Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi

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Le sergent Simplet - Paul  d'Ivoi

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négociants dont je parle? Oh!… depuis deux ans je ne les ai pas vus. Mais c’est égal, si mon ami Antonin Ribor m’avait oublié, sa sœur Yvonne, ma sœur de lait à moi, aurait meilleure mémoire.

      Et d’une voix émue:

      – Si vous saviez comme elle est gentille et bonne! C’est ma mère qui nous a nourris tous deux, puis élevés. Le père Ribor, voyageur infatigable, était toujours à trois mille lieues de ses enfants. Ah! c’est une jolie fille, avec ses cheveux châtains, sa figure rieuse, ses grands yeux bruns et une voix, une vraie musique. Je serais allé au bout du monde, quand elle disait, en me regardant comme cela: Simplet.

      – Simplet? interrompit Claude Bérard.

      – Un sobriquet. J’ai un tic. Il paraît que c’est un tic. Tout me semble simple. Alors…

      – Simplet s’explique. Et elle, comment l’appeliez-vous?

      – Yvonne.

      Claude sourit:

      – Vous l’aimez beaucoup?

      – Je n’ai qu’elle.

      – Et l’amitié avec une brave fille conduit au mariage.

      Marcel Dalvan eut un soubresaut.

      – Au mariage! Ah bien! si vous disiez ça devant elle, je vous garantis qu’elle rirait de bon cœur. M’épouser, elle!

      Il riait, un peu gêné, un brouillard plus rose montant à ses joues.

      – Le mariage, reprit-il. Depuis deux ans, elle ne m’a pas écrit.

      – Pas une lettre?

      – Non. J’étais en garnison à Granville, on m’a expédié à Embrun…

      – Ce n’est pas une raison.

      – Je me suis montré négligent. Durant plusieurs mois, je n’ai pas écrit, puis je me suis décidé. Seulement elle devrait être vexée; aucune réponse.

      – Diable!

      – C’est qu’elle a sa petite tête. Mais soyez tranquille, cela ne nous empêchera pas de nous embrasser avec plaisir.

      Les stations se succédaient. Avec la confiance de la vingt-troisième année, les sous-officiers se racontaient leur existence.

      Claude, orphelin, devenu à force de travail petit commis chez un éditeur. Puis le tirage au sort, 18e arrondissement (Montmartre). Le passage en Tunisie, au Tonkin, au Dahomey. Les joies et les souffrances des héros obscurs aboutissant à la libération, à la rentrée plate dans la vie de la métropole. Il disait son embarras, sa tristesse de se sentir seul, et à l’idée d’avoir rencontré un ami, la satisfaction qui faisait briller ses yeux, qui illuminait son visage grave.

      La voix des employés criant: Lyon-Perrache, tout le monde descend, surprit les soldats.

      Le voyage s’était accompli rapidement.

      – Déjà! firent-ils en même temps.

      Puis tout réjouis, ils sautèrent sur le quai, traversèrent la salle d’attente remplie d’hommes, de femmes, d’enfants, attendant des voyageurs aimés et sortirent de la gare.

      La nuit était venue, hâtive; nuit de novembre.

      Dans cette partie de la ville, conquise autrefois sur le Rhône et la Saône par le sculpteur Perrache, mais toujours humide, un brouillard épais régnait.

      – Où allons-nous? demanda Claude.

      – Chez mes amis, parbleu. C’est à deux pas, rue Suchet.

      – Mais c’est l’heure du dîner et je ne sais si…

      – S’ils nous inviteront? Vous allez voir ça. La maison de commission A. Ribor et Cie est hospitalière, et vous, qui venez des colonies, serez doublement bien reçu.

      Tous deux marchaient d’un bon pas, frissonnant un peu sous le manteau froid de la brume, mais heureux à la pensée du gîte tout proche, des hôtes aimables.

      – Voilà le progrès, murmura Marcel.

      – Où cela?

      Le lignard se prit à rire.

      – Je continuais à haute voix une pensée commencée tout bas.

      – Ah! pardon.

      – Ce n’est plus un secret depuis que les savants s’en sont occupés. Je me disais: En l’an 500 avant Jésus-Christ.

      – Pristi! interrompit Bérard, vous êtes bien renseigné, vous.

      – C’est de l’érudition locale simplement. Les Gaulois – que nous considérons comme des barbares – savez-vous où ils avaient établi leur oppidum, Lugdunum, – la colline du Corbeau – embryon de la cité actuelle?

      – Ma foi non.

      – Sur les hauteurs de Croix-Rousse, mon cher, où le brouillard est inconnu. Les modernes sont venus s’installer juste au confluent des fleuves, dans un marécage. Est-ce un progrès?

      – Certes non. Et le choix de leur demeure prouve leur infériorité.

      – Comment?

      – Il est évident qu’un monsieur perché sur une colline a les idées plus élevées que lorsqu’il est en plaine!

      Les jeunes gens éclatèrent de rire.

      – Ah! voici la rue Suchet, reprit Marcel au bout d’un moment. Tournons à gauche; c’est la troisième maison. Tenez, une voiture stationne devant la porte.

      En effet un fiacre fermé, lanternes allumées, était arrêté à quelques pas.

      Les voyageurs parvinrent à une haute porte cochère.

      Un des battants était entr’ouvert.

      – Nous sommes arrivés, déclara Marcel en baissant la voix. J’ai le cœur qui bat. Songez donc, mes seuls amis! Tiens, mais voici la plaque de la maison, A. Ribor et Cie.

      Il désignait un large panneau appliqué sur le mur à droite de l’entrée.

      Pour laisser à son compagnon le temps de se remettre, Claude parut considérer la plaque.

      – Mais vous vous trompez, fit-il tout à coup.

      Simplet l’interrogea du regard:

      – Sans doute. Ce n’est pas la maison Ribor.

      – Vous avez la berlue.

      – Voyez vous-même.

      Avec un haussement d’épaules, Dalvan rejoignit le sous-officier. Il jeta les yeux sur le panneau et eut un geste de surprise:

      – Canetègne et Cie, murmura-t-il. Qu’est-ce que cela signifie?

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