Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10. George Gordon Byron

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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10 - George Gordon  Byron

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me donner; mais cessons de nous occuper de moi, et parlons un peu du prince régent. Il ordonna que l'on me présentât à lui dans un bal: après quelques mots extrêmement flatteurs sur mes propres essais, il me parla de vous et de vos ouvrages immortels. Il me dit qu'il vous préférait à tous les poètes passés et présens, et me demanda lequel de vos poèmes j'aimais le mieux. La question était embarrassante: je répondis que c'était le Lay du dernier Ménestrel; il me dit qu'il n'était pas éloigné de partager mon opinion. J'ajoutai que vous me paraissiez essentiellement le poète des princes, et que nulle part ils n'étaient peints d'une manière aussi séduisante que dans votre Marmion et votre Dame du Lac: il eut la bonté d'approuver encore cette idée et de s'étendre beaucoup sur vos Portraits des Jacques, qu'il trouve aussi majestueux que poétiques. Il parla alternativement d'Homère et de vous, et parut bien vous connaître tous deux, en sorte qu'excepté les Turcs et votre serviteur, vous étiez en très-bonne compagnie. Je défie Murray lui-même de pouvoir exagérer, dans un prospectus, l'opinion que son altesse royale exprima sur votre génie, et je ne prétends pas énumérer tout ce qu'il dit sur ce sujet; mais il vous sera peut-être agréable de savoir que tout cela fut dit d'un langage qui perdrait beaucoup si je m'avisais de vouloir le transcrire ici, avec un ton et un goût qui me laissèrent la plus haute idée des talens naturels et acquis d'un prince auquel je ne supposais jusqu'alors que cette exquise politesse de manières qui le rend certainement supérieur à aucun gentleman vivant.

      »Cette entrevue fut accidentelle. Je n'ai jamais été à un lever; car la vue des cours catholiques et musulmanes a singulièrement diminué ma curiosité, et mes principes politiques étant aussi mauvais que mes vers, je n'y avais réellement rien à faire. Il doit vous paraître infiniment flatteur de vous voir ainsi apprécié par notre souverain, et si ce plaisir ne perd rien en passant par mon canal, je m'estimerai bien heureux.

      »Je suis très-sincèrement, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

      BYRON.

      »Excusez ce griffonnage, écrit à la hâte et au retour d'un petit voyage.»

Pendant cet été (1812), il alla passer quelque tems à la campagne chez quelques-uns de ses nobles amis, entre autres, chez lord Jersey et le marquis de Lansdowne. «En 1812, dit-il, à Middleton, se trouvaient chez lord Jersey, au milieu d'une brillante assemblée de lords, de ladies et d'hommes de lettres 22 ***… Erskine y était, le bon, mais insupportable Erskine. Il plaisanta, il parla, il fit très-bien, mais il voulait qu'on l'applaudît deux fois pour la même chose. Il lisait ses vers; ses articles, racontait son histoire deux et trois fois, et puis le Jugement par jury!!! J'aurais presque désiré qu'il fût aboli, car j'étais assis près d'Erskine à dîner. J'avais lu ses discours imprimés, je n'avais donc pas besoin qu'il me les récitât de nouveau.»

Note 22: (retour) Ici se trouve une revue des visiteurs, trop critique pour que nous la rapportions.(Note de Moore.)

C***, le chasseur de renard, surnommé Cheek C***, et moi sablâmes le Bordeaux, et fûmes les seuls qui en prîmes. C*** aime la bouteille, et ne s'attendait pas à trouver un bon vivant dans un rimailleur 23. Aussi, faisant mon éloge un certain soir à quelqu'un, il le résuma en ces mots: Il boit, par Dieu, comme un homme!

Note 23: (retour) Pendant les deux ou trois premiers jours, il n'avait joint la compagnie à Middleton qu'après le dîner, se contentant de prendre dans sa chambre son léger repas de biscuits et de soda-water. Quelqu'un lui ayant dit que M. C*** avait qualifié de telles habitudes d'efféminées, il résolut de prouver au chasseur de renard qu'il pouvait dans l'occasion se montrer aussi bon vivant que lui; et par ses prouesses le lendemain au Bordeaux, lui arracha le pompeux éloge cité plus haut.

