Champavert. Borel Pétrus

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Champavert - Borel Pétrus

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est probable que cet homme chez lequel il faisait son apprentissage était architecte: car quelques années plus tard, on se rappelle l’avoir vu travailler dans l’atelier d’architecture d’Antoine Garnaud; du reste, nous n’avons rien pu apprendre sur sa vie, à cette phase; sans doute, il battait corps à corps avec la misère, et, dans les intervalles que lui laissaient ses travaux stupides et la faim, il s’abandonnait à l’étude. On a trouvé dans ses paperasses des dessins d’architecture et des poésies portant mêmes dates. Son assiduité à l’atelier d’Antoine Garnaud devint plus réservée peu à peu, et il en disparut entièrement. Son aversion pour l’architecture antique qu’on y enseignait à l’exclusion fut cause à coup sûr de cet éloignement. Il rentra dans l’ombre pour se livrer à ses études d’affection; on ne le vit plus reparaître que de loin en loin, dirigeant quelques constructions, ou dans l’atelier de quelque habile peintre dont il avait conquis l’amitié. C’est aussi vers ce temps, deux ans environ avant sa mort, vers la fin de 1829, qu’il se groupa à l’entour de lui quelques jeunes et timides artistes, afin d’être plus forts en faisceau, afin de n’être pas brisé et renversé à l’entrée dans le monde; il fut même regardé par beaucoup comme le grand prêtre de cette camaraderie du bousingo, dont on fit grand scandale, et dont on a par méchanceté et par ignorance perverti les intentions et le titre. Mais n’anticipons pas, Champavert, dans un ouvrage collectif qui doit incessamment paraître, a rétabli la véracité des faits, et éclairé le public que les journaux ont abusé.

      Ses derniers compagnons, dont les noms sont cités dans les Rhapsodies, qui l’ont connu dans la plus grande intimité, auraient pu donner sur lui des renseignemens exacts et positifs; mais, comme il n’approuva pas cette publication, ils nous ont fermé leurs portes.

      Ce fut vers la fin de 1831 que parurent les essais poétiques de Champavert, sous le titre de Rhapsodies, par Pétrus Borel. Jamais petit livre n’avait fait plus grand scandale, du reste, scandale que fera toujours toute œuvre écrite avec l’âme et le cœur, sans politesse pour un temps où l’on fait de l’art et de la passion avec la tête et la main, et en se battant les flancs à tant la page. Pour juger ces poésies, nous sommes trop favorablement disposés, on ne nous croirait pas impartiaux; or, nous dirons seulement qu’elles nous semblent abruptes, souffertes, senties, pleines de feu, et, qu’on nous passe l’expression, quelquefois fleurette, mais bien plus souvent barre de fer; c’est un livret empreigné de fiel et de douleur, c’est le prélude du drame qui le suivit, et que les plus simples avaient pressenti; une œuvre comme celle-là n’a pas de second tome: son épilogue, c’est la mort.

      Nous allons, pour nos lecteurs qui ne les connaîtraient point, en donner quelques extraits, à l’appui de ce que nous venons d’avancer.

      Voici la pièce qui ouvre le recueil; nous la citons préférablement parce qu’elle est pleine de douleur et d’une franchise rare, et qu’elle contient quelques circonstances de sa vie dont nous n’avons pu parler: elle est adressée à un ami qui lui avait donné l’hospitalité, à ce qu’il paraîtrait, dans un temps où, comme Métastase, il n’avait pour abri que le ciel et le pavé.

      Quand ton Pétrus ou ton Pierre

      N’avait pas même une pierre

      Pour se poser, l’œil tari;

      Un clou sur un mur avare

      Pour suspendre sa guitare:

      Tu me donnas un abri.

      Tu me dis: – Viens, mon Rhapsode,

      Viens chez moi finir ton ode;

      Car ton ciel n’est pas d’azur,

      Ainsi que le ciel d’Homère

      Ou du provençal trouvère;

      L’air est froid, le sol est dur.

      Paris n’a point de bocage;

      Viens donc, je t’ouvre ma cage,

      Où, pauvre, gaîment je vis;

      Viens, l’amitié nous rassemble,

      Nous partagerons ensemble

      Quelques grains de chenevis.

      – Tout bas, mon âme honteuse

      Bénissait ta voix flatteuse

      Qui caressait son malheur;

      Car toi seul, au sort austère

      Qui m’accablait solitaire,

      Léon, tu donnas un pleur.

      Quoi! ma franchise te blesse?

      Voudrais-tu que, par faiblesse,

      On voilât sa pauvreté?

      Non! non! nouveau Malfilâtre,

      Je veux, au siècle parâtre,

      Etaler ma nudité!

      Je le veux, afin qu’on sache,

      Que je ne suis point un lâche,

      Car j’eus deux parts de douleur

      A ce banquet de la terre,

      Car, bien jeune, la misère

      N’a pu briser ma verdeur.

      Je le veux, afin qu’on sache

      Que je n’ai que ma moustache,

      Ma guitare, et puis mon cœur

      Qui se rit de la détresse;

      Et que mon âme maîtresse

      Contre tout surgit vainqueur.

      Je le veux, afin qu’on sache

      Que, sans toge et sans rondache,

      Ni chancelier, ni baron,

      Je ne suis point gentilhomme,

      Ni commis à maigre somme,

      Parodiant lord Byron.

      A la cour, dans ses orgies,

      Je n’ai point fait d’élégies,

      Point d’hymne à la déité;

      Sur le flanc d’une duchesse,

      Barbotant dans la richesse,

      De lai sur ma pauvreté.

      Voici encore quelques autres vers et quelques fragmens pris pour ainsi dire au hasard, tous pleins pareillement de chagrin et de fiel, et de la pensée qui le minait sourdement et qui, peu de temps plus tard, devait le perdre.

DOLÉANCE

      Son joyeux, importun, d’un clavecin sonore,

      Parle, que me veux-tu?

      Viens-tu dans mon grenier pour insulter encore

      A ce cœur abattu?

      Son joyeux, ne viens plus; verse à d’autres l’ivresse;

      Leur vie est un festin

      Que je n’ai point troublé; tu troubles ma détresse,

      Mon râle clandestin!

      Indiscret, d’où viens-tu? Sans doute une main blanche,

      Un beau doigt prisonnier

      Dans de riches joyaux, a frappé sur ton anche

      D’ivoire et d’ébénier;

      Accompagnerais-tu d’une enfant angélique,

      La timide leçon?

      Si le rythme est bien sombre et l’air mélancolique,

      Trahis-moi sa chanson.

      Non: j’entends les pas sourds d’une foule ameutée,

      Dans un salon étroit;

      Elle vogue en tournant,

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