Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi

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Le sergent Simplet - Paul  d'Ivoi

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dont elle se disait l’amie, attendrait Antonin le lendemain et lui compterait la somme qui lui faisait défaut. À huit heures du matin, mon frère courait chez M. Canetègne, qui lui offrit l’argent promis, mais le pria en échange de signer un petit papier.

      – Un papier?

      – C’était un acte d’association reconnaissant au prêteur la moitié de l’avoir social.

      – Bigre!…

      La prisonnière leva les yeux au ciel:

      – Attends pour te récrier. Parmi les clauses de l’acte se trouvaient celles-ci: chacun des associés touchera mensuellement mille francs; chaque année, il sera procédé à un inventaire, et en cas de perte constatée, l’un des associés aura droit de demander la liquidation de la société.

      Le visage de la jeune fille se contracta; elle poursuivit avec un léger tremblement dans la voix:

      – Les conditions étaient léonines, mais Canetègne, cet Avignonnais rusé, connaissait bien notre situation. À toutes les objections d’Antonin il se borna à répondre: C’est ma manière de traiter l’affaire. Je ne vous force pas. Vous préférez la faillite, à votre aise! Et mon pauvre frère signa.

      – Ah! grommela le sous-officier avec colère. Tout cela plutôt que de s’adresser à moi.

      Puis se radoucissant soudain:

      – Petite sœur, tu es trop malheureuse pour que je te gronde; continue.

      – C’était notre ruine qu’il venait de signer. À la fin de la première année: inventaire. Lui trouve dix-huit mille francs de gain; Canetègne, six mille francs de perte.

      – Comment cela?

      – Tu vas l’apprendre. Cet homme d’affaires retors demande la liquidation. Son compte est jugé exact par le tribunal.

      – Ton frère s’était trompé!

      – Non, mais il n’avait pas considéré les appointements des patrons, soit vingt-quatre mille francs, comme des dépenses.

      – Je conçois, M. Canetègne les faisant figurer au compte « frais généraux », l’écart de six mille francs…

      – Bref, il fut décidé que la maison serait vendue chez un notaire. Sa mise à prix était de cent mille francs… Elle devait être adjugée sur une seule enchère.

      Et interrompant le jeune homme qui ouvrait la bouche:

      – Tu vas me dire que là encore nous avons été coupables de ne pas faire appel à ton amitié. C’est vrai, je le reconnais; mais épargne-nous, nous sommes tellement à plaindre!

      Pour toute réponse Marcel porta à ses lèvres la main de la captive.

      – Oh! Antonin se démena. Deux ou trois amis s’étaient intéressés dans ses affaires. Il alla les voir, leur proposer de lui avancer l’argent nécessaire au rachat de la maison. Par l’acte d’association il représentait 50 p. 100 de la valeur de l’entreprise; donc, en payant cinquante mille francs à son associé, plus les frais de vente, il se retrouvait seul propriétaire… Mais une surprise l’attendait. Exagérant la déconfiture, M. Canetègne avait racheté à vil prix les créances. Une explication s’ensuivit. Dès les premiers mots l’Avignonnais éclata de rire: Mon ami, dit-il, vous êtes nul en affaires. Je vous sauve malgré vous. Aujourd’hui je représente 80 pour 100 de l’opération, et vous seulement 20. Par conséquent, si vous vouliez me disputer l’entreprise, vous auriez à payer quatre-vingts francs, alors que je n’en débourserais que vingt. Or, j’ai trouvé un commanditaire qui m’autorise à prendre la maison à deux cent mille francs. Voulez-vous en verser huit cent mille? Eh bien! je vous fais une offre sérieuse. Laissez-moi maître de la situation. Avec une enchère de dix mille francs j’enlève la vente. Je vous remets intégralement la mise à prix: vingt-deux mille francs comptant, et un chèque de soixante-dix-huit mille francs payable dans dix-huit mois. Vous y gagnez, mon commanditaire aussi. Tout le monde est content. Et comme Antonin le considérait avec stupeur, il ajouta: Avec l’argent touché, vous vous embarquez, vous parcourez les colonies françaises, et me revenez avec des documents, des relations qui décuplent notre chiffre. Je vous alloue 10 pour 100 sur les affaires, et en quelques années je refais votre fortune.

      – Tiens, tiens, fit le sous-officier; c’est presque gentil, cela.

      Yvonne fronça le sourcil.

      – Il mentait comme toujours. Il exploitait l’humeur aventureuse des Ribor, dont Antonin a hérité. Le pauvre accepta. En son absence Canetègne me gardait comme caissière, aux appointements de deux mille francs. Tout se passa comme il l’avait décidé. Antonin quitta la France en me laissant le chèque de 78,000 francs. Mais poussé par une défiance trop justifiée, hélas! il photographia ce papier, sans savoir à quoi pourrait servir la reproduction. Malheureusement Antonin est, j’ignore où, et il a emporté cette preuve qui confondrait mes lâches accusateurs.

      Elle avait pâli en prononçant ces paroles. Une émotion violente la secouait; sa voix s’étranglait dans sa gorge. Brusquement elle jeta ses bras autour du cou de Marcel et appuyant sa tête sur son épaule:

      – Mon pauvre Simplet! Après… oh! après, j’ai subi toutes les tortures. Antonin m’écrivit pendant six mois. Il visita l’Algérie, la Tunisie. Il gagna le Sénégal. De Saint-Louis une dernière lettre me parvint. Le cher voyageur m’annonçait son intention de remonter au nord du fleuve. Et puis, plus rien. J’ai écrit là-bas. Pas de réponse. Pour comble d’infortune, tandis que je me désespérais, hantée par l’atroce pensée que mon frère était mort, M. Canetègne manifesta l’intention de m’épouser.

      – Lui!

      – Oui lui, répéta la prisonnière. Durant des mois, j’ai subi ses sollicitations… J’étais seule, sans fortune, n’ayant pour vivre que mes appointements. Je n’osais pas abandonner mon emploi. J’avais peur de mon isolement dans la ville populeuse.

      – Comme tu crois peu à mon affection, tu ne m’as pas appelé.

      – Pardon, je croyais être bientôt délivrée. L’échéance du chèque approchait. Quand je l’aurai touché, pensais-je, je quitterai la maison Canetègne; je serai libre. Folle! L’échéance atteinte, je présente l’effet, et je déclare à cet homme que je ne continue plus à faire partie de son personnel. Il tente de me retenir. Il a des paroles mielleuses; mais il ne peut plus me tromper. Avec ma fortune, je rentre chez moi. C’est fini, je suis affranchie.

      Elle parlait avec exaltation, dans une sorte d’ivresse. Et devant elle, Marcel joignait les mains, comprenant sa longue peine.

      – Soudain, reprit Yvonne avec amertume, un abîme s’ouvre sous mes pieds. Des agents de police envahissent ma demeure. Ils font main-basse sur l’argent. Ils m’accusent d’avoir volé cette somme.

      – Eh bien, il était facile de prouver…

      – Ah! je l’ai cru, Simplet. J’ai dit la vérité. Alors ils m’ont traînée chez M. Canetègne. Horreur! c’est lui qui a porté plainte. Il nie l’existence du chèque, et sur mes livres il montre des surcharges, des ratures, que je n’ai jamais faites, je te le jure…

      – Je te crois, petite sœur.

      Yvonne se blottit contre lui

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