Les nuits mexicaines. Aimard Gustave

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Les nuits mexicaines - Aimard Gustave

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lui les plus grands égards, il l'obligea à l'accompagner dans une campagne qu'il entreprenait dans les provinces de l'intérieur du côté de Guadalajara contre les généraux du parti opposé qui avaient, ainsi que nous l'avons dit, pris le nom de constitutionnels.

      Zuloaga n'opposa aucune résistance; il se résigna en apparence à son sort, et accepta les conséquences de sa position jusqu'à se plaindre à Miramón de ce qu'il ne lui donnait pas un commandement dans son armée; celui-ci se laissa tromper à cette feinte résignation et lui promit qu'à la première bataille son désir serait satisfait. Mais, un beau matin, Zuloaga et les aides de camps qu'on lui avait donnés, plutôt pour le garder que pour lui faire honneur, disparurent subitement et on apprit quelques jours plus tard qu'ils s'étaient réfugiés auprès de Juárez, d'où Zuloaga recommença de plus belle à protester contre la violence dont il avait été victime et à fulminer des décrets contre Miramón.

      Juárez est un Indien cauteleux, rusé et profondément dissimulé; politique habile, c'est le seul président de la république qui depuis la déclaration de l'indépendance n'appartienne pas à l'armée. Sorti des rangs infimes de la société mexicaine, il s'éleva peu à peu à force de ténacité au poste éminent qu'il occupe aujourd'hui; connaissant mieux que personne le caractère de la nation qu'il prétendait gouverner, nul ne savait aussi bien que lui flatter les passions populaires et exciter l'enthousiasme des masses. Doué d'une ambition démesurée qu'il cachait avec soin sous les dehors d'un amour profond pour sa patrie, il avait réussi à se créer peu à peu un parti qui à l'époque dont nous parlons était devenu formidable. Le président constitutionnel avait organisé son gouvernement à la Veracruz et guerroyait du fond de son cabinet par ses généraux contre Miramón. Bien qu'il ne fût reconnu par aucune puissance, excepté par les États-Unis, il agissait comme s'il eût été le véritable et légitime dépositaire du pouvoir de la nation; l'adhésion de Zuloaga qu'il méprisait au fond du cœur à cause de sa couardise et de sa nullité lui fournit l'arme dont il avait besoin pour mener ses projets à bonne fin; il en fit en quelque sorte l'enseigne de son parti, prétendant que Zuloaga devait d'abord être réintégré au pouvoir dont il avait été violemment arraché par Miramón, puis qu'on procéderait à de nouvelles élections. Du reste, Zuloaga n'hésita pas à le reconnaître solennellement comme seul président, légitimement nommé par l'élection libre des citoyens.

      La question était nettement tranchée: Miramón représentait le parti conservateur, c'est-à-dire celui du clergé, des grands propriétaires et du haut commerce; Juárez représentait, lui, le parti démocratique absolu.

      La guerre prit alors des proportions formidables. Malheureusement pour faire la guerre il faut de l'argent, et l'argent était ce dont Juárez manquait totalement; voici pour quelle raison.

      Au Mexique, la fortune publique n'est pas concentrée entre les mains du gouvernement; chaque état, chaque province conserve la libre disposition et le maniement des fonds particuliers des villes qui font partie de son territoire, de sorte que, au lieu que ce soient les provinces qui dépendent du gouvernement, c'est au contraire le gouvernement et la métropole qui subissent le joug des provinces qui, lorsqu'elles se révoltent, arrêtent ainsi les subsides et placent le pouvoir dans une situation critique; de plus, les deux tiers de la fortune publique se trouvent entre les mains du clergé qui se garde bien de s'en dessaisir et qui, ne payant pas d'impôts ni d'obligations d'aucunes sortes, se borne à prêter son argent à un taux assez élevé et à faire ostensiblement une usure qui l'enrichit encore sans qu'il risque jamais de perdre son capital.

