Le Chevalier de Maison-Rouge. Dumas Alexandre
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– Comment! à parler comme tout le monde! mais je parle mieux que tout le monde, ce me semble. Je parle comme le citoyen Demoustier, en prose et en vers. Quant à ma poésie, mon cher! je sais une Émilie qui ne la trouve pas mauvaise; mais revenons à la tienne.
– À ma poésie?
– Non, à ton Émilie.
– Est-ce que j'ai une Émilie?
– Allons! allons! ta gazelle se sera faite tigresse et t'aura montré les dents; de sorte que tu es vexé, mais amoureux.
– Moi, amoureux dit Maurice en secouant la tête.
– Oui, toi, amoureux.
N'en fais pas un plus long mystère;
Les coups qui partent de Cythère
Frappent au cœur plus sûrement
Que ceux de Jupiter tonnant.
– Lorin, dit Maurice en s'armant d'une clef forée qui était sur sa table de nuit, je te déclare que tu ne diras plus un seul vers que je ne siffle.
– Alors, parlons politique. D'ailleurs, j'étais venu pour cela; sais-tu la nouvelle?
– Je sais que la veuve Capet a voulu s'évader.
– Bah! ce n'est rien que cela.
– Qu'y a-t-il donc de plus?
– Le fameux chevalier de Maison-Rouge est à Paris.
– En vérité! s'écria Maurice en se levant sur son séant.
– Lui-même en personne.
– Mais quand est-il entré?
– Hier au soir.
– Comment cela?
– Déguisé en chasseur de la garde nationale. Une femme, qu'on croit être une aristocrate déguisée en femme du peuple, lui a porté des habits à la barrière; puis un instant après, ils sont rentrés bras dessus bras dessous. Ce n'est que quand ils ont été passés que la sentinelle a eu quelques soupçons. Il avait vu passer la femme avec un paquet, il la voyait repasser avec une espèce de militaire sous le bras; c'était louche; il a donné l'éveil, on a couru après eux. Ils ont disparu dans un hôtel de la rue Saint-Honoré dont la porte s'est ouverte comme par enchantement. L'hôtel avait une seconde sortie sur les Champs-Élysées; bonsoir! le chevalier de Maison-Rouge et sa complice se sont évanouis. On démolira l'hôtel et l'on guillotinera le propriétaire; mais cela n'empêchera pas le chevalier de recommencer la tentative qui a déjà échoué, il y a quatre mois pour la première fois, et hier pour la seconde.
– Et il n'est point arrêté? demanda Maurice.
– Ah! bien oui, arrête Protée, mon cher, arrête donc Protée; tu sais le mal qu'a eu Aristide à en venir à bout.
Pastor Aristœus fugiens
Pencia Tempe…
– Prends garde, dit Maurice en portant sa clef à sa bouche.
– Prends garde toi-même, morbleu! car cette fois ce n'est pas moi que tu siffleras, c'est Virgile.
– C'est juste, et tant que tu ne le traduiras point, je n'ai rien à dire. Mais revenons au chevalier de Maison-Rouge.
– Oui, convenons que c'est un fier homme.
– Le fait est que, pour entreprendre de pareilles choses, il faut un grand courage.
– Ou un grand amour.
– Crois-tu donc à cet amour du chevalier pour la reine?
– Je n'y crois pas; je le dis comme tout le monde. D'ailleurs, elle en a rendu amoureux bien d'autres; qu'y aurait-il d'étonnant à ce qu'elle l'eût séduit? Elle a bien séduit Barnave, à ce qu'on dit.
– N'importe, il faut que le chevalier ait des intelligences dans le Temple même.
– C'est possible:
L'amour brise les grilles
Et se rit des verrous.
– Lorin!
– Ah! c'est vrai.
– Alors, tu crois cela comme les autres?
– Pourquoi pas?
– Parce qu'à ton compte la reine aurait eu deux cents amoureux.
– Deux cents, trois cents, quatre cents. Elle est assez belle pour cela. Je ne dis pas qu'elle les ait aimés; mais enfin, ils l'ont aimée, elle. Tout le monde voit le soleil, et le soleil ne voit pas tout le monde.
– Alors, tu dis donc que le chevalier de Maison-Rouge…?
– Je dis qu'on le traque un peu en ce moment-ci, et que s'il échappe aux limiers de la République, ce sera un fin renard.
– Et que fait la Commune dans tout cela?
– La Commune va rendre un arrêté par lequel chaque maison, comme un registre ouvert, laissera voir, sur sa façade, le nom des habitants et des habitantes. C'est la réalisation de ce rêve des anciens: Que n'existe-t-il une fenêtre au cœur de l'homme, pour que tout le monde puisse voir ce qui s'y passe!
– Oh! excellente idée! s'écria Maurice.
– De mettre une fenêtre au cœur des hommes?
– Non, mais de mettre une liste à la porte des maisons. En effet, Maurice songeait que ce lui serait un moyen de retrouver son inconnue, ou tout au moins quelque trace d'elle qui pût le mettre sur sa voie.
– N'est-ce pas? dit Lorin. J'ai déjà parlé que cette mesure nous donnerait une fournée de cinq cents aristocrates. À propos, nous avons reçu ce matin au club une députation des enrôlés volontaires; ils sont venus, conduits par nos adversaires de cette nuit, que je n'ai abandonnés qu'ivres morts; ils sont venus, dis-je, avec des guirlandes de fleurs et des couronnes d'immortelles.
– En vérité! répliqua Maurice en riant; et combien étaient-ils?
– Ils étaient trente; ils s'étaient fait raser et avaient des bouquets à la boutonnière. «Citoyens du club des Thermopyles, a dit l'orateur, en vrais patriotes que nous sommes, nous désirons que l'union des Français ne soit pas troublée par un malentendu, et nous venons fraterniser de nouveau.»
– Alors…?
– Alors, nous avons fraternisé derechef, et en réitérant, comme dit Diafoirus; on a fait un autel à la patrie avec la table du secrétaire et deux carafes dans lesquelles on a mis des bouquets. Comme tu étais le héros de la fête, on t'a appelé trois fois pour te couronner; et comme tu n'as pas répondu, attendu que tu n'y étais pas, et qu'il faut toujours que l'on couronne quelque chose, on a couronné le buste de Washington. Voilà l'ordre et la marche selon lesquels a eu lieu la cérémonie.
Comme Lorin achevait ce récit véridique, et qui,