Le vicomte de Bragelonne, Tome III.. Dumas Alexandre
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Le vicomte de Bragelonne, Tome III. - Dumas Alexandre страница 25
sorti, vous n'avez pas manqué de me demander au retour: «As-tu vu
M. d'Herblay?» ou bien encore: «As-tu reçu pour moi des lettres de
M. d'Herblay?»
– Mais il me semble qu'il est bien naturel que je m'intéresse à ce cher ami? dit d'Artagnan.
– D'accord, mais pas au point d'en diminuer.
– Planchet, j'engraisserai, je t'en donne ma parole d'honneur.
– Bien! monsieur, je l'accepte; car je sais que, lorsque vous donnez votre parole d'honneur, c'est sacré…
– Je ne rêverai plus d'Aramis.
– Très bien!
– Je ne te demanderai plus s'il y a des lettres de M. d'Herblay.
– Parfaitement.
– Mais tu m'expliqueras une chose.
– Parlez, monsieur.
– Je suis observateur…
– Je le sais bien…
– Et tout à l'heure tu as dit un juron singulier…
– Oui.
– Dont tu n'as pas l'habitude.
– «Malaga!» vous voulez dire?
– Justement.
– C'est mon juron depuis que je suis épicier.
– C'est juste, c'est un nom de raisin sec.
– C'est mon juron de férocité; quand une fois j'ai dit «Malaga!» je ne suis plus un homme.
– Mais enfin je ne te connaissais pas ce juron-là.
– C'est juste, monsieur, on me l'a donné.
Et Planchet, en prononçant ces paroles, cligna de l'oeil avec un petit air de finesse qui appela toute l'attention de d'Artagnan.
– Eh! eh! fit-il.
Planchet répéta:
– Eh! eh!
– Tiens! tiens! monsieur Planchet.
– Dame! monsieur, dit Planchet, je ne suis pas comme vous, moi, je ne passe pas ma vie à songer.
– Tu as tort.
– Je veux dire à m'ennuyer, monsieur; nous n'avons qu'un faible temps à vivre, pourquoi ne pas en profiter?
– Tu es philosophe épicurien, à ce qu'il paraît, Planchet?
– Pourquoi pas? La main est bonne, on écrit et l'on pèse du sucre et des épices; le pied est sûr, on danse ou l'on se promène; l'estomac a des dents, on dévore et l'on digère; le coeur n'est pas trop racorni; eh bien! monsieur…
– Eh bien! quoi, Planchet?
– Ah! voilà!.. fit l'épicier en se frottant les mains.
D'Artagnan croisa une jambe sur l'autre.
– Planchet, mon ami, dit-il, vous m'abrutissez de surprise.
– Pourquoi?
– Parce que vous vous révélez à moi sous un jour absolument nouveau.
Planchet, flatté au dernier point, continua de se frotter les mains à s'enlever l'épiderme.
– Ah! ah! dit-il, parce que je ne suis qu'une bête, vous croyez que je serai un imbécile?
– Bien! Planchet, voilà un raisonnement.
– Suivez bien mon idée, monsieur. Je me suis dit, continua
Planchet, sans plaisir, il n'est pas de bonheur sur la terre.
– Oh! que c'est bien vrai, ce que tu dis là, Planchet! interrompit d'Artagnan.
– Or, prenons, sinon du plaisir, le plaisir n'est pas chose si commune, du moins, des consolations.
– Et tu te consoles?
– Justement.
– Explique-moi ta manière de te consoler.
– Je mets un bouclier pour aller combattre l'ennui. Je règle mon temps de patience, et, à la veille juste du jour où je sens que je vais m'ennuyer, je m'amuse.
– Ce n'est pas plus difficile que cela?
– Non.
– Et tu as trouvé cela tout seul?
– Tout seul.
– C'est miraculeux.
– Qu'en dites-vous?
– Je dis que ta philosophie n'a pas sa pareille au monde.
– Eh bien! alors, suivez mon exemple.
– C'est tentant.
– Faites comme moi.
– Je ne demanderais pas mieux; mais toutes les âmes n'ont pas la même trempe, et peut-être que, s'il fallait que je m'amusasse comme toi, je m'ennuierais horriblement…
– Bah! essayez d'abord.
– Que fais-tu? Voyons.
– Avez-vous remarqué que je m'absente?
– Oui.
– D'une certaine façon?
– Périodiquement.
– C'est cela, ma foi! Vous l'avez remarqué?
– Mon cher Planchet, tu comprends que, lorsqu'on se voit à peu près tous les jours, quand l'un s'absente, celui-là manque à l'autre? Est-ce que je ne te manque pas, à toi, quand je suis en campagne?
– Immensément! c'est-à-dire que je suis comme un corps sans âme.
– Ceci convenu, continuons.
– À quelle époque est-ce que je m'absente?
– Le 15 et le 30 de chaque mois.
– Et je reste dehors?
– Tantôt deux, tantôt trois, tantôt quatre jours.
– Qu'avez-vous cru que j'allais faire?
– Les recettes.
– Et,