Les terres d'or. Gustave Aimard

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Les terres d'or - Gustave Aimard страница 2

Les terres d'or - Gustave  Aimard

Скачать книгу

j’en suis touché! Je parierais qu’il en sait une provision d’histoires;… toutes plus intéressantes les unes que les autres! Il doit être extrêmement instruit en façons indiennes. Et, qu’a-t-il chanté encore, ce bel oiseau?…

      – Il m’a demandé si j’avais des frères et des sœurs. Il trouve que je ne dois pas mener une existence agréable dans ce Settlement sauvage et solitaire, toute seule avec vous… surtout si on pense que vous êtes dehors la majeure partie du temps.

      – En vérité! Et il suppose que vous avez besoin de société, n’est-ce pas?… Eh bien! là, franchement! je ne suis en aucune façon de son avis. Et, je vous le dis, Alicia Newcome! si ce polisson de Français vient encore rôder par ici, sous prétexte de me demander; s’il a l’effronterie de faire des pauses pour vous distraire par sa conversation… je m’arrangerai de façon à ce que vous vous mordiez les doigts de vous être prêtée à ces familiarités là!

      – Mais! comment puis-je m’y prendre pour l’empêcher de venir ici, et de me parler s’il vient?… demanda la jeune fille moitié chagrine, moitié irritée de l’apostrophe paternelle.

      – Allons! bien! il faudra que je vous fasse la leçon sur ce point, n’est-ce pas? Comme si toute femme ne connaissait pas d’instinct le moyen de se débarrasser d’un importun?

      – Mais, je ne suis qu’une pauvre fille sans expérience, mon père; je ne sais rien, si ce n’est qu’il faut répondre civilement à qui me parle avec civilité.

      – Eh! eh! eh! ricana l’irascible et grincheux Settler, tout le sang de sa mère, damnation! Petite effrontée! prenez garde de vous montrer trop fidèle à votre sang! vous comprenez? Je ne vous dis que ça! Et, sachez que je ne veux pas vous voir, comme votre mère, prodiguer vos plus gracieux sourires à quiconque les sollicitera!

      Il était dans les habitudes grossières de Newcome de se venger sur sa noble femme de la pauvreté qu’elle lui avait apportée en dot; ces brutales récriminations avaient toujours fait grand fonds dans la couronne d’épines que la pauvre martyre avait dû supporter pendant sa vie.

      Quoique accoutumée à voir sa mère rudoyée par son indigne tyran et froissée dans ses sentiments les plus délicats, Alice, depuis la mort de cette unique et précieuse amie, n’avait pu supporter les insultes adressées à sa mémoire chérie. Aux paroles cruelles de son père, des larmes brûlantes jaillirent de ses yeux et sillonnèrent lentement ses joues pâlissantes: mais elle se hâta de les essuyer furtivement, de peur qu’elles ne servissent de prétexte à quelques nouvelles cruautés.

      La cabane de Newcome était assurément bien misérable pour servir d’habitation à cette gracieuse et mignonne fille. Mais, heureusement pour elle, la pauvreté ne lui avait jamais semblé un mal sérieux; sa mère avait fortifié sa jeune âme par de salutaires enseignements; tout en lui faisant apprécier par-dessus tout les richesses de l’intelligence, – ce luxe du pauvre aussi bien que du riche, – elle lui avait appris à embellir l’indigence même, par les ressources de l’esprit, de la grâce et d’une résignation inaltérable.

      Ainsi, dans cette rustique et prosaïque demeure, Alice avait su faire régner une atmosphère de propreté, d’ordre, de distinction, d’élégance même, où l’œil le moins délicat trouvait aussitôt un reflet des précieuses qualités déployées par la jeune ménagère.

      Mais, au fond, le contraste était frappant; il était pénible de songer qu’une si aimable enfant se trouvait condamnée à hanter pareille demeure.

      Très-probablement des pensées de ce genre vinrent en esprit à Thomas Newcome. Il se rendit involontairement justice, en regardant d’un œil furtif la pauvre Alice qui meurtrissait ses petites mains en s’efforçant de tirer à elle les lourds volets pour opérer la fermeture quotidienne de la maison.

