La Comédie humaine, Volume 4. Honore de Balzac

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La Comédie humaine, Volume 4 - Honore de Balzac

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faubourg Saint-Germain, qualifié de sot par elle. La scène de la réconciliation, où Béatrix fit jurer haine à l'épouse qui jouait, dit-elle, la comédie du lait répandu, se passa dans un vrai bocage où elle minaudait environnée de fleurs ravissantes, de jardinières d'un luxe effréné. La science des riens, des bagatelles à la mode, elle la poussa jusqu'à l'abus chez elle. Tombée en plein mépris par l'abandon de Conti, Béatrix voulait du moins la gloire que donne la perversité. Le malheur d'une jeune épouse, d'une Grandlieu riche et belle, allait être un piédestal pour elle.

      Quand une femme revient de la nourriture de son premier enfant à la vie ordinaire, elle reparaît charmante, elle retourne au monde embellie. Si cette phase de la maternité rajeunit les femmes d'un certain âge, elle donne aux jeunes une splendeur pimpante, une activité gaie, un brio d'existence, s'il est permis d'appliquer au corps le mot que l'Italie a trouvé pour l'esprit. En essayant de reprendre les charmantes coutumes de la lune de miel, Sabine ne retrouva plus le même Calyste. Elle observa, la malheureuse, au lieu de se livrer au bonheur. Elle chercha le fatal parfum et le sentit. Enfin elle ne se confia plus ni à son amie ni à sa mère, qui l'avaient si charitablement trompée. Elle voulut une certitude, et la Certitude ne se fit pas attendre. La Certitude ne manque jamais, elle est comme le soleil, elle exige bientôt des stores. C'est en amour une répétition de la fable du bûcheron appelant la Mort, on demande à la Certitude de nous aveugler.

      Un matin, quinze jours après la première crise, Sabine reçut cette lettre terrible.

A MADAME LA BARONNE DU GUÉNIC«Guérande.

      »Ma chère fille, ma belle-sœur Zéphirine et moi, nous nous sommes perdues en conjectures sur la toilette dont parle votre lettre; j'en écris à Calyste et je vous prie de me pardonner notre ignorance. Vous ne pouvez pas douter de nos cœurs. Nous vous amassons des trésors. Grâce aux conseils de mademoiselle de Pen-Hoël sur la gestion de vos biens, vous vous trouverez dans quelques années un capital considérable, sans que vos revenus en aient souffert.

      »Votre lettre, chère fille aussi aimée que si je vous avais portée dans mon sein et nourrie de mon lait, m'a surprise par son laconisme et surtout par votre silence sur mon cher petit Calyste; vous n'aviez rien à me dire du grand, je le sais heureux; mais, etc.»

      Sabine mit sur cette lettre en travers: La noble Bretagne ne peut pas être tout entière à mentir!… Et elle posa la lettre sur le bureau de Calyste. Calyste trouva la lettre et la lut. Après avoir reconnu l'écriture et la ligne de Sabine, il jeta la lettre au feu, bien résolu de ne l'avoir jamais reçue. Sabine passa toute une semaine en angoisses dans le secret desquelles seront les âmes angéliques ou solitaires que l'aile du mauvais ange n'a jamais effleurées. Le silence de Calyste épouvantait Sabine.

      – Moi qui devrais être tout douceur, tout plaisir pour lui je lui ai déplu, je l'ai blessé!.. Ma vertu s'est faite haineuse, j'ai sans doute humilié mon idole! se disait-elle.

      Ces pensées lui creusèrent des sillons dans le cœur. Elle voulait demander pardon de cette faute, mais la Certitude lui décocha de nouvelles preuves.

      Hardie et insolente, Béatrix écrivit un jour à Calyste chez lui, madame du Guénic reçut la lettre, la remit à son mari sans l'avoir ouverte; mais elle lui dit, la mort dans l'âme, et la voix altérée:

      – Mon ami, cette lettre vient du Jockey-club… Je reconnais l'odeur et le papier…

      Cette fois Calyste rougit et mit la lettre dans sa poche.

      – Pourquoi ne la lis-tu pas?..

      – Je sais ce qu'on me veut.

