Le vicomte de Bragelonne, Tome IV.. Dumas Alexandre

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Le vicomte de Bragelonne, Tome IV. - Dumas Alexandre

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la main d'un prisonnier! dit-il en secouant la tête, à quoi bon?

      – Pourquoi m'avez-vous dit, demanda Aramis, que vous vous trouviez bien ici? pourquoi m'avez vous dit que vous n'aspiriez à rien? pourquoi enfin en me parlant ainsi, m'empêchez-vous d'être franc à mon tour?

      Le même éclair reparut pour la troisième fois aux yeux du jeune homme, mais, comme les deux autres fois, il expira sans rien amener.

      – Vous vous défiez de moi? dit Aramis.

      – À quel propos, monsieur?

      – Oh! par une raison bien simple: c'est que, si vous savez ce que vous devez savoir, vous devez vous défier de tout le monde.

      – Alors, ne vous étonnez pas que je me délie, puisque vous me soupçonnez de savoir ce que je ne sais pas.

      Aramis était frappé d'admiration pour cette énergique résistance.

      – Oh! vous me désespérez, monseigneur! s'écriât-il en frappant du poing sur le fauteuil.

      – Et moi, je ne vous comprends pas monsieur.

      – Eh bien! tâchez de me comprendre.

      Le prisonnier regarda fixement Aramis.

      – Il me semble parfois, continua celui-ci, que j'ai devant les yeux l'homme que je cherche… et puis…

      – Et puis… cet homme disparaît, n'est-ce pas? dit le prisonnier en souriant. Tant mieux!

      – Décidément, reprit-il, je n'ai rien à dire à un homme qui se défie de moi au point que vous le faites.

      – Et moi, ajouta le prisonnier du même ton, rien à dire à l'homme qui ne veut pas comprendre qu'un prisonnier doit se défier de tout.

      – Même de ses anciens amis? dit Aramis. Oh! c'est trop de prudence, monseigneur!

      – De mes anciens amis? vous êtes un de mes anciens amis, vous?

      – Voyons, dit Aramis, ne vous souvient-il donc plus d'avoir vu autrefois, dans le village où s'écoula votre première enfance?..

      – Savez-vous le nom de ce village? demanda le prisonnier.

      – Noisy-le-Sec, monseigneur, répondit fermement Aramis.

      – Continuez, dit le jeune homme sans que son visage avouât ou niât.

      – Tenez, monseigneur, dit Aramis, si vous voulez absolument continuer ce jeu, restons-en là. Je viens pour vous dire beaucoup de choses, c'est vrai; mais il faut me laisser voir que ces choses, vous avez, de votre côté, le désir de les connaître. Avant de parler, avant de déclarer les choses si importantes que je recèle en moi, convenez-en, j'eusse eu besoin d'un peu d'aide sinon de franchise, d'un peu de sympathie sinon de confiance. Eh bien! vous vous tenez renfermé dans une prétendue ignorance qui me paralyse… Oh! non pas pour ce que vous croyez; car, si fort ignorant que vous soyez, ou si fort indifférent que vous feigniez d'être, vous n'en êtes pas moins ce que vous êtes, monseigneur, et rien, rien! entendez-vous bien, ne fera que vous ne le soyez pas.

      – Je vous promets, répondit le prisonnier, de vous écouter sans impatience. Seulement, il me semble que j'ai le droit de vous répéter cette question que je vous ai déjà faite: Qui êtes-vous?

      – Vous souvient-il, il y a quinze ou dix-huit ans, d'avoir vu à Noisy-le-Sec un cavalier qui venait avec une dame, vêtue ordinairement de soie noire, avec des rubans couleur de feu dans les cheveux?

      – Oui, dit le jeune homme: une fois j'ai demandé le nom de ce cavalier, et l'on m'a dit qu'il s'appelait l'abbé d'Herblay. Je me suis étonné que cet abbé eût l'air si guerrier, et l'on m'a répondu qu'il n'y avait rien d'étonnant à cela, attendu que c'était un mousquetaire du roi Louis XIII.

      – Eh bien! dit Aramis, ce mousquetaire autrefois, cet abbé alors, évêque de Vannes depuis, votre confesseur aujourd'hui, c'est moi.

      – Je le sais. Je vous avais reconnu.

      – Eh bien! monseigneur, si vous savez cela, il faut que j'y ajoute une chose que vous ne savez pas: c'est que si la présence ici de ce mousquetaire, de cet abbé, de cet évêque, de ce confesseur était connue du roi, ce soir, demain, celui qui a tout risqué pour venir à vous verrait reluire la hache du bourreau au fond d'un cachot plus sombre et plus perdu que ne l'est le vôtre.

      En écoutant ces mots fermement accentués, le jeune homme s'était soulevé sur son lit, et avait plongé des regards de plus en plus avides dans les regards d'Aramis.

      Le résultat de cet examen fut que le prisonnier parut prendre quelque confiance.

      – Oui, murmura-t-il, oui, je me souviens parfaitement. La femme dont vous parlez vint une fois avec vous, et deux autres fois avec la femme…

      Il s'arrêta.

      – Avec la femme qui venait vous voir tous les mois, n'est-ce pas, monseigneur?

      – Oui.

      – Savez-vous quelle était cette dame?

      Un éclair parut près de jaillir de l'oeil du prisonnier.

      – Je sais que c'était une dame de la Cour, dit-il.

      – Vous vous la rappelez bien, cette dame?

      – Oh! mes souvenirs ne peuvent être bien confus sous ce rapport, dit le jeune prisonnier; j'ai vu une fois cette dame avec un homme de quarante-cinq ans, à peu près, j'ai vu une fois cette dame avec vous et avec la dame à la robe noire et aux rubans couleur de feu; je l'ai revue deux fois depuis avec la même personne. Ces quatre personnes avec mon gouverneur et la vieille Perronnette, mon geôlier et le gouverneur, sont les seules personnes à qui j'aie jamais parlé, et, en vérité, presque les seules personnes que j'aie jamais vues.

      – Mais vous étiez donc en prison?

      – Si je suis en prison ici, relativement j'étais libre là-bas, quoique ma liberté fût bien restreinte; une maison d'où je ne sortais pas, un grand jardin entouré de murs que je ne pouvais franchir: c'était ma demeure; vous la connaissez, puisque vous y êtes venu. Au reste, habitué à vivre dans les limites de ces murs et de cette maison, je n'ai jamais désiré en sortir. Donc, vous comprenez, monsieur, n'ayant rien vu de ce monde je ne puis rien désirer, et, si vous me racontez quelque chose, vous serez forcé de tout m'expliquer.

      – Ainsi ferai-je, monseigneur, dit Aramis en s'inclinant; car c'est mon devoir.

      – Eh bien! commencez donc par me dire ce qu'était mon gouverneur.

      – Un bon gentilhomme, monseigneur, un honnête gentilhomme surtout, un précepteur à la fois pour votre corps et pour votre âme. Avez-vous jamais eu à vous en plaindre?

      – Oh! non, monsieur, bien au contraire; mais ce gentilhomme m'a dit souvent que mon père et ma mère étaient morts; ce gentilhomme mentait-il ou disait-il la vérité?

      – Il était forcé de suivre les ordres qui lui étaient donnés.

      – Alors il mentait donc?

      – Sur

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