      Probablement, dans l’âme sordide de ce manant, s’éleva un cri de la conscience, lorsqu’il se demanda quelles seraient les appréciations de la Gentry civilisée, si cette jeune fille lui apparaissait malheureuse, déclassée, courbée sous la froide étreinte de la misère et de l’abandon.

      Mais tout, chez cet homme, aboutissait à la colère. Il secoua violemment ces idées importunes, se leva en sursaut et jetant sa chaise sur le plancher, avec un bruit infernal, il se mit à marcher de long en large, suivant son habitude, comme un ours dans sa cage.

      – Au lit! fille! au lit! s’écria-t-il enfin; je veux déjeuner demain matin, de bonne heure; car il faudra aller tenir tête à ces rogneurs de terre. S’ils ont besoin d’une leçon je leur en donnerai une: au point du jour je serai en observation, et malheur à eux si je trouve un seul poteau déplacé!

      Jamais Alice n’avait vu son père déployer une telle violence. Toute tremblante, elle se retira, sans mot dire, dans le sombre réduit qui lui servait de chambre à coucher. Thomas s’étendit sur un banc dans la pièce commune: bientôt le silence – sinon le sommeil – régna sous le triste toit de ces deux misérables créatures.

      CHAPITRE II. UNE JOYEUSE VEILLÉE

      La soirée s’était écoulée tout autrement chez les Squatters (concessionnaires, défricheurs) du Claim voisin. Pour donner ample satisfaction à leurs instincts de sociabilité, de confort et d’économie, quatre jeunes chasseurs de terres avaient imaginé de vivre ensemble dans la même habitation: ils avaient, par cet ingénieux moyen, économisé la construction et l’ameublement de trois cabanes, sur quatre. Ils avaient, en même temps, satisfait à une des principales lois de leur concession, savoir, la prise de possession par le fait d’un établissement à demeure. Au moyen d’une délimitation artistement combinée, ils avaient fait converger au centre les quatre lignes de démarcation, et, sur ce centre, ils avaient bâti leur rustique palais; ils avaient réuni en commun toutes leurs richesses – plus de bonne humeur que d’argent; – et ils vivaient là, contents, insouciants, oublieux du passé, du présent et de l’avenir.

      Au demeurant c’étaient quatre beaux garçons, tout de rouge habillés, barbus, chevelus, costumés, équipés d’une façon phénoménale. Néanmoins, au premier coup d’œil, on reconnaissait, dans leur tournure et leurs manières des gens qui avaient «vu de meilleurs jours:» La rude existence du désert avait bronzé leurs visages, assuré leur démarche, durci leurs mains, tout en répandant sur toute leur personne la mâle beauté, l’élégance robuste, la souplesse infatigable de la force unie à la santé.

      Ce quatuor d’amis était issu de quatre professions bien différentes: l’un avait été Docteur es-sciences, mais n’avait jamais pratiqué; l’autre était un Légiste qui s’en était également tenu à la théorie; le troisième était Géomètre; le quatrième, Éditeur-libraire. Ces deux derniers avaient une légère expérience de ce qu’ils prétendaient avoir pratiqué.

      Ils vivaient paisiblement, en bonne harmonie, dans leur hutte raboteuse et grossière, qui, pour tout mobilier, avait deux tréteaux en planches servant de lits, un fourneau de cuisine, une table en sapin, et quelques ustensiles de ménage en fer battu.

      «Pour abréger,» il avait été convenu entre eux que chacun serait appelé par son titre professionnel ou une abréviation de ce titre. Ainsi donc Doc, Squire, Ed, et Flag; (Docteur), (Bachelier légiste ou Écuyer), (Éditeur) et (Porte-Drapeau ou Arpenteur-Géomètre), telles étaient les appellations servant à désigner la personnalité de chacun de ces gentlemen. Leurs vrais noms apparaîtront plus tard en temps propice.

      – Je vous le dis, garçons, il fait joli aujourd’hui, n’est-ce pas?.. dit Squire en se dandinant sur ses jambes comme un enfant de quatre

Скачать книгу