The Life of Albert Gallatin. Adams Henry
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу The Life of Albert Gallatin - Adams Henry страница 13
Tu désires sans doute savoir quelles sont mes vues pour l’avenir; les voici! Ayant pour ainsi dire renoncé à Genève, je n’ai pas dû hésiter sur la choix de la patrie que je devais choisir, et l’Amérique m’a paru le pays le plus propre à me fixer par sa constitution, son climat, et les ressources que j’y pouvais trouver. Mais il serait bien dur pour moi de me voir séparé de tous mes amis et c’était sur toi que je comptais pour me faire passer une vie agréable. Dumont, dis-tu, te retient; mais qu’est-ce qui retient Dumont? Il ne doit pas douter de tout le plaisir que j’aurais à le voir. Si toi, lui, Serre et moi étions réunis, ne formerions-nous pas une société très-agréable? Tu vois que je compte que vous seriez tous les deux aussi charmés d’être avec Serre et moi que nous deux d’être avec vous. Reste à proposer les moyens de pouvoir être passablement heureux quand nous serons réunis en ayant un honnête nécessaire et jouissant de cette médiocrité à laquelle je borne tous mes vœux. Comme la campagne est notre passion favorite, c’est de ce côté que se tournent entièrement mes projets. Dans l’espace situé entre les Apalaches et les Mississippi, sur les deux rives de l’Ohio se trouvent les meilleures terres de l’Amérique, et comme le climat en est tempéré je les préférerais à celles de Machias et de la Nouvelle-Angleterre. Celles au nord de l’Ohio appartiennent au Congrès, et celles du sud à la Virginie, aux Carolines et à la Georgie. Le Congrès n’en a encore point vendu ou donné. C’est donc de celles de Virginie dont je vais parler, quoique ce que j’en dirai puisse s’appliquer au nord de l’Ohio si les achats quand ils se feront y étaient plus avantageux. Je rejette les deux Carolines et la Georgie comme malsaines et moins avantageuses. Les terres depuis le grand Canaway qui se jette dans l’Ohio 250 milles au-dessous du Fort Duquesne ou Fort Pitt ou Pittsburg, jusques tout près de l’endroit où l’Ohio se décharge dans le Mississippi, ont été achetées à très-bas prix par divers particuliers de l’État de Virginie, et c’est d’eux qu’il faudrait les racheter. Elles valent depuis 30 sols à 20 francs (argent de France) l’acre suivant leur qualité et surtout leur situation. Celles qui sont situées près de la chute de l’Ohio, le seul établissement qu’il y ait dans cet espace, sont les plus chères. On peut en avoir d’excellentes partout ailleurs pour 50 sols ou 3 francs. Je vais actuellement en Virginie et d’après mes informations j’en achèterai 2 à 3 mille acres dans une situation avantageuse. Si tu te détermines à venir te fixer avec moi, je tournerai sur-le-champ toutes mes vues de ce côté-là. Je ne te demanderais pas de quitter immédiatement la place avantageuse que tu as, mais seulement de me donner une réponse décisive. Aussitôt que ma majorité, qui sera le 29 janvier, 1786, sera arrivée, j’emploierai ma petite fortune à fixer un certain nombre de familles de fermiers irlandais, américains, &c., autour de moi, parcequ’ils m’enrichiront en se rendant heureux (enrichir veut dire une médiocrité aisée). Tu sens bien que si c’est mon avantage de faire des avances à des indifférents, ce sera me rendre service que de venir te joindre à nous, et que le peu que tu pourras apporter, joint à ce qu’il sera de mon propre intérêt de t’avancer, te mettra en état de te former une habitation par toi-même, car depuis ton paragraphe des deux louis je n’ose plus te dire que ce que j’ai t’appartient comme à moi-même. Quant à moi j’accepterais, je ne dis pas un prêt mais an don de toi comme si je prenais dans ma bourse, et je suis tellement identifié avec toi et Serre que toutes les fois que je dis Je en parlant ou en pensant à quelque plan de vie ou à quelque établissement, j’entends toujours Badollet, Serre et Moi. Je ne suis pas tout-à-fait aussi lié avec Dumont, mais je le suis autant avec lui qu’avec qui que ce soit excepté Serre et toi, et comme depuis mon départ de Genève je me suis beaucoup rapproché de sa façon de penser à bien des égards, comme il réunit les qualités du cœur et de l’esprit, il n’y a personne que je désirasse voir venir avec toi plus que lui, et à qui, si je le pouvais, je fusse de quelque utilité avec plus de plaisir. J’espère qu’en voilà assez pour l’engager à nous joindre s’il n’est pas retenu à Genève par des liens bien forts, et si ses goûts sont les mêmes que les nôtres. Je n’ai pas besoin de te dire qu’en s’établissant dans un bois loin des villes et n’ayant que peu d’habitans autour de soi, l’on doit s’attendre dans les commencements à bien des privations et surtout ne compter sur aucune des jouissances raffinées des villes. Je me sens assez de courage pour cela, mais je ne conseillerais à personne de prendre ce parti sans s’être bien consulté. Comme je suis très-gueux dans ce moment-ci, comme plus tu restes dans ta place actuelle et plus tu te prépares de moyens de réussite pour l’avenir, et comme il vaut mieux perdre un an que de s’apprêter des regrets, attends des nouvelles plus positives pour partir à moins que tu n’aies rien de mieux à faire. Mais surtout ne prends point d’engagemens en Europe qui pussent t’empêcher de venir nous joindre dans l’année prochaine ou au plus tard dans la suivante.
