Les Merveilles de la Locomotion. Ernest Deharme

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Les Merveilles de la Locomotion - Ernest Deharme

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      Les Merveilles de la Locomotion

      CHAPITRE PREMIER

Le mouvement et l'attraction universels. – Mouvements des minéraux, des végétaux et des animaux. – Carrière offerte au mouvement de l'homme. – L'air indispensable à tous ses mouvements

      Tout est mouvement dans la nature. Que nos yeux se dirigent sur la terre ou s'élèvent vers le ciel, ils ne voient que mouvement et progrès. Ici, des transformations géologiques, des îles qui s'abîment et des volcans qui jaillissent, une mer immense montant soir et matin; des graines qui germent et des forêts qui s'élèvent; et, pour régner sur ce monde, des animaux qui s'y agitent sans cesse; le tout emporté dans l'espace d'un mouvement régulier, dont nous ne pouvons prévoir la fin. Là haut, ce sont des mondes dont les révolutions s'exécutent avec la même régularité et dont les mouvements sont liés à celui de notre planète comme celui-ci l'est aux leurs, tous ces mouvements enchaînés par cette loi fatale que la chute d'une pomme a révélé au génie de Newton et qui s'appelle l'attraction universelle.

      Quels sont les caractères qui différencient ces mouvements et nous font apparaître la vie sous ces divers aspects?

      Nous voyons les corps du règne minéral (ils sont 70 à peine) s'unir les uns aux autres, en obéissant à leurs affinités réciproques, – ces affections de la matière, – et constituer l'infinie variété de corps que la chimie et la minéralogie apprennent à connaître. Nous les voyons changer de forme et se mouvoir, passer d'un état d'équilibre à un autre, jaillir en gerbe au-dessus du sol, bondir en cascades ou s'écouler paisiblement vers l'Océan, en se soumettant aux lois physiques sur lesquelles repose l'harmonie de l'univers. Tous ces mouvements, les uns passagers, les autres permanents, ont lieu avec une passivité absolue de la part des corps qui les exécutent.

      Mais ce caractère se modifie dans le règne végétal, et les mouvements de certaines plantes deviennent instinctifs. C'est ainsi que les feuilles se dirigent du côté d'où leur viennent l'air et le soleil, que les racines se cramponnent au morceau d'engrais qui leur apporte une nourriture plus riche; qu'au moment de la floraison, les étamines embrassent le pistil et que certaines plantes quittent le fond des eaux pour venir éclore leur fleur à la surface.

      L'intelligence enfin, s'élevant au-dessus de l'instinct aveugle, se révèle chez les animaux, et c'est, non-seulement dans leurs rapports avec l'homme, mais encore dans leur vie privée qu'on en voit des preuves irrécusables. Leurs mouvements ne sont plus automatiques, ni instinctifs, ils sont raisonnés, conscients.

      Au-dessus de ces êtres des trois règnes, dont les déplacements ne sont que des infiniment petits auprès des mouvements accomplis dans l'espace par les mondes qui les portent, s'élève l'homme, soumis comme eux aux forces naturelles et à l'instinct qui les guide, mais possédant à un degré supérieur l'intelligence qui règle chacun de ses pas.

      Mais cette intelligence, en étendant son empire, rend ses membres impuissants à lui en faire parcourir les différentes parties. Ses seuls efforts ne peuvent le conduire bien loin. Il use de sa supériorité sur tous les êtres de la création pour les soumettre à ses volontés, et, si les animaux eux-mêmes ne le servent pas assez selon ses désirs, il asservit les forces naturelles, les dompte comme il a fait de ces animaux, s'en fait souvent un levier sur lequel il s'appuie pour courir sur la terre ou pénétrer dans son sein, pour franchir l'Océan ou s'enfoncer dans ses eaux, ou bien enfin pour s'élever dans l'air.

      Être supérieur vis-à-vis de tous les autres êtres de la création, c'est, il est vrai, un pygmée vis-à-vis du Créateur lui-même, mais un pygmée grandissant sans cesse et pour qui le progrès est une loi aussi fatale que le mouvement est un besoin inné.

      Nous nous proposons de faire connaître dans ce livre les moyens les plus remarquables employés par l'homme pour se mouvoir sur la terre ou dans la terre.

