La Comédie humaine, Volume 4. Honore de Balzac

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La Comédie humaine, Volume 4 - Honore de Balzac

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déployé s'il n'eût pas été coupable, je le vois, il est impossible d'avoir un secret, quelque innocent qu'il soit, pour une femme qui nous aime…

      – On ne se dit pas de secrets dans un escalier, répondit-elle en riant. Viens.

      Au milieu du salon qui précédait la chambre à coucher, elle vit dans une glace la figure de Calyste qui, ne se sachant pas observé, laissait paraître sa fatigue et ses vrais sentiments en ne souriant plus.

      – Le secret!.. dit-elle en se retournant.

      – Tu as été d'un héroïsme de nourrice qui me rend plus cher encore l'héritier présomptif des du Guénic; j'ai voulu te faire une surprise, absolument comme un bourgeois de la rue Saint-Denis. On finit en ce moment pour toi une toilette à laquelle ont travaillé des artistes; ma mère et ma tante Zéphirine y ont contribué…

      Sabine enveloppa Calyste de ses bras, le tint serré sur son cœur, la tête dans son cou, faiblissant sous le poids du bonheur, non pas à cause de la toilette, mais à cause du premier soupçon dissipé. Ce fut un de ces élans magnifiques qui se comptent et que ne peuvent pas prodiguer tous les amours, même excessifs, car la vie serait trop promptement brûlée. Les hommes devraient alors tomber aux pieds des femmes pour les adorer, car c'est un sublime où les forces du cœur et de l'intelligence se versent comme les eaux des nymphes architecturales jaillissent des urnes inclinées. Sabine fondit en larmes.

      Tout à coup, comme mordue par une vipère, elle quitta Calyste, alla se jeter sur un divan, et s'y évanouit. La réaction subite du froid sur ce cœur enflammé, de la certitude sur les fleurs ardentes de ce Cantique des cantiques faillit tuer l'épouse. En tenant ainsi Calyste, en plongeant le nez dans sa cravate, abandonnée qu'elle était à sa joie, elle avait senti l'odeur du papier de la lettre!.. Une autre tête de femme avait roulé là, dont les cheveux et la figure laissaient une odeur adultère. Elle venait de baiser la place où les baisers de sa rivale étaient encore chauds!..

      – Qu'as-tu?.. dit Calyste après avoir rappelé Sabine à la vie en lui passant sur le visage un linge mouillé, lui faisant respirer des sels…

      – Allez chercher mon médecin et mon accoucheur, tous deux! Oui, j'ai, je le sens, une révolution de lait… Ils ne viendront à l'instant que si vous les en priez vous-même…

      Le vous frappa Calyste qui, tout effrayé, sortit précipitamment. Dès que Sabine entendit la porte cochère se fermant, elle se leva comme une biche effrayée, elle tourna dans son salon comme une folle en criant: – Mon Dieu! mon Dieu! mon Dieu! Ces deux mots tenaient lieu de toutes ses idées. La crise qu'elle avait annoncée comme prétexte eut lieu. Ses cheveux devinrent dans sa tête autant d'aiguilles rougies au feu des névroses. Son sang bouillonnant lui parut à la fois se mêler à ses nerfs et vouloir sortir par ses pores! Elle fut aveugle pendant un moment. Elle cria: – Je meurs!

      Quand à ce terrible cri de mère et de femme attaquée, sa femme de chambre entra; quand prise et portée au lit, elle eut recouvré la vue et l'esprit, le premier éclair de son intelligence fut pour envoyer cette fille chez son amie, madame de Portenduère. Sabine sentit ses idées tourbillonnant dans sa tête comme des fétus emportés par une trombe. – J'en ai vu, disait-elle plus tard, des myriades à la fois. Elle sonna le valet de chambre, et, dans le transport de la fièvre, elle eut la force d'écrire la lettre suivante, car elle était dominée par une rage, celle d'avoir une certitude!..

