Histoire des salons de Paris. Tome 3. Abrantès Laure Junot duchesse d'

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Histoire des salons de Paris. Tome 3 - Abrantès Laure Junot duchesse d'

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et comme il voulut l'embrasser, l'exécuteur les sépara.

      – C'est dignement faire ton métier, mon ami! dit Danton… mais, quoique tu fasses, tu n'empêcheras pas nos têtes de se donner un dernier baiser dans le sac14!..

      Après la mort de ces nouvelles victimes, Robespierre crut avoir obtenu une tranquillité assurée; mais un tel homme devait toujours craindre… Il ne pouvait tuer aussi impudemment ses complices sans éveiller la méfiance de ses complices eux-mêmes. Aussi la mort de Danton et de Camille Desmoulins fit-elle une grande impression sur Tallien. Le raisonnement très-simple que Robespierre arriverait enfin à lui, devait le frapper comme une idée logique. Il fut sur ses gardes; et une fois la méfiance éveillée entre deux hommes comme Robespierre et Tallien, elle devait amener un combat dont la chute de l'un d'eux devait être le résultat. Cette pensée prépara le 9 thermidor, le danger de madame de Fontenay le décida.

      Cependant Robespierre s'isola de tout le monde politique, même de ses collègues des comités, excepté Saint-Just et quelques autres… Jusque-là, il avait reçu assez souvent et donnait à dîner, soit chez lui, soit chez Rose, fameux restaurateur de ce temps, ou bien Méot ou Léda… Mais, après la mort de Danton, il devint farouche et solitaire. Une grande pensée parut sur son front: quelle était-elle? méditait-il en secret un massacre pour faire couler le sang plus rapidement?.. À en juger par le feu sombre de ses regards, c'était en effet un projet bien horrible qui l'occupait.

      Depuis plusieurs mois Robespierre voyait une femme qu'il faut faire connaître pour donner une idée de ce qu'était Paris à l'époque de la terreur; cette femme s'appelait Catherine Théos…

      Catherine était autrefois cuisinière… Plusieurs années avant la révolution, elle prétendit (soit qu'en effet elle eût la raison attaquée), elle prétendit avoir eu des visions qui lui révélaient qu'elle était la mère de Dieu. Le résultat de ses rêveries vraies ou fausses fut de la faire mettre à la Bastille, où elle demeura six mois. Lorsque la révolution éclata, Catherine, intrigante et rusée, comprit que c'était un champ libre où devait prospérer tout ce qui était du ressort de ce qu'elle exploitait, et, renonçant à ses talents culinaires, elle prit celle de mère de Dieu. Elle rencontra alors en son chemin dom Gerle, ancien chartreux et ex-membre de l'Assemblée constituante… Mais avant lui, elle avait connu un autre homme qui résolut d'employer à son profit cette femme et ses discours, et cet homme était Robespierre.

      Il était alors arrivé au point de changer enfin de système, car le sien, il le voyait, ne pouvait plus se soutenir. Il fallait enfin ramener un peu d'ordre dans toutes les parties de ce grand État qui croulait de toutes parts malgré les victoires de nos armées; qu'importe l'écorce d'un fruit quand un insecte le pique au cœur!.. Robespierre parla donc à Catherine Théos, la dirigea, et dom Gerle, trompé, se crut le fils de Dieu, et prit pour bon ce que voulut être Robespierre, ce qui ne fut rien moins que le fils de l'Être suprême…

      Ce fut alors que des réunions eurent lieu le soir, trois fois par semaine, chez Catherine Théos; il y eut aussi des conférences mystiques auxquelles assista Robespierre. Il voulut organiser le nouveau système religieux qu'il se proposait de donner à la France, après avoir purgé la Convention des hommes qu'il y redoutait, tels que Bourdon (de l'Oise), Tallien, etc… Mais ce fut assez secrètement d'abord et sans beaucoup d'éclat…

      Tout fut donc convenu, et la fête de l'Être suprême eut lieu… Mais Robespierre manqua d'adresse ici complètement. Il ne devait présenter des idées religieuses à des hommes qui menacent de tout détruire qu'appuyé d'une force respectable et dans le cas de le défendre ainsi que ses doctrines. Aussi ses auditeurs ouvrirent-ils les yeux, et tout aussitôt des mesures furent-elles prises par une opposition qui se trouva naturellement formée dans une assemblée comme la Convention, où Robespierre était haï et redouté…