      Juárez, bien que maître de la Veracruz, se trouvait donc dans une situation fort difficile, mais il est homme de ressource avant tout, et l'argent qui lui manquait il ne fut nullement embarrassé pour le trouver. Il commença d'abord par mettre la main sur la douane de la Veracruz, puis il organisa des cuadrillas ou guérillas, qui ne se firent aucun scrupule d'assaillir les haciendas des partisans de Miramón, des Espagnols fixés dans le pays et qui pour la plupart sont riches, et des étrangers de toutes les nations chez lesquels il y avait quelque chose de bon à prendre. Ces guérillas ne bornèrent pas là leurs exploits: elles entreprirent d'écumer les routes, de dévaliser les voyageurs et d'assaillir les convois; et qu'on ne suppose pas que nous exagérons les faits, nous les amoindrissons au contraire. Nous devons ajouter, pour être justes, que, de son côté, Miramón ne se faisait pas faute d'employer les mêmes moyens lorsque les occasions s'en présentaient, mais elles étaient rares, sa position n'était pas aussi avantageuse que celle de Juárez pour pêcher, avec de véritables bénéfices, en eau trouble.

      Il est vrai que les guérilleros agissaient en apparence de leur propre mouvement, qu'ils étaient hautement désapprouvés par les deux gouvernements qui feignaient dans certaines occasions de sévir contre eux, mais le voile était tellement transparent que cette comédie ne trompait personne.

      Le Mexique se trouvait ainsi transformé de fait en une immense caverne de brigands, où la moitié de la population pillait et assassinait l'autre, telle était la situation politique de ce malheureux pays à l'époque dont nous parlons; il est douteux qu'elle ait beaucoup changé depuis, à moins que ce ne soit pour empirer encore.

      Le jour même où commence notre histoire, au moment où le soleil encore au-dessous de l'horizon commençait à rayer le bleu sombre du ciel d'étincelantes gerbes de pourpre et d'or, un rancho, construit en roseaux juxtaposés et ressemblant, bien qu'il fût assez vaste, à une cage à poulets, offrait un aspect animé fort singulier à une heure aussi matinale.

      Ce rancho construit au milieu d'un fouillis de verdure dans une délicieuse situation, à quelques pas à peine du Rincón Grande, avait depuis peu été changé en venta ou auberge pour les voyageurs surpris par la nuit ou qui, pour une raison quelconque, préféraient s'y arrêter au lieu de pousser jusqu'à la ville.

      Sur un espace de terrain assez grand laissé libre devant la venta, les ballots de plusieurs convois de mules étaient rangés en demi-cercle et empilés les uns sur les autres avec une certaine symétrie; au milieu du cercle, les arrieros accroupis près du feu boucanaient du tasajo pour leur déjeuner ou réparaient les bâts de leurs animaux qui, séparés par troupes, mangeaient leur provende de maïs placée sur des frazadas étendues sur le sol. Une berline, chargée de malles et de cartons, était remisée à l'écart auprès d'une diligence qu'un accident arrivé à une de ses roues avait contraint de s'arrêter en cet endroit. Plusieurs voyageurs, qui avaient passé la nuit en plein air roulés dans leurs zarapés, commençaient à s'éveiller, d'autres allaient et venaient en fumant leur papelitos; quelques-uns, plus alertes, avaient déjà sellé leurs chevaux et s'éloignaient au galop dans différentes directions.

      Bientôt le mayoral de la diligence sortit de dessous sa voiture où il avait dormi enfoui dans l'herbe, donna à manger à ses bêtes, pansa les blessures faites par les harnais, les attela, puis il se mit à appeler ses voyageurs; ceux-ci réveillés par ses cris sortirent à demi éveillés de la venta et allèrent prendre leurs places dans la voiture. Ils étaient au nombre de neuf, à l'exception de deux individus vêtus à l'européenne et faciles à reconnaître pour Français. Tous les autres portaient le costume mexicain et paraissaient être de véritables hijos del país, c'est-à-dire des enfants du pays.

      Au moment où le cocher ou mayoral, américain du nord pur sang, après être parvenu, à force de jurons yankées entremêlés de mauvais espagnol, à caser tant bien que mal ses voyageurs dans son véhicule à demi-disloqué par les cahots de la route, prenait les rênes pour partir, un galop de chevaux accompagné d'un cliquetis de sabres se fit entendre et une troupe de cavaliers revêtus de costumes à peu près militaires, mais en fort mauvais état, fit halte devant le rancho.

      Cette troupe, composée d'une vingtaine d'hommes à faces patibulaires, était commandée par un alférez ou sous-lieutenant aussi pauvrement habillé que ses soldats, mais dont par contre les armes étaient en fort bon état.

      Cet officier était un

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