, si vous ne m’écoutez pas.

      – Parlez, Lolif, parlez! Nous sommes tout ouïes.

      – Eh bien! figurez-vous que, ce soir, j’avais dîné chez une cousine à moi, qui a le tort de demeurer au bout de l’avenue de Wagram…

      – Est-ce qu’il va nous donner le menu du dîner de sa cousine?

      – N’interrompez pas l’orateur.

      – Je suis sorti avant minuit, et je revenais à pied, en fumant un cigare, quand, arrivé à l’entrée du boulevard Malesherbes, j’ai aperçu un rassemblement à la porte d’une maison… d’un hôtel. Et devinez lequel. Devant l’hôtel de Julia d’Orcival.

      – Bah! est-ce que le feu était chez elle?

      – Non, pas le feu. La police.

      – Allons donc! Julia conspirerait contre le gouvernement. Au fait, on la voit à Saint-Augustin… aux anniversaires…

      – Vous n’y êtes pas, mes petits. Je vous disais donc qu’il y avait une demi-douzaine de sergents de ville sur le trottoir, deux agents de la sûreté dans le vestibule, et au premier étage, le commissaire occupé à verbaliser.

      Lolif parlait si haut que les whisteurs ne perdaient pas un mot de son récit, et ce récit commençait à intéresser Gaston Darcy, au point de lui faire oublier que son tour était venu de donner les cartes.

      – C’est à vous, lui dit poliment le général.

      – Oui, messieurs, reprit Lolif, le commissaire. Et savez-vous ce qu’il venait faire chez Julia?

      – Du diable si je m’en doute.

      – Il venait faire la levée du corps d’un monsieur qui s’est suicidé dans l’hôtel de la d’Orcival.

      – Par désespoir d’amour? ça, c’est un comble… le comble de la déveine, car Julia n’a jamais désespéré personne.

      – Attendez! dit Lolif, en prenant la pose d’un acteur qui va lancer une réplique à effet. Ce monsieur, vous le connaissez tous. C’est le comte Golymine.

      – Pas possible! Les gens de la trempe de Golymine ne se tuent pas pour une femme.

      – Que ce soit pour une femme, ou pour un autre motif, je vous affirme que Golymine s’est pendu dans la galerie de l’hôtel, à l’espagnolette d’une fenêtre.

      – Comment! vous coupez mon neuf qui est roi, s’écria le partner de Darcy.

      – Et vous, général, vous venez de mettre votre dame d’atout sur mon valet, quand vous avez encore le sept et le huit en main, dit d’un air fâché le partner de M.  Simancas.

      La nouvelle proclamée comme à son de trompe par la voix perçante de Lolif jeta le désarroi dans la partie de whist, et les deux joueurs qu’elle n’intéressait pas pâtirent cruellement des fautes de leurs partners.

      Darcy, qui jouait très correctement, fit deux renonces avant la fin du coup, et le général, qui jouait de première force en fit trois.

      – Je ne sais pas ce que j’ai ce soir, dit le futur magistrat. Je ne suis pas au jeu. Je vous prie de m’excuser, messieurs, et, pour que vous ne soyez pas victimes de mes distractions, je liquide. Justement, j’aperçois deux rentrants. Je dois neuf fiches. Voici neuf louis.

      Le général empocha l’or et se leva en même temps que Darcy.

      – Il fait ici une chaleur atroce, et je ne me sens pas bien, murmura-t-il en quittant la table.

      Gaston ne s’étonna point de l’indisposition subite du Péruvien. Il ne pensait qu’à se rapprocher de la cheminée pour entendre la suite d’un récit dont le début l’avait fort troublé.

      Golymine retrouvé mort chez Julia, Golymine qui avait dû sortir de l’hôtel bien avant lui, c’était à ne pas y croire.

      Très ému et même assez inquiet, Darcy vint se mêler au groupe, et il eut bientôt la triste satisfaction d’apprendre des détails qui ne le rassurèrent pas beaucoup.

      – Qu’auriez-vous fait à ma place, messieurs? disait Lolif. Vous auriez passé votre chemin. Moi, j’ai voulu être renseigné, et je le suis, je vous en réponds.

      – Vous étiez né pour être reporter.

      – Non, pour être

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