Si parmi les personnes que les malheurs de notre patrie en chassent, il s’en trouvait quelques-unes qui désirassent réunir leurs petites fortunes pour former un établissement un peu plus considérable, je désirerais que tu me le fisses savoir. Je pourrai depuis la Virginie leur proposer un plan plus déterminé et plus sûr. Je ne crois pas ce pays bien propre à établir des manufactures; je ne parle que de petits capitalistes comme moi, et de fermiers ou ouvriers, ces derniers (les ouvriers) en petit nombre. S’il y avait un nombre suffisant de gens qui voulussent s’expatrier, peut-être le Congrès leur accorderait des terres. Je serais charmé de pouvoir être utile à tous ceux de mes compatriotes que leur amour pour la liberté a forcés de quitter Genève, et s’ils tournaient leur vue sur les États-Unis ils pourraient compter sur mon zèle à leur donner tous les renseignemens et à faire toutes les démarches qui pourraient leur être de quelque utilité. Les citoyens américains sont très-bien intentionnés à leur égard et il y a eu beaucoup de refroidissemens entre eux et les Français à leur sujet. Il y a environ un mois qu’un homme d’un rang et d’un mérite distingué de Philadelphie demandait à l’Ambassadeur français pourquoi sa Majesté Très-Chrétienne s’était mêlée des divisions des Genevois. C’était pour leur bien, répondit Mr. de Marbois, consul de France. J’espère, répliqua l’Américain, que le roi ne prendra jamais notre bien assez à cœur pour se mêler de nos brouilleries intestines. On ne lui fit aucune réponse. Quelque haine que je puisse avoir contre le Ministère français qui nous a perdus, elle ne s’étend point jusque sur toute leur nation; je fais le plus grand cas d’un grand nombre de ses individus et il y en a quelques-uns à qui personnellement j’ai des obligations essentielles.
Je souhaiterais que cette lettre ne fût pas vue de mes parens à Genève, non pas que je veuille qu’ils ignorent ma façon de penser politique, ou que des vues intéressées me fassent désirer que mes oncles ne sussent pas que je veux me fixer en Amérique, ce qui est renoncer à toutes mes espérances de ce côté-là, mais parceque cette résolution, si elle était connue, ferait trop de peine à ma tendre mère Mlle. Pictet, qui est le seul chaînon subsistant des liens qui me retenaient à Genève. Je ne veux pas dire par là qu’elle soit la seule personne qui m’y attire; j’y ai des amis et surtout une amie qu’il me serait bien dur de quitter; mais tu me connais assez pour comprendre quels doivent être mes sentimens à l’égard de la personne à qui je dois tout et que j’ai bien mal récompensée de son amitié et de ses soins.
Mille amitiés à Dumont. Fais faire mes complimens à d’Ivernois; la manière dont il s’est comporté lui fait beaucoup d’honneur. Ecris-moi promptement et longuement. Je te donnerai des nouvelles plus positives dans deux mois. Si tu changes de demeure, prie M^e. de Vivens de t’envoyer les lettres qui te parviendront, et indique-moi ton adresse. J’espère que tu viendras bientôt tirer parti de ton Anglais. Tout homme qui a des terres ici devient citoyen et a droit de donner sa voix pour