Le crime de l'Opéra 1. Fortuné du Boisgobey

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Le crime de l'Opéra 1 - Fortuné du Boisgobey

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style="font-size:15px;">      Il n’en était pas moins ravi d’avoir conquis si lestement sa liberté, et il éprouvait le besoin de ne pas garder sa joie pour lui tout seul. Aussi ne songeait-il point à aller se coucher. S’il avait su où trouver son oncle, il n’aurait pas remis au lendemain la visite qu’il comptait lui faire pour lui apprendre une si bonne nouvelle. Mais son oncle allait tous les soirs dans le monde, et il ne se souciait pas de se mettre à sa recherche à travers les salons du faubourg Saint-Honoré. Il appela le premier fiacre qui vint à passer, et il se fit conduire à son cercle.

      C’était justement l’heure où il savait qu’il y rencontrerait ses amis, et entre autres, ce capitaine Nointel que madame d’Orcival détestait, sans le connaître. Les femmes ont un merveilleux instinct pour deviner qu’un homme leur est hostile.

      Ce cercle n’était pas le plus aristocratique de Paris, mais c’était peut-être le plus animé, celui où on jouait le plus gros jeu, celui que fréquentaient de préférence les jeunes viveurs et les grands seigneurs de l’argent. Darcy y était fort apprécié, car il possédait tout ce qu’il faut pour plaire aux gens dont le plaisir est la grande affaire. Il avait de l’esprit, il parlait bien, et pourtant il ne racontait jamais de longues histoires. Il était toujours prêt à toutes les parties, et, qualité qui prime toutes les autres, dans une réunion de joueurs, il ne gagnait pas trop souvent.

      Quand il entra dans le grand salon rouge, sept ou huit causeurs étaient assemblés autour de la cheminée, et les bavardages allaient leur train. C’était un centre d’informations que ce foyer du salon rouge, et chacun y apportait, entre minuit et une heure, les nouvelles de la soirée. Bien entendu, les anecdotes scandaleuses y étaient fort goûtées, et on ne se faisait pas faute d’y commenter les plus fraîches.

      La première phrase que Darcy saisit au vol fut celle-ci:

      – Saviez-vous que Golymine a été son amant et qu’il a fait des folies pour elle? Il faut vraiment qu’elle soit de première force pour avoir tiré beaucoup d’argent d’un Polonais qui n’en donnait pas aux femmes… au contraire.

      Celui qui tenait ce propos était un grand garçon assez bien tourné, un don Juan brun, qui passait pour avoir eu de nombreuses bonnes fortunes dans la colonie étrangère. Il avait la spécialité de plaire aux Russes et aux Américaines.

      Il s’arrêta court en apercevant Darcy, qui jugea l’occasion bonne pour faire une déclaration de principes.

      Tout le monde connaissait sa liaison avec Julia, et il n’était pas fâché d’annoncer publiquement sa rupture. C’était une façon de brûler ses vaisseaux et de s’enlever toute possibilité de retour. Il se défiait des séductions du souvenir, et il ne se croyait pas encore à l’abri d’une faiblesse.

      – C’est de madame d’Orcival qu’il s’agit? demanda-t-il.

      – Non, répondit un causeur charitable. Prébord parlait du beau Polonais qu’on a refusé ici dans le temps.

      – Et qui a été jadis avec Julia d’Orcival, chacun sait ça; mais ce que vous ne savez pas, c’est que je ne suis plus dans les bonnes grâces de cette charmante personne.

      – Comment, c’est fini! s’écrièrent en chœur les clubmen.

      – Complètement. Les plus courtes folies sont les meilleures.

      – Pas si courte, celle-là. Il me semble, cher ami, qu’elle a duré plusieurs saisons.

      – Et la séparation s’est faite à l’amiable?

      – Mais oui. Nous ne nous étions pas juré une fidélité éternelle.

      – Ma foi! mon cher, vous avez eu raison de déclarer forfait. Julia est très jolie, et elle a de l’esprit comme quatre; mais il n’y a encore que les femmes du monde. Demandez plutôt à Prébord.

      – Ou au comte Golymine. Il les connaît, celui-là.

      – À propos de ce comte, ou soi-disant tel, sait-on ce qu’il est devenu? demanda un jeune financier qui était un des gros joueurs du cercle.

      – Peuh! je crois bien qu’il est à la côte. On ne le voit plus nulle part. C’est mauvais signe.

      – J’en serai pour cinq mille, que j’ai eu la sottise de lui prêter.

      – Vous étiez donc gris ce jour-là?

      – Non, mais c’était à un baccarat chez la marquise de Barancos. Voyant qu’il était reçu dans cette maison-là, j’ai cru que je ne risquais rien.

      – La marquise le recevait. Elle ne le reçoit plus. Quand il est arrivé à Paris, on le prenait partout pour un seigneur. Il faut dire qu’il était superbe… et avec cela l’air d’un vrai prince.

      – Et il avait beaucoup d’argent. Je l’ai vu perdre trois mille louis sur parole, après un dîner au café Anglais. Il les a payés le lendemain avant midi.

      – Oui, c’était le temps où toutes les femmes raffolaient de lui. Il vous avait une façon de s’habiller et de mener en tandem… et puis, il ne boudait pas devant un coup d’épée. Il en a même donné un assez joli à ce brutal de Mauvers, qui l’avait coudoyé avec intention dans le foyer de l’Opéra.

      – Ah çà! messieurs, dit le grand Prébord, à vous entendre, on dirait que ce boyard d’occasion était le type du parfait gentilhomme. Vous oubliez un peu trop qu’il a toujours couru de mauvais bruits sur son compte.

      – Ça, c’est vrai, reprit un officier de cavalerie fort répandu dans le monde où l’on s’amuse, et je me suis toujours demandé comment il avait pu trouver des parrains pour le présenter à notre Cercle.

      – Et des parrains très respectables. Le général Simancas et le docteur Saint-Galmier. Tiens! quand on parle du loup… voilà le docteur qui manœuvre pour se rapprocher de la cheminée… gare les récits de voyage!… et j’aperçois là-bas ce cher Simancas qui cherche un quatrième pour son whist.

      – Ils ne me plaisent ni l’un ni l’autre, votre docteur et votre général. Général d’où? Docteur de quelle faculté?

      – Général au service du Pérou, le Simancas. Quant à cet excellent Saint-Galmier, il a pris ses grades à la Faculté de Québec. Il est d’une vieille famille normande émigrée au Canada. S’ils ont consenti à patronner Golymine, c’est qu’à l’époque où ils l’ont présenté, personne ne doutait de son honorabilité. Mais il y a longtemps qu’ils ont cessé de le voir.

      – Qu’en savez-vous? Moi, j’exècre tous ces étrangers. On se demande toujours de quoi ils vivent.

      – Bon! voilà que vous donnez dans la même toquade que notre ami Lolif qui voit des mystères partout. N’a-t-il pas imaginé l’autre jour que Golymine était le chef d’une bande de brigands, et qu’il dirigeait les attaques nocturnes dont les journaux s’occupent tant! Il a la douce manie d’inventer des romans judiciaires, ce bon Lolif.

      – Il n’a pas inventé les étrangleurs. Avant-hier, on a volé et étranglé à moitié le petit Charnas qui sortait du Cercle Impérial et qui avait sur lui dix-sept mille francs gagnés à l’écarté.

      – Diable! si ces coquins-là se mettent à dépouiller les gagnants, ce ne sera plus la

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