      La jeune femme s'assit. Elle n'eut plus la fièvre, elle ne pleura plus, mais elle eut une de ces rages qui, chez ces faibles créatures, enfantent les miracles du crime, qui leur mettent l'arsenic à la main, ou pour elle ou pour leurs rivales. On amena le petit Calyste, elle le prit pour le dodiner. L'enfant, nouvellement sevré, chercha le sein à travers la robe.

      – Il se souvient, lui!.. dit-elle tout bas.

      Calyste alla lire sa lettre chez lui. Quand il ne fut plus là, la pauvre jeune femme fondit en larmes, mais comme les femmes pleurent quand elles sont seules.

      La douleur, de même que le plaisir, a son initiation. La première crise, comme celle à laquelle Sabine avait failli succomber, ne revient pas plus que ne reviennent les prémices en toute chose. C'est le premier coin de la question du cœur, les autres sont attendus, le brisement des nerfs est connu, le capital de nos forces a fait son versement pour une énergique résistance. Aussi Sabine, sûre de la trahison, passa-t-elle trois heures avec son fils dans les bras, au coin de son feu, de manière à s'étonner, quand Gasselin, devenu valet de chambre, vint dire: – Madame est servie.

      – Avertissez monsieur.

      – Monsieur ne dîne pas ici, madame la baronne.

      Sait-on tout ce qu'il y a de tortures pour une jeune femme de vingt-trois ans, dans le supplice de se trouver seule au milieu de l'immense salle à manger d'un hôtel antique, servie par de silencieux domestiques, en de pareilles circonstances?

      – Attelez, dit-elle tout à coup, je vais aux Italiens.

      Elle fit une toilette splendide, elle voulut se montrer seule et souriant comme une femme heureuse. Au milieu des remords causés par l'apostille mise sur la lettre, elle avait résolu de vaincre, de ramener Calyste par une excessive douleur, par les vertus de l'épouse, par une tendresse d'agneau pascal. Elle voulut mentir à tout Paris. Elle aimait, elle aimait comme aiment les courtisanes et les anges, avec orgueil, avec humilité. Mais on donnait Otello! Quand Rubini chanta: Il mio cor si divide, elle se sauva. La musique est souvent plus puissante que le poëte et que l'acteur, les deux plus formidables natures réunies. Savinien de Portenduère accompagna Sabine jusqu'au péristyle et la mit en voiture, sans pouvoir s'expliquer cette fuite précipitée.

      Madame du Guénic entra dès lors dans une période de souffrances particulière à l'aristocratie. Envieux, pauvres, souffrants, quand vous voyez aux bras des femmes ces serpents d'or à têtes de diamant, ces colliers, ces agrafes, dites-vous que ces vipères mordent, que ces colliers ont des pointes venimeuses, que ces liens si légers entrent au vif dans ces chairs délicates. Tout ce luxe se paie. Dans la situation de Sabine les femmes maudissent les plaisirs de la richesse, elles n'aperçoivent plus les dorures de leurs salons, la soie des divans est de l'étoupe, les fleurs exotiques sont des orties, les parfums puent, les miracles de la cuisine grattent le gosier comme du pain d'orge, et la vie prend l'amertume de la mer Morte.

      Deux ou trois exemples peindront cette réaction d'un salon ou d'une femme sur un bonheur, de manière que toutes celles qui l'ont subie y retrouvent leurs impressions de ménage.

      Prévenue de cette affreuse rivalité, Sabine étudia son mari quand il sortait pour deviner l'avenir de la journée. Et avec quelle fureur contenue une femme ne se jette-t-elle pas sur les pointes rouges de ces supplices de sauvage?.. Quelle joie délirante s'il n'allait pas rue de Chartres! Calyste rentrait-il? l'observation du front, de la coiffure, des yeux, de la physionomie et du maintien prêtait un horrible intérêt à des riens, à des remarques poursuivies jusque dans les profondeurs de la toilette, et qui font alors perdre à une femme sa noblesse et sa dignité. Ces funestes investigations, gardées au fond du cœur, s'y aigrissaient et y corrompaient les racines délicates d'où s'épanouissent les fleurs bleues de la sainte confiance, les étoiles d'or de l'amour unique.

      Un jour, Calyste regarda tout chez lui de mauvaise humeur, il y restait! Sabine se fit chatte et humble, gaie et spirituelle.

      – Tu me boudes, Calyste, je ne suis donc pas une bonne femme?..

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