Histoire des salons de Paris. Tome 3. Abrantès Laure Junot duchesse d'

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Histoire des salons de Paris. Tome 3 - Abrantès Laure Junot duchesse d'

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mère… il partit pour la sanglante guerre de la Vendée… Un jour, il fut entouré par les troupes vendéennes.

      – Rends-toi, lui dit-on, et crie vive Louis XVII! – Vive la République! s'écrie l'héroïque enfant, tandis que vingt baïonnettes étaient croisées sur sa poitrine… Au même instant il tomba mort… Cependant il eut le temps de presser sur son cœur sa cocarde tricolore.

      C'était ce moment que David avait représenté. Émilie le remercia, en lui promettant d'aller visiter son atelier lorsqu'il aurait des sujets plus gais: car, ajouta-t-elle en souriant, nous n'avons sous les yeux que de tristes images; pourquoi les multiplier encore?

      David sortit de cette maison avec un sentiment pénible: on l'avait presque humilié… Il n'était pas aussi méchant qu'on le dépeint sans doute; cependant il l'était assez pour effrayer ceux qu'il pouvait vouloir perdre… Ce n'était pas son intention de nuire aux dames de Sainte-Amaranthe; mais, sans le vouloir, il parla d'elles dans un sens malveillant. Saint-Just et Robespierre le questionnèrent: il raconta l'intérieur de cette maison, l'accueil fait toujours de préférence aux nobles et aux gens d'autrefois, et tout récemment à la Gironde tout entière.

      – J'y ai dîné, leur dit-il, avec Guadet, Gensonné, Boyer-Fonfrède, Valazé, et cinq ou six autres.

      Robespierre fronça le sourcil… Dès ce moment, la maison de madame de Sainte-Amaranthe fut entourée d'une triple surveillance.

      La Gironde mourut… En perdant ses nouveaux amis, madame de Sainte-Amaranthe fut désespérée!.. l'inertie de la nation lui parut criminelle.

      – Oh! que n'avons-nous encore des Charlotte Corday! s'écriait-elle.

      Un jour, David revint chez elle.

      – Je viens vous avertir, comme ami, lui dit-il. Prenez garde aux hommes que vous recevez: Robespierre m'a chargé de vous parler de cela.

      – Eh! grand Dieu! demanda madame de Sainte-Amaranthe, comment des personnes aussi obscures que nous le sommes peuvent-elles marquer devant le chef du pouvoir?.. Je ne vois que peu de monde, j'en verrai encore moins.

      On allait peu au spectacle; les théâtres étaient devenus des lieux indignes de recevoir une femme qui se respectait encore… Émilie était un jour à l'Opéra-Comique: heureuse d'oublier un moment ses douleurs, la charmante créature était belle comme une de ces péris radieuses que nous offrent nos rêves.

      – Quelle belle personne, dit Robespierre à Saint-Just…

      – C'est mademoiselle de Sainte-Amaranthe.

      – En vérité! je ne l'aurais pas reconnue… elle est ravissante!..

      – Oui, elle est belle, répondit d'un ton sombre le farouche ami de Maximilien…; mais elle et sa mère sont traîtres à la République.

      Robespierre leva les épaules.

      – Tu ne veux pas le croire? eh bien! mets auprès d'elle un ou deux espions, et tu verras.

      – Ce que je veux bien voir, je n'en charge que moi, dit Maximilien…; j'irai chez madame de Sainte-Amaranthe.

      En effet, il y vint avec saint-Just, Legendre, Barrère, et plusieurs autres…; ils crurent que la maison de madame de Sainte-Amaranthe était une succursale de Coblentz, où ils allaient trouver un foyer de conspiration; mais la maison était une sorte de bazar où chacun entrait et sortait sans laisser de trace. Il fallait étudier cet intérieur…: ce fut en effet Robespierre qui s'en chargea.

      C'est alors qu'il devint amoureux d'Émilie… Il était d'abord venu dans des intentions sinistres; mais, attaché par cette amabilité enchanteresse de la mère, ébloui, touché des grâces et de la beauté de madame de Sartines, il résolut, avant tout, d'exercer sur elle un autre empire que celui de la terreur.