      En tête de cette faction qui s'élevait lentement, mais formidable dès qu'elle prononcerait une parole accusatrice, était Vadier, membre du comité de Sûreté générale, autrefois le plus grand ami de Robespierre: mais depuis, ils s'étaient séparés et vivaient mal l'un avec l'autre… Il fut averti de ce qui se passait dans le salon de Catherine Théos, et résolut de connaître enfin la conduite de Maximilien. La place qu'occupait Vadier au comité de Sûreté générale mettait à sa discrétion tous les moyens de recherches possibles; il les employa. Un des agents du comité s'introduisit chez Catherine Théos sous le prétexte d'être reçu au nombre de ses adeptes. Il se rendit donc un soir rue de l'Estrapade, dans une assez belle et grande maison où logeait Catherine Théos… Cet agent trompa l'un des initiés, qui le présenta comme je l'ai dit plus haut. Lorsqu'il fut introduit dans l'appartement intérieur, il vit un grand et beau salon au milieu duquel étaient trois magnifiques fauteuils en velours rouge orné de franges d'or: l'un (celui du milieu) était pour la mère Théos; le second, pour le fils de l'Être suprême (Robespierre); et le troisième, pour le fils de Dieu (dom Gerle). À peine fut-il entré, qu'une autre femme presque aussi vieille que la mère du Père Éternel, entra dans la chambre. Cette femme était désignée sous le nom d'Éclaireuse. – À peine fut-elle entrée, qu'elle dit d'un ton nasillard ces paroles:

      «Enfants de Dieu, préparez-vous à chanter la gloire de l'Être suprême!..»

      Dom Gerle (le fils de Dieu) était assis à la gauche de la mère Théos, Robespierre était absent.

      Lorsque l'aspirant eut rempli les formalités requises, Catherine Théos le fit approcher d'elle, et lui ayant ordonné de se mettre à genoux, et là, les mains dans les siennes, elle lui fit réciter la formule de réception des initiés que voici, ou plutôt le serment:

      «Je jure de répandre jusqu'à la dernière goutte de mon sang pour soutenir et défendre, soit l'arme à la main, soit par tous les genres de mort possibles, la cause et la gloire de l'Être suprême.»

      Après ce serment, l'Éclaireuse faisait la lecture de l'Apocalypse. Elle disait:

      «Les sept sceaux sont mis sur l'Évangile de la vérité; cinq sont levés. Dieu a promis à notre mère de se révéler à elle à la levée du sixième. Quand le septième se lèvera, prenez courage, en quelque lieu que vous soyiez, quelque chose que vous voyiez; la terre sera purifiée, tous les hommes mourront. Les seuls élus de la mère de Dieu ne périront pas… et ceux qui avant ce temps seront frappés d'un accident, quel qu'il soit, renaîtront pour ne plus mourir

      Alors Catherine reprit les deux mains de l'aspirant dans les siennes, et lui dit en l'embrassant:

      – Mon fils, je vous reçois au nombre de mes élus; vous serez immortel, si vous êtes toujours fidèle à votre serment.

      L'agent du comité retourna plusieurs fois chez Catherine Théos; chaque réunion offrait un accroissement de néophytes qui devenait alarmant. L'agent suivit cette association dans ses nombreux détours; il vit Robespierre au milieu des initiés, et chaque jour Vadier put juger que son ennemi marchait de lui-même à sa perte. Enfin le moment fut trouvé favorable par lui, et la mère Théos et dom Gerle furent dénoncés et arrêtés… Aussitôt qu'ils furent pris, Robespierre courut pour faire agir son immense pouvoir; mais dès lors il put comprendre combien il avait faibli. Il ne put s'opposer à l'arrestation de la mère Théos ni de dom Gerle!..

      De ce moment, Robespierre ne parut plus au comité de Salut public; il s'isola de la société de ses collègues, leur annonçant par cette retraite ce qu'ils avaient à redouter de lui… Cependant son pouvoir était encore bien grand s'il eût su l'employer. Une aventure qui lui arriva à cette époque le prouve; elle trouvera d'autant mieux sa place en ce lieu de l'ouvrage qu'elle est à elle seule l'histoire et même le tableau de ce qu'était la France à cette époque, où quelques meurtres dominaient en la décimant une grande et noble nation.

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<p>14</p>

Allusion au grand sac de cuir où le bourreau jetait toutes les têtes!..