Le canon du sommeil. Paul d'Ivoi

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Le canon du sommeil - Paul  d'Ivoi

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ne révéla aucune blessure, aucune trace de violence.

      Le comte paraît, suivant le rapport médical, avoir succombé à une congestion provoquée par une crise de fou rire.

      Quelle cause a déterminé cette gaieté mortelle? La conférence sérieuse de fond et de forme, ne la justifiait pas… On se perd en conjectures.

      Personne n’a pénétré chez le député. Sa porte était fermée à l’intérieur, la clef sur la serrure; la fenêtre était close. Quant à la cheminée, à raison de la température assez froide, un grand feu de coke y flambait.

      On remarqua bien sur le plancher, semblant rayonner autour du foyer, une sorte d’auréole de particules brillantes, analogues à une fine poussière de mica; mais ce fait provenant vraisemblablement de l’éclatement d’une pierre mêlée au coke, n’a sûrement aucun rapport avec le fatal événement.

      Les journaux du lendemain, 18 janvier, enregistraient une seconde correspondance que je reproduis in extenso.

      «Certains faits simultanés ne sont que des coïncidences fortuites. Mais il faut avouer qu’ils apparaissent troublants.

      «C’est le cas de l’épidémie de fièvre scarlatine qui vient d’éclater brusquement à Trieste.

      «Le juge d’instruction, l’officier de police, le médecin, le gérant de l’hôtel, les deux garçons, le serrurier et l’organisateur de la conférence Achilleo Revollini, c’est-à-dire toutes les personnes qui ont pénétré dans la chambre de l’infortuné gentleman, ont été atteintes, hier, presque en même temps, par la scarlatine.

      «Leur état n’inspire pas d’inquiétudes, la maladie se présentant sous forme bénigne.

      «Toutefois, l’administration de l’Hôtel de la Ville a fait immédiatement procéder à la désinfection microbicide de la pièce occupée naguère par l’homme de grand cœur dont l’Italie tout entière porte aujourd’hui le deuil.

      «Et le peuple simpliste accuse un être inconnu heureusement d’avoir ce jeté la jettatura ou le mauvais sort.

      «Nous disons, inconnu heureusement, car s’il advenait que l’on prononçât un nom, l’effervescence est telle que des scènes de violentes sauvageries ne pourraient être évitées.

      «On lyncherait le coupable supposé par la crédulité ignorante du public.»

      J’avais fini de lire. Je demeurais pensif, froissant entre mes doigts la brève missive de la marquise de Almaceda.

      – Un crime, murmurai-je. Où prend-elle le crime…? Nos journaux sont plus sages. Une coïncidence impressionnante, soit, mais rien de plus. En quoi M. Revollini, mourant de rire peut-il causer la scarlatine de ses visiteurs?

      Et haussant les épaules:

      – Non, ce n’est pas encore là ce qui me passionnera suffisamment pour m’assurer la trêve de la douleur dont j’aurais si grand besoin.

      III. LA MODE S’IMPLANTE DE MOURIR DE RIRE

      Un mois après l’affaire de Trieste, dont on avait parlé abondamment durant huit jours, et qui était ensuite tombée dans l’oubli, comme tous les événements dont la presse cesse de s’occuper, le 18 février exactement, je m’éveillai vers dix heures du matin, la tête lourde et l’esprit maussade.

      J’avais passé une part de la nuit au cercle des Robkins de Belgravia-Square, pour mener à bien une étude psychologique, dont le patron m’avait chargé.

      Il s’agissait d’interroger habilement le jeune lord Fitz-Dillam, dont le père, âgé de soixante ans avait frappé de six coups de couteau à découper (nacre de Canton et acier de Sheffield) une fille Deborah Bell, femme de chambre de sa nièce la gracieuse lady Ashton.

      Vous pensez bien qu’Alcidus Fitz-Dillam n’était pas désireux de ce genre d’entretien. J’avais dû appeler à la rescousse un certain champagne plus qu’extra-dry, grâce au concours duquel, la langue de mon patient s’était déliée et m’avait donné la preuve que le sexagénaire s’était induit lui-même en erreur, en se persuadant que la maid Deborah Bell tenait dans sa vie une place si grande, qu’un flirt avec le mécanicien de l’auto de tourisme ne pouvait avoir d’autre solution que le découpage mentionné ci-dessus.

      J’avais aussitôt rallié les bureaux du Times; écrit un article tout à fait sensationnel sur ce curieux cas pathologico-psychologique, et, ma copie remise à la composition, j’étais rentré chez moi, comme la quatrième heure sonnait à Stampa-Bank, dans la cendre grise du petit jour.

      Était-ce le champagne trop dry, ou la maid débitée par tranches? Mon sommeil avait été peuplé de visions désagréables et je me réveillais très affligé par ce fait que mes cheveux me semblaient douloureux.

      C’est ainsi, n’est-ce pas, que l’on exprime en France un lendemain de champagne à outrance.

      Mon «boy» Tedd accouru à la sonnerie, je lui fis préparer mon tub… et je me livrais aux délices aquatiques parfumées de la suave mixture de Lubin’s-perfumery, quand le boy heurta à la porte de mon cabinet de toilette.

      – Vous dérangez, criai-je.

      – Ce n’est pas moi, sir, répondit-il, c’est l’homme de la poste (le facteur). La poste désire un autographe de Monsieur.

      – Qui vous a permis de rire ainsi contre moi, drôle.

      – Je ne ris pas, le postman demande une signature pour laisser une lettre recommandée.

      Je donnai une signature mouillée, je reçus en échange une lettre entourée de timbres d’Österreich (Autriche), et sur l’enveloppe, je reconnus, avec une légère émotion que je n’analysai pas sur l’heure, l’écriture connue de la Tanagra mystérieuse.

      Les timbres avaient été oblitérés à Lemberg, non loin de la frontière russe.

      Un costume de tub, si l’on peut exprimer ainsi le costume nature, est tout à fait in convenable pour lire la missive d’une lady.

      Je m’empressai donc de le compléter par les parures incommodes que les chemisiers, bottiers, tailleurs ont imaginées pour faire fortune et, revêtu de l’apparence correcte qu’un gentleman doit toujours présenter lorsqu’il est en relation avec une lady, je passai dans mon petit salon. C’est là seulement, en un logis de garçon, qu’il est admissible de recevoir une dame, se présentât-elle sous la forme épistolaire.

      Par ma foi, si la marquise de Almaceda écrivait volontiers, je dois constater qu’elle se déplaçait plus volontiers encore. Son premier billet émanait des murs de Trieste, le second de Lemberg, à l’autre extrémité de l’Empire Austro-Hongrois. Seulement, elle traitait d’un même sujet.

      C’était la médication de mon chagrin qui se continuait. Le second pansement moral appliqué par la belle et voyageuse infirmière était ainsi conçu:

      «Je veux, ami, que vous soyez en participation dans la lutte actuelle.

      «J’ai prononcé le mot crime. Maintenant, j’ai la certitude qu’il est juste. Au surplus, vous allez en juger en apprenant ce qui s’est passé, à Moscou-la-Sainte (Russie), le 12 février courant. Vu la rigueur de la censure russe, il m’a fallu gagner

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