Champavert. Borel Pétrus

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Champavert - Borel Pétrus

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Sitôt à Paris, il se présenta au domicile de Champavert, on lui affirma qu’il était allé faire un voyage de long cours. Dans la ville, il ne put obtenir aucun renseignement. Mais, le soir, parcourant la Tribune, au café Procope, il en rencontra de cruels et de positifs. Le lendemain il fit enlever le cadavre de son ami, exposé à la morgue depuis trois jours, et le fit enterrer au cimetière du Mont-Louis; près du tombeau d’Héloïse et d’Abélard, vous pourrez voir encore une pierre brisée, moussue, sur laquelle, se penchant, on lit avec peine ces mots: A Champavert, Jean-Louis.

      Vivement ému par le suicide de ce jeune cœur, et des larmes m’étant échappées pendant le récit que M. Jean-Louis en fit au café, touché, il s’approcha de moi et me dit: – L’auriez-vous connu? – Non, Monsieur, si je l’avais connu nous serions morts ensemble. – Je conquis son amitié, et ce brave jeune homme, avant de retourner à Lachapelle en Vaudragon, me fit don du portefeuille trouvé sur Champavert.

      Voici à peu près tout ce qu’il contenait: quelques notes, quelques boutades, griffonnées sans ordre à la sanguine, et presque totalement illisibles, quelques vers et des lettres.

      D’abord, je déchiffrai sur la peau d’âne ces pensées.

      On recommande toujours aux hommes de ne rien faire d’inutile, d’accord; mais autant vaudrait leur dire de se tuer, car, de bonne foi, à quoi bon vivre?.. Est-il rien plus inutile que la vie? une chose utile, c’est une chose dont le but est connu; une chose utile doit être avantageuse par le fait et le résultat, doit servir ou servira, enfin c’est une chose bonne. La vie remplit-elle une seule de ces conditions?.. le but en est ignoré, elle n’est ni avantageuse par le fait, ni par le résultat; elle ne sert pas, elle ne servira pas, enfin, elle est nuisible; que quelqu’un me prouve l’utilité de la vie, la nécessité de vivre, je vivrai…

      Pour moi, je suis convaincu du contraire, et je redis souvent avec Pétrarca:

      Che più d’un giorno é la vita mortale

      Nubilo, breve, freddo e pien di noja;

      Che può bella parer, ma nulla vale.

      Le penser qui m’a toujours poursuivi amèrement, et jeté le plus de dégoût en mon cœur, c’est celui-ci:

      Qu’on ne cesse d’être honnête homme, seulement que du jour où le crime est découvert: que les plus infâmes scélérats, dont les atrocités restent cachées, sont des hommes honorables, qui hautement jouissent de la faveur et de l’estime. Que d’hommes doivent rire sourdement dans leur poitrine, quand ils s’entendent traités de bons, de justes, de loyaux, de sérénissimes, d’altesses!

      Oh! ce penser est déchirant!..

      Aussi, je répugne à donner des poignées de main à d’autres qu’à des intimes; je frissonne involontairement à cette idée qui ne manque jamais de m’assaillir, que je presse peut-être une main infidèle, traîtresse, parricide!

      Quand je vois un homme, malgré moi mon œil le toise et le sonde, et je demande en mon cœur, celui-là est-ce bien un probe, en vérité? ou un brigand heureux dont les concussions, les dilapidations, les crimes sont ignorés, et le seront à tout jamais? Indigné, navré, le mépris sur la lèvre, je suis tenté de lui tourner le dos.

      Si du moins les hommes étaient classés comme les autres bêtes; s’ils avaient des formes variées suivant leurs penchans, leur férocité, leur bonté comme les autres animaux. – S’il y avait une forme pour le féroce, l’assassin, comme il y en a une pour le tigre et la hyène. – S’il y en avait une pour le voleur, l’usurier, le cupide, comme il y en a une pour le milan, le loup, le renard; du moins il serait facile de connaître son monde, on aimerait à bon escient, et l’on pourrait fuir les mauvais, les chasser et les dérouter, comme on fuit et chasse la panthère et l’ours, comme on aime le chien, le cerf, la brebis.

Marchand et voleur est synonyme

      Un pauvre qui dérobe par nécessité le moindre objet est envoyé au bagne; mais les marchands, avec privilége, ouvrent des boutiques sur le bord des chemins pour détrousser les passans qui s’y fourvoient. Ces voleurs-là, n’ont ni fausses clefs, ni pinces, mais ils ont des balances, des registres, des merceries, et nul ne peut en sortir sans se dire je viens d’être dépouillé. Ces voleurs à petit peu s’enrichissent à la longue et deviennent propriétaires, comme ils s’intitulent, – propriétaires insolens!

      Au moindre mouvement politique, ils s’assemblent, et s’arment, hurlant qu’on veut le pillage, et s’en vont massacrer tout cœur généreux qui s’insurge contre la tyrannie.

      Stupides brocanteurs! c’est bien à vous de parler de propriété, et de frapper comme pillards des braves appauvris à vos comptoirs!.. défendez donc vos propriétés! mauvais rustres! qui, désertant les campagnes, êtes venus vous abattre sur la ville, comme des hordes de corbeaux et de loups affamés, pour en sucer la charogne; défendez donc vos propriétés!.. Sales maquignons, en auriez-vous sans vos barbares pilleries? en auriez-vous?.. si vous ne vendiez du laiton pour de l’or, de la teinture pour du vin? empoisonneurs!

      Je ne crois pas qu’on puisse devenir riche à moins d’être féroce, un homme sensible n’amassera jamais.

      Pour s’enrichir, il faut avoir une seule idée, une pensée fixe, dure, immuable, le désir de faire un gros tas d’or; et pour arriver à grossir ce tas d’or, il faut être usurier, escroc, inexorable, extorqueur et meurtrier! maltraiter surtout les faibles et les petits! Et, quand cette montagne d’or est faite, on peut monter dessus, et du haut du sommet, le sourire à la bouche, contempler la vallée de misérables qu’on a faits.

      Le haut commerce détrousse le négociant, le négociant détrousse le marchand, le marchand détrousse le chambrelan, le chambrelan détrousse l’ouvrier, et l’ouvrier meurt de faim.

      Ce ne sont pas les travailleurs de leurs mains qui parviennent, ce sont les exploiteurs d’hommes.

      Sur le livret étaient griffonnés ces vers, que je présume être de lui, ne me rappelant pas les avoir lus nulle autre part.

A CERTAIN DÉBITANT DE MORALE

      Il est beau tout en haut de la chaire où l’on trône,

      Se prélassant d’un ris moqueur,

      Pour festonner sa phrase et guillocher son prône

      De ne point mentir à son cœur!

      Il est beau, quand on vient dire neuves paroles,

      Morigéner mœurs et bon goût,

      De ne point s’en aller puiser ses paraboles

      Dans le corps-de-garde ou l’égout!

      Avant tout, il est beau, quand un barde se couvre

      Du manteau de l’apostolat,

      De ne point tirailler par un balcon du Louvre,

      Sur une populace à plat!

      Frères, mais quel est donc ce rude anachorète?

      Quel est donc ce moine bourru?

      Cet âpre chipotier, ce gros Jean à barète,

      Qui vient nous remontrer si dru?

      Quel est donc ce bourreau? de sa gueule canine,

      Lacérant tout, niant le beau,

      Salissant l’art, qui dit que notre âge décline

      Et n’est que pâture à corbeau.

      Frères, mais quel est-il?.. Il chante les mains sales,

      Pousse le peuple et crie haro!

      Au seuil des lupanars débite ses morales,

      Comme

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