      Tandis que la plupart des animaux ne peuvent vivre que dans un milieu spécial et peu étendu, l'homme est moins qu'aucun d'eux l'esclave de ses habitudes. S'il aime ses dieux lares et le ciel de sa patrie, il peut cependant changer de gîte et de climat pour son intérêt, pour ses plaisirs même.

      Les insectes ont chacun leur loge secrète, ceux-ci dans la terre, ceux-là dans le tissu des végétaux ou des animaux; les poissons ne peuvent vivre que dans l'eau: froide pour ceux-ci, tempérée pour ceux-là, douce pour les uns, salée pour les autres, calme au sein des lacs, agitée au cours des torrents, coulant en mince filet dans les petits ruisseaux, dormant en grande masse dans les bas-fonds de l'Océan. Le lion et la panthère se plaisent au désert, l'ours blanc au milieu des glaces des mers polaires, le serpent et la chauve-souris dans l'atmosphère lourde et viciée des cavernes, le condor dans l'air raréfié des plus hauts pics de la Cordillère des Andes; c'est enfin pour vivre toujours dans une atmosphère tempérée que l'hirondelle regagne à l'approche de l'hiver les pays du soleil et revient, avec les feuilles, faire son nid sous le toit qui l'a abritée pendant ses premières années.

      Les grandes agglomérations humaines se sont fixées dans les pays tempérés, mais les régions équatoriales et polaires sont aussi habitées, et si l'Abyssin et le Lapon ne quittent pas leur pays, ils sont visités souvent par les Européens. L'homme se lance sans crainte sur l'Océan, et s'il ne peut, comme les sirènes, vivre aussi facilement dans l'eau que dans l'air, il sait plonger au sein de la masse liquide pour y cueillir le corail et les huîtres perlières aussi aisément qu'il s'enfonce dans la terre à la recherche du charbon et des métaux précieux. Grâce aux procédés ingénieux qu'il emploie pour varier ses vêtements et sa demeure, il vit dans l'air humide des mines comme dans l'air comprimé du scaphandre ou dans l'air raréfié des hautes régions de l'atmosphère où le portent les aérostats.

      Avec de l'air en provision, il peut tout braver: les miasmes délétères des exploitations souterraines, l'inconnu des vallées sous-océaniques, le feu même.

      I. – LA LOCOMOTION SUR LA TERRE

      A. – Insuffisance de l'appareil locomoteur de l'homme. – Les animaux moteurs. – Origine de la voiture. – Le traîneau

      Pour des courses longues et souvent aventureuses, les jambes de l'homme sont trop fragiles et trop courtes, et celles des animaux doivent lui venir en aide. Le chameau sert de monture et de bête de somme, le bœuf est bête de trait, et le cheval sert à la fois aux deux usages.

      À côté de ces animaux viennent s'en placer quelques autres, utilisés seulement en certains pays, ou consacrés à des usages spéciaux: l'âne et le mulet sont les auxiliaires du cheval, mais moins forts, ils rendent de moindres services; l'hémione remplace ce dernier dans l'Inde; le yack et le bison, parents du bœuf, peuvent le suppléer dans certains cas; l'éléphant sert de monture dans l'Inde, le chameau dans le désert et l'autruche dans quelques parties de l'Afrique; le renne et le chien sont enfin les bêtes de trait des pays glacés.

      Tels sont, en résumé, les animaux dont l'homme a emprunté le secours. Mais les plus puissants d'entre eux ne portant encore que des charges bien faibles, il a fallu pour transporter de lourds fardeaux recourir à la voiture.

      C'est à Cyrus que l'invention en est généralement attribuée; mais il est très-permis de croire que l'emploi des roues a été habituel de temps immémorial en plusieurs points de la terre, et l'on peut rechercher quels ont été les faits ou les idées qui ont dû conduire à cette simple découverte. Il est vraisemblable que, ne pouvant charger telle bête de somme de tout le fardeau qu'il avait à lui imposer, l'homme aura imaginé de les lui faire tirer. De là le traîneau, qui, selon toute probabilité, a été le point de départ de la voiture. Quelques pierres auront été placées sous le véhicule improvisé, peut-être même des pièces de bois de forme arrondie, des rouleaux enfin, différant peu de ceux qui servent dans nos chantiers de construction actuels pour le transport des lourds matériaux, pierre, bois ou fer; et des rouleaux à la roue, la transition est simple. La roue n'est qu'une tranche

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