Le canon du sommeil. Paul d'Ivoi

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Le canon du sommeil - Paul  d'Ivoi

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m’informant que, dans cette dernière ville, je recevrais de nouvelles instructions.

      Je bondis chez le «patron».

      Celui-ci m’octroya aussitôt la mission que je sollicitais, me munit d’un carnet de chèques, avec recommandation de ne pas lésiner, puis, m’arrêtant au moment où j’allais sortir.

      – Je vous reverrai avant votre départ, Max Trelam?

      – Quelle heure vous convient?

      – Ma foi, avant supper (souper), c’est à dire vers six heures. Votre train quittant Charing-Cross à neuf heures et quelques minutes, vous aurez le loisir de prendre votre repas tout à votre aise, après notre entretien.

      – Entendu.

      Et je sortis pour procéder à mes derniers préparatifs.

      L’entrevue avec le «patron» n’était pas pour me préoccuper beaucoup.

      Donc, vers cinq heures et demie, je repassai chez moi pour donner l’ordre à mon boy de m’attendre à neuf heures moins dix à la gare de Charing-Cross, avec ma valise.

      Il me remit un télégramme de France.

      Le fil télégraphique m’avait apporté un «petit imprévu».

      «Itinéraire modifié. Prendre train 9 heures 15 pour Folkestone, correspondance avec bateau de Boulogne.»

      Suivait cette signature bizarre, dans laquelle je n’eus pas de peine à retrouver un nombre qui me hantait depuis Madrid:

      «Troisanvintroi.»

      Oh! oh! il paraît que la lutte de ruses était commencée! Cette précaution de me diriger sur Boulogne de préférence à Calais devait servir à dépister quelqu’un.

      Mais bast! l’heure marchait. Philosopher ne rimait à rien, il importait d’agir et je pris le chemin du Times.

      Là m’attendait un second «petit imprévu». Décidément, la campagne s’annonçait bien. Deux imprévus, avant que le voyage eût débuté.

      Le patron m’accueillit cordialement.

      – Vous connaissez Trilny-Dalton-School?

      – Le pensionnat de jeunes filles proche de Charing?

      – Justement. Maison moderne, bien tenue, remplie de respectabilité…

      J’opinai du bonnet, sans deviner où il voulait en venir.

      – Eh bien, continua-t-il, il est survenu une catastrophe à Trilny-Dalton-School!

      – Une catastrophe, répétai-je surpris?

      – Oui, Max Trelam. Une catastrophe qui peut amener la déconsidération sur la directrice Mrs. Trilny, la plus honnête, la plus droite personne à cheveux blancs et dans le veuvage.

      Puis, comme j’interrogeais du geste, du regard, un peu ému par le ton inhabituel de mon interlocuteur, il poursuivit:

      – Elle n’a pas prévenu la police. Les inspecteurs de Scotland-Yard sont des bavards qui cherchent la réclame encore plus ardemment que les voleurs. Mais elle m’a prévenu, moi, un vieil ami de feu son mari. Et moi, je vous dis: Max Trelam, vous êtes un vieux garçon (old boy, terme amical) extraordinaire pour percer les mystères. Allez à Trilny-Dalton-School voyez… et tâchez d’éviter le scandale. Vous ferez plaisir, non pas à votre directeur, mais à votre ami.

      By Jove! le patron avait réellement trop bonne opinion de moi.

      Il était six heures dix comme il achevait cet appel ému à mes talents; je devais quitter Londres à 9 heures 15. Je disposais donc de trois heures pour résoudre un problème qu’à l’accent de mon interlocuteur, je devinais être ardu.

      – Je vous suis le plus obligé de votre appréciation affectueuse. Je ferai de mon mieux, voilà ce dont je suis certain. De quoi s’agit-il?

      – Enlèvement d’une élève.

      – Alors, amoureux?

      – Mrs. Trilny ne pense pas.

      – Quoi donc, en ce cas?

      – Je ne sais. Voyez… et ne perdez pas de vue que je tiens par-dessus tout à éviter à ma pauvre vieille chère amie, le scandale qui ruinerait son honorable institution.

      J’eus un geste qui pouvait signifier: à la grâce de Dieu, ou bien «voilà une commission du diable» et je me dirigeai vers la porte.

      Le patron me retint encore:

      – Je télégraphie à Calais pour réserver votre chambre, hôtel de la Plage.

      – Non, merci… mon itinéraire est modifié, je gagne le continent par Folkestone.

      – Ah! très bien. Alors je câble à Boulogne. Hôtel Royal.

      – J’y serai vers minuit.

      – All right! cher Max Trelam. Soyez le plus habile pour Mrs. Trilny.

      – Je ferai comme pour vous même.

      VI. LE «SOSIE»

      C’est une vieille maison que l’école Trilny-Dalton. Un ancien logis noble de l’époque d’Elisabeth, que la pioche des démolisseurs a épargné.

      La demeure a grand air, avec sa façade sévère, ses ailes en retour, ses toits majestueux qu’allègent des fleurons compliqués et la frise faîtière ajourée.

      Ma carte de reporter du Times m’ouvrit de suite le bureau de Mrs. Trilny. En quelques mots, je lui expliquai la mission de confiance dont j’étais chargé, puis entrant dans le vif de l’affaire.

      – Il faut que je quitte Londres à 9 heures ce soir; vous concevrez donc que je ne puisse me lancer dans les conversations aimables des gens qui ont beaucoup de temps à dépenser, et vous permettrez que je vous adresse les questions indispensables pour me rendre compte de la physionomie de l’affaire.

      La vieille dame, très digne sous ses cheveux blancs; une nature très loyale, très courageuse, se lisant dans ses yeux qui regardaient bien en face, me répondit:

      – Interrogez, je répondrai. C’est toute une vie de respectabilité qui est en jeu.

      – Bien. Le nom de la jeune fille enlevée?

      – Ellen.

      – Son nom de famille?

      – Je ne le connais pas.

      Et comme à cette réponse tout à fait surprenante de la part d’une directrice d’établissement scolaire, je ne pouvais maîtriser un brusque mouvement, Mrs Trilny s’empressa de parler.

      – Cela vous étonne, je le vois. Cependant la chose est naturelle. Les familles ont parfois des secrets qu’elles ne jugent point à propos de divulguer. Et nous, les institutrices, rendues indulgentes par la connaissance de la vie, nous acceptons pour

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