La dame de Monsoreau — Tome 2. Dumas Alexandre

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La dame de Monsoreau — Tome 2 - Dumas Alexandre

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dans son impassibilité.

      Le jour naissait à peine, qu'il était sur pied, secouant son compagnon; le moine s'habilla, et, dès le départ, on prit un trot qui se changea bientôt en galop frénétique.

      Mais on eut beau courir, pas de mules à l'horizon.

      Vers midi, âne et cheval étaient sur les dents.

      Chicot alla droit à un bureau de péage établi sur le pont de Villeneuve-le-Roi pour les bêtes à pied fourchu.

      — Avez-vous vu, demanda-t-il, trois voyageurs montés sur des mules, qui ont dû passer ce matin?

      — Ce matin, mon gentilhomme? répondit le péager; non; hier, à la bonne heure.

      — Hier?

      — Oui, hier soir, à sept heures.

      — Les avez-vous remarqués?

      — Dame! comme on remarque des voyageurs.

      — Je vous demande si vous vous souvenez de la condition de ces hommes.

      — Il m'a paru qu'il y avait un maître et deux laquais.

      — C'est bien cela, dit Chicot.

      Et il donna un écu au péager.

      Puis, se parlant à lui-même:

      — Hier soir, à sept heures, murmura-t-il; ventre de biche! ils ont douze heures d'avance sur moi. Allons, du courage!

      — Écoutez, monsieur Chicot, dit le moine, du courage, j'en ai encore pour moi; mais je n'en ai plus pour Panurge.

      En effet, le pauvre animal, surmené depuis deux jours, tremblait sur ses quatre jambes et communiquait à Gorenflot l'agitation de son pauvre corps.

      — Et votre cheval lui-même, continua Gorenflot, voyez dans quel état il est.

      En effet, le noble animal, si ardent qu'il fût et à cause même de son ardeur, était ruisselant d'écume, et une chaude fumée sortait par ses naseaux, tandis que le sang paraissait prêt à jaillir de ses yeux.

      Chicot examina rapidement les deux bêtes, et parut se ranger à l'avis de son compagnon.

      Gorenflot respirait, quant tout à coup:

      — Là! frère quêteur, dit Chicot: il s'agit ici de prendre une grande résolution.

      — Mais nous ne prenons que cela depuis quelques jours! s'écria Gorenflot, dont le visage se décomposa d'avance sans même qu'il sût ce qui allait lui être proposé.

      — Il s'agit de nous quitter, dit Chicot, prenant du premier coup, comme on dit, le taureau par les cornes.

      — Bah! fit Gorenflot; toujours la même plaisanterie! Nous quitter, et pourquoi?

      — Vous allez trop doucement, compère.

      — Vertudieu! dit Gorenflot; mais je vais comme le vent; mais nous avons galopé ce matin cinq heures de suite!

      — Ce n'est point encore assez.

      — Alors repartons; plus nous irons vite, plus nous arriverons tôt; car enfin je présume que nous arriverons.

      — Mon cheval ne veut pas aller, et votre âne refuse le service.

      — Alors comment faire?

      — Nous allons les laisser ici, et nous les reprendrons en passant.

      — Mais nous? Comptez-vous donc continuer la route à pied?

      — Nous monterons sur des mules.

      — Et en avoir?

      — Nous en achèterons.

      — Allons, dit Gorenflot en soupirant, encore ce sacrifice,

      — Ainsi?

      — Ainsi, va pour la mule.

      — Bravo! compère, vous commencez à vous former; recommandez Bayard et Panurge aux soins de l'aubergiste; moi, je vais faire nos acquisitions.

      Gorenflot s'acquitta en conscience du soin dont il était chargé; pendant les quatre jours de relations qu'il avait eues avec Panurge, il avait apprécié, nous ne dirons pas ses qualités, mais ses défauts, et il avait remarqué que ces trois défauts éminents étaient ceux auxquels lui-même était enclin, la paresse, la luxure et la gourmandise. Cette remarque l'avait touché, et ce n'était qu'avec regret que Gorenflot se séparait de son âne; mais Gorenflot était non-seulement paresseux, luxurieux et gourmant, il était de plus égoïste, et il préférait encore se séparer de Panurge que se séparer de Chicot, attendu, nous l'avons dit, que Chicot portait la bourse.

      Chicot revint avec deux mules, sur lesquelles on fit vingt lieues ce jour-là: de sorte que le soir, à la porte d'un maréchal, Chicot eut la joie d'apercevoir les trois mules.

      — Ah! fit-il, respirant pour la première fois.

      — Ah! soupira à son tour le moine.

      Mais l'oeil exercé du Gascon ne reconnut ni les harnais des mules, ni leur maître, ni ses valets; les mules en étaient réduites à leur ornement naturel, c'est-à-dire qu'elles étaient complètement dépouillées; quant au maître et aux laquais, ils étaient disparus.

      Bien plus, autour de ces animaux étaient des gens inconnus qui les examinaient et semblaient en faire l'expertise: c'était un maquignon d'abord, et puis le maréchal avec deux franciscains; ils faisaient tourner et retourner les mules, puis ils regardaient les dents, les pieds et les oreilles; en un mot, ils les essayaient.

      Un frisson parcourut tout le corps de Chicot.

      — Va devant, dit-il à Gorenflot, approche-toi des franciscains; tire-les à part, interroge-les; de moines à moines, vous n'aurez pas de secrets, j'espère; informe-toi adroitement de qui viennent ces mules, le prix qu'on veut les vendre et ce que sont devenus leurs propriétaires; puis reviens me dire tout cela.

      Gorenflot, inquiet de l'inquiétude de son ami, partit au grand trot de sa mule, et revint l'instant d'après.

      Voilà l'histoire, dit-il. D'abord, savez-vous où nous sommes?

      — Eh! morbleu! nous sommes sur la route de Lyon, dit Chicot, c'est la seule chose qu'il m'importe de savoir.

      — Si fait, il vous importe encore de savoir, à ce que vous m'avez dit du moins, ce que sont devenus les propriétaires de ces mules.

      — Oui, va.

      — Celui qui semble un gentilhomme...

      — Bon.

      — Celui qui semble un gentilhomme a pris ici la route d'Avignon, une route qui raccourcit

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