La dame de Monsoreau — Tome 2. Dumas Alexandre

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La dame de Monsoreau — Tome 2 - Dumas Alexandre

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      Chicot remonta sur son cheval, Gorenflot conduisit son âne par la longe.

      L'auberge tant désirée apparut bientôt à la vue des voyageurs; elle s'élevait entre Corbeil et Melun; mais, à la grande surprise de Gorenflot, qui en admirait de loin l'aspect affriolant, Chicot ordonna au moine de remonter sur son âne, et commença d'exécuter un détour par la gauche pour passer derrière la maison; au reste, par un seul coup d'oeil, Gorenflot, dont la compréhension faisait de rapides progrès, se rendit compte de cette bizarrerie; les trois mules des voyageurs, dont Chicot paraissait suivre les traces, étaient arrêtées devant la porte.

      — C'est donc au gré de ces voyageurs maudits, pensa Gorenflot, que vont se disposer les événements de notre voyage et se régler les heures de nos repas? C'est triste.

      Et il poussa un profond soupir.

      Panurge, qui, de son côté, vit qu'on l'écartait de la ligne droite, que tout le monde, même les ânes, sait être la plus courte, s'arrêta court, et se roidit sur les quatre pieds, comme s'il était décidé à prendre racine à l'endroit même où il se trouvait.

      — Voyez, dit Gorenflot d'un ton lamentable, mon âne lui-même ne veut plus avancer.

      — Ah! il ne veut plus avancer, dit Chicot, attends! attends!

      Et il s'approcha d'une haie de cornouillers, où il tailla une baguette longue de cinq pieds, grosse comme le pouce, solide et flexible à la fois.

      Panurge n'était pas un de ces quadrupèdes stupides qui ne se préoccupent point de ce qui se passe autour d'eux et qui ne pressentent les événements que lorsque ces événements leur tombent sur le dos. Il avait suivi la manoeuvre de Chicot, pour lequel il commençait sans doute à ressentir la considération qu'il méritait, et dès qu'il avait cru remarquer ses intentions, il avait déroidi ses jambes et était parti au pas relevé.

      — Il va, il va! cria le moine à Chicot.

      — N'importe, dit celui-ci, pour qui voyage en compagnie d'un âne et d'un moine, un bâton n'est jamais inutile.

      Et le Gascon acheva de cueillir le sien.

      CHAPITRE IV

      COMMENT FRÈRE GORENFLOT TROQUA SON ÂNE CONTRE UNE MULE, ET SA MULE CONTRE UN CHEVAL

      Cependant les tribulations de Gorenflot touchaient à leur terme, pour cette journée du moins; après le détour fait, on reprit le grand chemin, et l'on s'arrêta à trois quarts de lieue plus loin, dans une auberge rivale. Chicot prit une chambre qui donnait sur la route et commanda le souper, qui lui fut servi dans la chambre; mais on voyait que la nutrition n'était que la préoccupation secondaire de Chicot. Il ne mangeait que de la moitié de ses dents, tandis qu'il regardait de tous ses yeux et écoutait de toutes ses oreilles. Cette préoccupation dura jusqu'à dix heures; cependant, comme à dix heures Chicot n'avait rien vu ni rien entendu, il leva le siége, ordonnant que son cheval et l'âne du moine, renforcés d'une double ration d'avoine et de son, fussent prêts au point du jour.

      A cet ordre, Gorenflot, qui depuis une heure paraissait endormi et qui n'était qu'assoupi dans cette douce extase qui suit un bon repas arrosé d'une quantité suffisante de vin généreux, poussa un soupir.

      — Au point du jour? dit-il.

      — Eh! ventre de biche! reprit Chicot, tu dois avoir l'habitude de te lever à cette heure-là!

      — Pourquoi donc? demanda Gorenflot.

      — Et les matines?

      — J'avais une exemption du supérieur, répondit le moine.

      Chicot haussa les épaules, et le mot fainéants avec un s, lettre qui indiquait la pluralité, vint mourir sur ses lèvres.

      — Mais oui, fainéants, dit Gorenflot; mais oui, pourquoi pas donc?

      — L'homme est né pour le travail, dit sentencieusement le Gascon.

      — Et le moine pour le repos, dit le frère; le moine est l'exception de l'homme.

      Et, satisfait de cet argument, qui avait paru toucher Chicot lui-même, Gorenflot fit une sortie pleine de dignité et gagna son lit, que Chicot, de peur de quelque imprudence sans doute, avait fait dresser dans la même chambre que le sien.

      Le lendemain, en effet, à la pointe du jour, si frère Gorenflot n'eût point dormi du plus profond sommeil il eût pu voir Chicot se lever, s'approcher de la fenêtre et se mettre en observation derrière le rideau.

      Bientôt, quoique protégé par la tenture, Chicot fit un pas rapide en arrière, et, si Gorenflot, au lieu de continuer de dormir, eût été éveillé, il eût entendu claqueter sur le pavé les fers des trois mules.

      Chicot alla aussitôt à Gorenflot, qu'il secoua par le bras jusqu'à ce que celui-ci ouvrit les yeux.

      — Mais n'aurai-je donc plus un instant de tranquillité? balbutia Gorenflot, qui venait de dormir dix heures de suite.

      — Alerte! alerte! dit Chicot, habillons-nous et parlons.

      — Mais le déjeuner? fit le moine.

      — Il est sur la route de Montereau.

      — Qu'est-ce que c'est que cela, Montereau? demanda le moine, fort ignare en géographie.

      — Montereau, dit le Gascon, est la ville où l'on déjeune; cela vous suffit-il?

      — Oui, répondit laconiquement Gorenflot.

      — Alors, compère, fit le Gascon, je descends pour payer notre dépense et celle de nos bêtes; dans cinq minutes, si vous n'êtes pas prêt, je pars sans vous.

      Une toilette de moine n'est pas longue à faire; cependant Gorenflot mit six minutes. Aussi, en arrivant à la porte, vit-il Chicot qui, exact comme un Suisse, avait déjà pris les devants.

      Le moine enfourcha Panurge, qui, excité par la double ration de foin et d'avoine que venait de lui faire administrer Chicot, prit le galop de lui-même, et eut bientôt conduit son cavalier côte à côte du Gascon.

      Le Gascon était droit sur les étriers, et de la tête aux pieds ne faisait pas un pli.

      Gorenflot se dressa sur les siens, et vit à l'horizon les trois mules et les trois cavaliers qui descendaient derrière un monticule.

      Le moine poussa un soupir en songeant combien il était triste qu'une influence étrangère agît ainsi sur sa destinée.

      Cette fois Chicot lui tint parole, et l'on déjeuna à Montereau.

      La journée eut de grandes ressemblances avec celle de la veille; et celle du lendemain présenta à peu près la même série d'événements. Nous passerons donc rapidement sur les détails; et Gorenflot commençait à se faire tant bien que mal à cette existence accidentée, quand, vers le soir, il vit Chicot perdre graduellement toute sa gaieté; depuis midi, il n'avait pas aperçu l'ombre des trois voyageurs qu'il suivait; aussi soupa-t-il de mauvaise humeur

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