Le Capitaine Aréna — Tome 1. Dumas Alexandre

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Le Capitaine Aréna — Tome 1 - Dumas Alexandre

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qu'Horace soupa très-bien et, grâce au vin de Syracuse et au malvoisie de Lipari, se trouva au dessert dans une des situations d'esprit les plus riantes où puisse se trouver un prisonnier.

      Le repas fini, Horace rentra dans son boudoir. La seconde porte en était ouverte; elle donnait dans une charmante petite chambre à coucher, aux murailles toutes couvertes de fresques. Cette chambre communiquait elle-même avec un cabinet de toilette. Là finissait l'appartement, le cabinet de toilette n'ayant point de sortie visible. Le prisonnier avait donc à sa disposition quatre pièces: le cabinet susdit, la chambre à coucher, le boudoir, qui faisait salon, et la salle à manger. C'est autant qu'il en fallait pour un garçon.

      La pendule sonna minuit: c'était l'heure de se coucher. Aussi, après avoir fait une scrupuleuse visite de son appartement et s'être assuré que la porte de la salle à manger s'était refermée derrière lui, le prisonnier rentra-t-il dans sa chambre à coucher, se mit au lit, et, selon l'injonction qui lui en avait été faite, souffla scrupuleusement ses deux bougies.

      Quoique le prisonnier reconnût la supériorité du lit dans lequel il était étendu sur tous les autres lits qu'il avait rencontrés depuis qu'il était en Sicile, il n'en resta pas moins parfaitement éveillé, soit que la singularité de sa position chassât le sommeil, soit qu'il s'attendît à quelque surprise nouvelle. En effet, au bout d'une demi-heure ou trois quarts d'heure à peu près, il lui sembla entendre le cri d'un panneau de boiserie qui glisse, puis un léger froissement comme serait celui d'une robe de soie, enfin de petits pas firent crier le parquet et s'approchèrent de son lit; mais à quelque distance les petits pas s'arrêtèrent, et tout rentra dans le silence.

      Horace avait beaucoup entendu parler de revenants, de spectres et de fantômes, et avait toujours désiré en voir. C'était l'heure des évocations, il eut donc l'espoir que son désir était enfin exaucé. En conséquence il étendit le bras vers l'endroit où il avait entendu du bruit, et sa main; rencontra une main. Mais cette fois encore l'espérance de se trouver en contact avec un habitant de l'autre monde était déçue. Cette main petite, effilée et tremblante appartenait à un corps, et non à une ombre.

      Heureusement le prisonnier était un de ces optimistes à caractère heureux, qui ne demandent jamais à la Providence plus qu'elle n'est en disposition de leur accorder. Il en résulta que le visiteur nocturne, quel qu'il fût, n'eut pas lieu de se plaindre de La réception qui lui fut faite.

      — En se réveillant Horace chercha autour de lui, mais il ne vit plus personne. Toute trace de visite avait disparu. Il lui sembla seulement qu'il s'était entendu dire, comme dans un rêve: — A demain.

      Horace sauta en bas de son lit et courut à la fenêtre, qu'il ouvrit; elle donnait sur une cour fermée de hautes murailles par-dessus lesquelles il était impossible de voir: le prisonnier resta donc dans le doute s'il était à la ville ou à la campagne.

      A onze heures la salle à manger s'ouvrit, et Horace retrouva son domestique masqué et son déjeuner tout servi. Tout en déjeunant, il voulut interroger le domestique; mais, en quelque langue que les questions fussent faites, anglais, français ou italien, le fidèle serviteur répondit son éternel Non capisco.

      Les fenêtres de la salle à manger donnaient sur la même cour que celles de la chambre à coucher. Les murailles étaient partout de la même hauteur; il n'y avait donc rien de nouveau à apprendre de ce côté-là.

      Pendant le déjeuner la chambre à coucher s'était trouvée refaite comme par une fée.

      La journée se partagea entre la lecture et la musique. Horace joua sur le piano tout ce qu'il savait de mémoire, et déchiffra tout ce qu'il trouva de romances, sonates, partitions, etc. A cinq heures le dîner fût servi.

      Même bonne chère, même silence. Horace aurait préféré trouver un dîner un peu moins bon, mais avoir avec qui causer.

      Il se coucha à huit heures, espérant avancer l'apparition sur laquelle il comptait pour se dédommager de sa solitude de la journée. Comme la veille les bougies furent scrupuleusement éteintes, et comme la veille effectivement il entendit, au bout d'une demi-heure, le petit cri de la boiserie, le froissement de la robe, le bruit des pas sur le parquet; comme la veille il étendit le bras, et rencontra une main: seulement il lui sembla que ce n'était pas la même main que la veille; l'autre main était petite et effilée, celle-ci était potelée et grasse. Horace était homme à apprécier cette attention de ses hôtesses, qui avaient voulu que les nuits se suivissent et ne se ressemblassent point.

      Le lendemain il retrouva la petite main, le surlendemain la main potelée, et ainsi de suite pendant quatorze jours ou plutôt quatorze nuits.

      La quinzième, il rencontra les deux mains au lieu d'une. Vers les trois heures du matin, ces deux mains lui passèrent chacune une bague à un doigt; puis, après lui avoir fait donner de nouveau sa parole d'honneur de ne point chercher à lever le mouchoir qu'elles allaient lui mettre devant les yeux, ses deux hôtesses l'invitèrent à se préparer au départ.

      Horace donna sa parole d'honneur. Dix minutes après, il avait les yeux bandés; un quart d'heure après, il était en voiture entre ses deux geôlières; une heure après, la voiture s'arrêtait, et un double serrement de main lui adressait un dernier adieu.

      La portière s'ouvrit. A peine à terre, Horace arracha le bandeau qui lui couvrait les yeux; mais il ne vit rien autre chose que le même cocher, la même voiture et les deux tuppanelles: encore à peine eut-il le temps de les voir, car au moment où il enlevait le mouchoir la voiture repartait au galop. Il était déposé, au reste, au même endroit où il avait été pris.

      Horace profita des premiers rayons du jour qui commençaient à paraître pour s'orienter. Bientôt il se retrouva sur la place de la foire et reconnut la rue qui conduisait à son hôtel: en l'apercevant le garçon fit un grand cri de joie.

      On l'avait cru assassiné. Ses deux compagnons l'avaient attendu huit jours; mais voyant qu'il ne reparaissait pas et qu'on n'en entendait pas parler, ils avaient fini par perdre tout espoir: alors ils avaient fait leur déclaration au juge, avaient mis les effets de leur camarade sous la garde du maître de l'hôtel et avaient, pour le cas peu probable où Horace reparaîtrait, laissé une lettre dans laquelle ils lui indiquaient l'itinéraire qu'ils comptaient parcourir.

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