A MADAME LA BARONNE DU GUÉNIC

      «Chère maman, quand vous viendrez à Paris, comme vous nous l'avez fait espérer, je vous remercierai moi-même du beau présent par lequel vous avez voulu, vous, ma tante Zéphirine et Calyste, me remercier d'avoir accompli mes devoirs. J'étais déjà bien payée par mon propre bonheur!.. Je renonce à vous exprimer le plaisir que m'a fait cette charmante toilette, c'est quand vous serez près de moi que je vous le dirai. Croyez qu'en me parant devant ce bijou, je penserai toujours, comme la dame romaine, que ma plus belle parure est notre cher petit ange, etc.»

      Elle fit mettre à la poste pour Guérande cette lettre par sa femme de chambre. Quand la vicomtesse de Portenduère entra, le frisson d'une fièvre épouvantable succédait chez Sabine à ce premier paroxysme de folie.

      – Ursule, il me semble que je vais mourir, lui dit-elle.

      – Qu'avez-vous, ma chère?

      – Qu'est-ce que Savinien et Calyste ont donc fait hier après avoir dîné chez vous?

      – Quel dîner? repartit Ursule, à qui son mari n'avait encore rien dit en ne croyant pas à une enquête immédiate. Savinien et moi, nous avons dîné hier ensemble et nous sommes allés aux Italiens, sans Calyste.

      – Ursule, ma chère petite, au nom de votre amour pour Savinien, gardez-moi le secret sur ce que tu viens de me dire et sur ce que je te dirai de plus. Toi seule sauras de quoi je meurs… Je suis trahie, au bout de la troisième année, à vingt-deux ans et demi!..

      Ses dents claquaient, elle avait les yeux gelés, ternes, son visage prenait des teintes verdâtres et l'apparence d'une vieille glace de Venise.

      – Vous, si belle!.. Et pour qui?..

      – Je ne sais pas! Mais Calyste m'a fait deux mensonges… Pas un mot! Ne me plains pas, ne te courrouce pas, fais l'ignorante; tu sauras peut-être qui par Savinien. Oh! la lettre d'hier!..

      Et grelottant, et en chemise, elle s'élança vers un petit meuble et y prit la lettre…

      – Une couronne de marquise! dit-elle en se remettant au lit. Sache si madame de Rochefide est à Paris?.. J'aurai donc un cœur où pleurer, où gémir!.. Oh! ma petite, voir ses croyances, sa poésie, son idole, sa vertu, son bonheur, tout, tout en pièces, flétri, perdu!.. Plus de Dieu dans le ciel! plus d'amour sur terre, plus de vie au cœur, plus rien… Je ne sais s'il fait jour, je doute du soleil… Enfin, j'ai tant de douleur au cœur que je ne sens presque pas les atroces souffrances qui me labourent le sein et la figure. Heureusement le petit est sevré, mon lait l'eût empoisonné!

      A cette idée, un torrent de larmes jaillit des yeux de Sabine, jusque-là secs.

      La jolie madame de Portenduère, tenant à la main la lettre fatale que Sabine avait une dernière fois flairée, restait comme hébétée devant cette vraie douleur, saisie par cette agonie de l'amour, sans se l'expliquer, malgré les récits incohérents par lesquels Sabine essaya de tout raconter. Tout à coup Ursule fut illuminée par une de ces idées qui ne viennent qu'aux amies sincères.

      – Il faut la sauver! se dit-elle. – Attends-moi, Sabine, lui cria-t-elle, je vais savoir la vérité.

      – Ah! dans ma tombe, je t'aimerai, toi!.. cria Sabine.

      La vicomtesse alla chez la duchesse de Grandlieu, lui demanda le plus profond silence et la mit au courant de la situation de Sabine.

      – Madame, dit la vicomtesse en terminant, n'êtes-vous pas d'avis que pour éviter une affreuse maladie, et, peut-être, que sais-je? la folie!.. nous devons tout confier au médecin, et inventer au profit de cet affreux Calyste des fables qui pour le moment le rendent innocent.

      – Ma chère petite, dit la duchesse, à qui cette confidence avait donné froid au cœur, l'amitié vous a prêté pour un moment l'expérience d'une femme de mon âge. Je sais comment Sabine aime son mari, vous avez raison, elle peut devenir folle.

      – Mais elle peut, ce qui serait pis, perdre sa beauté! dit la vicomtesse.

      – Courons! cria la duchesse.

      La

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