      Robespierre, lorsqu'il le voulait, savait prendre un ton parfait, des manières de gentilhomme, et ne rappelait en rien sa sanglante renommée. – Il faisait des vers pour Émilie24; il chantait des romances qui signifiaient ce qu'il ne voulait pas encore dire… il envoyait des bouquets… C'était une idylle tout entière que la conduite de Robespierre.

      – Que me veut cet homme? disait Émilie à cet artiste; que me veut-il?.. Il me fait mal, lorsque son œil rouge et enflammé s'arrête sur moi!..

      Et, en parlant ainsi, son regard d'ange dévoilait de douces et suaves pensées à celui dont l'amour l'adorait en silence.

      Le parti de Robespierre fut alarmé de cet amour pour une femme née leur ennemie… Leur ennemie!.. la douce créature ne savait pas haïr même les méchants. Mais ce n'étaient pas des hommes tels que Saint-Just et Henriot qui pouvaient comprendre une telle âme. Bientôt des paroles moqueuses furent dites à Robespierre: on lui reprocha de soupirer, de faire des madrigaux, et de n'avoir encore rien obtenu. Le tigre pouvait sommeiller, mais il vivait toujours!.. En écoutant les railleries de Saint-Just, il sourit avec une expression qui annonçait le malheur de deux femmes innocentes.

      Une des prétentions de Robespierre, car il en avait beaucoup, était d'être aimé, et de l'être par le seul effet de son regard; il lui croyait la puissance magnétique d'attirer à lui irrésistiblement… Une autre de ses faiblesses était que son triomphe fût connu.

      Émilie, tremblante pour sa mère, son frère, son mari et sa belle-sœur, flattait le tigre, espérant ainsi le museler… Pauvre enfant!.. Maximilien ne vit dans la douceur de son sourire, la suavité de son regard, que le sentiment qu'il crut lui inspirer… Il en fut heureux, et il le laissa voir à plus d'un de ses amis. Mais ce n'était pas tout: il fallait célébrer ce triomphe, et une fête fut ordonnée à Maisons (non pas le même que celui de M. Laffitte), près de Charenton dans un lieu charmant qu'il avait fait arranger, et qui servait en de semblables occasions…

      Il paraît certain que Maximilien aimait madame de Sartines…; il était pour elle comme il ne fut pour aucune autre femme dans cette journée passée à la campagne… Quand il y a de l'amour dans le cœur, il y a de la confiance même chez le plus scélérat. Robespierre, en étant auprès d'Émilie, qui, tremblant constamment pour les siens, n'osait jamais le repousser, se laissa aller plus loin que la prudence ne le permettait. Il parla d'abord d'amour…; ensuite, voulant éblouir, il parla de la haute position à laquelle il touchait…; il dit son secret enfin, et celui de son parti.

      Le lendemain, un de ses fidèles fut le trouver: Robespierre était sombre; il savait que les excès, quelque faibles qu'ils fussent, lui étaient nuisibles, et s'y livrer était donc une faute selon lui; mais il ignorait encore jusqu'où elle avait été.

      – Maximilien, lui dit l'ami, as-tu le souvenir de ce que tu as fait cette nuit?

ROBESPIERRE

      Il est inutile de me le rappeler: ma tempérance est assez connue. Si je me suis oublié, cela m'arrive trop rarement pour que l'on m'en fasse un reproche.

SAINT-JUST

      Et si cet excès avait une suite funeste, non-seulement pour toi, mais pour tes amis?

ROBESPIERRE

      Que veux-tu dire?..

SAINT-JUST

      Qu'hier tu t'es oublié…; tu as parlé, et tu nous exposes aux plus grands périls.

ROBESPIERRE

      Mais… nous étions seuls!

SAINT-JUST

      Seuls!.. et ces femmes?

ROBESPIERRE

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<p>24</p>

Voici le quatrain fait pour elle; il est déjà dans le Salon de Robespierre.

Sur le pouvoir de tes appasDemeure toujours alarmée;Tu seras d'autant plus aimée,Si tu veux ne l'être pas.