La dame de Monsoreau — Tome 3. Dumas Alexandre
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— Jamais quand elle le veut.
— Madame, vous voulez dire quand ils le veulent, reprit le duc qui, satisfait de cette fière parole, chercha Bussy pour en être récompensé par un coup d'oeil approbateur.
— Mais je le veux! s'écria Catherine; entendez-vous bien, François? je le veux.
Et l'expression de la voix contrastait avec les paroles, car les paroles étaient impératives et la voix était presque suppliante.
— Vous le voulez? reprit le duc d'Anjou en souriant.
— Oui, dit Catherine, je le veux, et tous les sacrifices me seront aisés pour arriver à ce but.
— Ah! ah! fit François. Diable!
— Oui, oui, cher enfant; dites, qu'exigez-vous, que voulez-vous? parlez! commandez!
— Oh! ma mère! dit François presque embarrassé d'une si complète victoire, qui ne lui laissait pas la faculté d'être un vainqueur rigoureux.
— Écoutez, mon fils, dit Catherine de sa voix la plus caressante; vous ne cherchez pas à noyer un royaume dans le sang, n'est-ce pas? Ce n'est pas possible. Vous n'êtes ni un mauvais Français ni un mauvais frère.
— Mon frère m'a insulté, madame, et je ne lui dois plus rien; non, rien comme à mon frère, rien comme à mon roi.
— Mais moi, François, moi! vous n'avez pas à vous en plaindre, de moi?
— Si fait, madame, car vous m'avez abandonné, vous! reprit le duc en pensant que Bussy était toujours là et pouvait l'entendre comme par le passé.
— Ah! vous voulez ma mort? dit Catherine d'une voix sombre. Eh bien! soit, je mourrai comme doit mourir une femme qui voit s'entre-égorger ses enfants.
Il va sans dire que Catherine n'avait pas le moins du monde envie de mourir.
— Oh! ne dites point cela, madame, vous me navrez le coeur! s'écria François qui n'avait pas le coeur navré du tout.
Catherine fondit en larmes.
Le duc lui prit les mains et essaya de la rassurer, jetant toujours des regards inquiets du côté de l'alcôve.
— Mais que voulez-vous? dit-elle, articulez vos prétentions au moins, que nous sachions à quoi nous en tenir.
— Que voulez-vous vous-même? voyons, ma mère, dit François; parlez, je vous écoute.
— Je désire que vous reveniez à Paris, cher enfant, je désire que vous rentriez à la cour du roi votre frère, qui vous tend les bras.
— Et, mordieu! madame, j'y vois clair; ce n'est pas lui qui me tend les bras, c'est le pont-levis de la Bastille.
— Non, revenez, revenez, et, sur mon honneur, sur mon amour de mère, sur le sang de notre Seigneur Jésus-Christ (Catherine se signa), vous serez reçu par le roi, comme si c'était vous qui fussiez le roi, et lui le duc d'Anjou.
Le duc regardait obstinément du côté de l'alcôve.
— Acceptez, continua Catherine, acceptez, mon fils; voulez-vous d'autres apanages, dites, voulez-vous des gardes?
— Eh! madame, votre fils m'en a donné, et des gardes d'honneur même, puisqu'il avait choisi ses quatre mignons.
— Voyons, ne me répondez pas ainsi: les gardes qu'il vous donnera, vous les choisirez vous-même; vous aurez un capitaine, s'il le faut, et, s'il le faut encore, ce capitaine sera M. de Bussy.
Le duc, ébranlé par cette dernière offre, à laquelle il devait penser que Bussy serait sensible, jeta un regard vers l'alcôve, tremblant de rencontrer un oeil flamboyant et des dents blanches, grinçant dans l'ombre. Mais, ô surprise! il vit, au contraire, Bussy riant, joyeux, et applaudissant par de nombreuses approbations de tête.
— Qu'est-ce que cela signifie? se demandât-il; Bussy ne voulait-il donc la guerre que pour devenir capitaine de mes gardes? — Alors, dit-il tout haut, et s'interrogeant lui-même, je dois donc accepter?
— Oui! oui! oui! fit Bussy, des mains, des épaules et de la tête.
— Il faudrait donc, continua le duc, quitter l'Anjou pour revenir à Paris?
— Oui! oui! oui! continua Bussy avec une fureur approbative, qui allait toujours en croissant.
— Sans doute, cher enfant, dit Catherine; mais est-ce donc si difficile de revenir à Paris?
— Ma foi, se dit le duc, je n'y comprends plus rien. Nous étions convenus que je refuserais tout, et voici que maintenant il me conseille la paix et les embrassades.
— Eh bien! demanda Catherine avec anxiété, que répondez-vous?
— Ma mère, je réfléchirai, dit le duc, qui voulait s'entendre avec Bussy de cette contradiction, et demain...
— Il se rend, pensa Catherine. Allons, j'ai gagné la bataille.
— Au fait, se dit le duc, Bussy a peut-être raison.
Et tous deux se séparèrent après s'être embrassés.
CHAPITRE IX
COMMENT M. DE MONSOREAU OUVRIT, FERMA ET ROUVRIT LES YEUX, CE QUI ÉTAIT UNE PREUVE QU'IL N'ÉTAIT PAS TOUT A FAIT MORT
Un bon ami est une douce chose, d'autant plus douce qu'elle est rare. Remy s'avouait cela à lui-même, tout en courant sur un des meilleurs chevaux des écuries du prince. Il aurait bien pris Roland, mais il venait, sur ce point, après M. de Monsoreau; force lui avait donc été d'en prendre un autre.
— J'aime fort M. de Bussy, se disait le Haudoin à lui-même; et, de son côté, M. de Bussy m'aime grandement aussi, je le crois. Voilà pourquoi je suis si joyeux aujourd'hui, c'est qu'aujourd'hui j'ai du bonheur pour deux.
Puis il ajoutait, en respirant à pleine poitrine:
— En vérité, je crois que mon coeur n'est plus assez large.
Voyons, continuait-il en s'interrogeant, voyons quel compliment je vais faire à madame Diane.
Si elle est gourmée, cérémonieuse, funèbre, des salutations, des révérences muettes, et une main sur le coeur; si elle sourit, des pirouettes, des ronds de jambes, et une polonaise que j'exécuterai à moi tout seul.
Quant à M. de Saint-Luc, s'il est encore au château, ce dont je doute, un vivat et des actions de grâces en latin. Il ne sera pas funèbre, lui, j'en suis sûr...
Ah! j'approche.
En effet, le cheval, après avoir pris à gauche, puis à droite, après avoir suivi le sentier fleuri,