»Personne ne but, excepté C*** et moi. À vrai dire, nous n'avions pas besoin d'assistans, car nous fîmes disparaître tout ce qui avait été mis sur la table assez facilement; et l'on peut supposer qu'elle était bien garnie chez Jersey. Du reste, nous portâmes notre vin très-discrètement 24

Note 24: (retour) L'un des principaux personnages de Wawerley, premier roman publié par sir Walter-Scott.

      Au mois d'août de cette même année, le comité de direction de Drury-Lane désirant un prologue pour l'ouverture du théâtre, prit le singulier parti d'annoncer dans les journaux, un concours à cet effet, auquel il appela tous les poètes de l'époque. Bien que les discours arrivassent en assez bon nombre, aucun ne parut au comité digne de fixer son choix. Dans cet embarras, l'idée vint à lord Holland qu'ils ne pouvaient mieux faire que d'avoir recours à Lord Byron, dont la popularité donnerait encore plus de vogue à la solennité de la réinstallation, et dont la supériorité, incontestable, à ce qu'il croyait, quoique l'événement ait prouvé le contraire, forcerait tous les candidats rejetés à se soumettre sans murmurer. La lettre suivante est le premier résultat de la demande faite à ce sujet au noble poète.

      LETTRE XCVI

À LORD HOLLAND

      Cheltenham, 10 septembre 1812.

      Cher Milord,

      «Les vers que j'avais essayé de faire sont encore, ou plutôt étaient dans un état tout-à-fait imparfait; je viens de les jeter dans un feu plus décisif que celui de Drury-Lane. Dans de telles circonstances, je ne saurais risquer volontiers de lutter contre Philo-drama, Philo-Drury, Asbestos H**, et tous les anonymes et synonymes des candidats du comité. Sérieusement, je crois que vous pourriez trouver bien mieux ailleurs; les prologues ne sont pas mon fort. Dans tous les cas, mon amour-propre ou ma modestie ne me permettraient pas de courir le hasard de voir mes rimes enterrées dans le Magazine du mois prochain sous les Essais sur l'assassinat de M. Perceval, et les Guérisons de la morsure des chiens enragés, comme ce pauvre Goldsmith s'en plaignait pour des productions bien supérieures aux miennes.

      »Je prends cependant toujours assez d'intérêt à la chose pour désirer connaître l'heureux candidat. Dans un nombre aussi grand, je ne doute pas qu'il ne s'en trouve d'excellens, surtout aujourd'hui que l'art d'écrire en vers est devenu le plus aisé de tous.

      »Je n'ai point de nouvelles à vous apprendre, si ce n'est que, par amour pour le théâtre, vous ne veuillez que je vous parle de M. ***. Je crains bien qu'il ne soit beaucoup au-dessous de la tâche que les directeurs de Covent-Garden viennent de lui confier. Sa figure est trop grasse, ses traits écrasés, sa voix ingouvernable, ses gestes sans grâces; et, comme dit Diggory, je le défie d'embellir jamais assez cette espèce de figure-là pour lui donner même l'air de la folie. Je suis bien fâché de le voir dans le rôle de l'Éléphant sur la corde lâche; car, quand je l'ai vu la dernière fois, j'étais enchanté de son jeu. Mais alors j'avais seize ans; et tout Londres avait la bonté de juger comme s'il était revenu à cet âge. Après tout, de meilleurs juges l'ont admiré et l'admireront peut-être encore, ce qui ne m'empêche pas de me hasarder à prédire qu'il ne réussira pas.

      »Voilà donc le pauvre Rogers retenu fortement au sommet du puissant Heswellyn; ce n'est pas pour toujours, j'espère. Mes complimens respectueux à lady Holland; son départ, et celui de mes autres amis, a été un triste événement pour moi, qui suis maintenant réduit à la solitude la plus cynique.

«Au bord des eaux de Cheltenham, je me suis assis et j'ai bu en songeant à toi, ô Georgina Cottage! Quant à nos harpes, nous les avons suspendues aux saules qui croissent en cet endroit. Alors ils ont dit: Chantez-nous un chant de Drury-Lane, etc.; mais j'étais muet et sombre comme les Israélites 25.» Les eaux m'ont rendu aussi malade que je pouvais le désirer; vous aviez raison en cela, comme vous l'avez toujours.

      »Croyez-moi

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