Le vicomte de Bragelonne, Tome III.. Dumas Alexandre

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Le vicomte de Bragelonne, Tome III. - Dumas Alexandre

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pas; car, chaque fois que, depuis trois jours, vous êtes

      sorti, vous n'avez pas manqué de me demander au retour: «As-tu vu

      M. d'Herblay?» ou bien encore: «As-tu reçu pour moi des lettres de

      M. d'Herblay?»

      – Mais il me semble qu'il est bien naturel que je m'intéresse à ce cher ami? dit d'Artagnan.

      – D'accord, mais pas au point d'en diminuer.

      – Planchet, j'engraisserai, je t'en donne ma parole d'honneur.

      – Bien! monsieur, je l'accepte; car je sais que, lorsque vous donnez votre parole d'honneur, c'est sacré…

      – Je ne rêverai plus d'Aramis.

      – Très bien!

      – Je ne te demanderai plus s'il y a des lettres de M. d'Herblay.

      – Parfaitement.

      – Mais tu m'expliqueras une chose.

      – Parlez, monsieur.

      – Je suis observateur…

      – Je le sais bien…

      – Et tout à l'heure tu as dit un juron singulier…

      – Oui.

      – Dont tu n'as pas l'habitude.

      – «Malaga!» vous voulez dire?

      – Justement.

      – C'est mon juron depuis que je suis épicier.

      – C'est juste, c'est un nom de raisin sec.

      – C'est mon juron de férocité; quand une fois j'ai dit «Malaga!» je ne suis plus un homme.

      – Mais enfin je ne te connaissais pas ce juron-là.

      – C'est juste, monsieur, on me l'a donné.

      Et Planchet, en prononçant ces paroles, cligna de l'oeil avec un petit air de finesse qui appela toute l'attention de d'Artagnan.

      – Eh! eh! fit-il.

      Planchet répéta:

      – Eh! eh!

      – Tiens! tiens! monsieur Planchet.

      – Dame! monsieur, dit Planchet, je ne suis pas comme vous, moi, je ne passe pas ma vie à songer.

      – Tu as tort.

      – Je veux dire à m'ennuyer, monsieur; nous n'avons qu'un faible temps à vivre, pourquoi ne pas en profiter?

      – Tu es philosophe épicurien, à ce qu'il paraît, Planchet?

      – Pourquoi pas? La main est bonne, on écrit et l'on pèse du sucre et des épices; le pied est sûr, on danse ou l'on se promène; l'estomac a des dents, on dévore et l'on digère; le coeur n'est pas trop racorni; eh bien! monsieur…

      – Eh bien! quoi, Planchet?

      – Ah! voilà!.. fit l'épicier en se frottant les mains.

      D'Artagnan croisa une jambe sur l'autre.

      – Planchet, mon ami, dit-il, vous m'abrutissez de surprise.

      – Pourquoi?

      – Parce que vous vous révélez à moi sous un jour absolument nouveau.

      Planchet, flatté au dernier point, continua de se frotter les mains à s'enlever l'épiderme.

      – Ah! ah! dit-il, parce que je ne suis qu'une bête, vous croyez que je serai un imbécile?

      – Bien! Planchet, voilà un raisonnement.

      – Suivez bien mon idée, monsieur. Je me suis dit, continua

      Planchet, sans plaisir, il n'est pas de bonheur sur la terre.

      – Oh! que c'est bien vrai, ce que tu dis là, Planchet! interrompit d'Artagnan.

      – Or, prenons, sinon du plaisir, le plaisir n'est pas chose si commune, du moins, des consolations.

      – Et tu te consoles?

      – Justement.

      – Explique-moi ta manière de te consoler.

      – Je mets un bouclier pour aller combattre l'ennui. Je règle mon temps de patience, et, à la veille juste du jour où je sens que je vais m'ennuyer, je m'amuse.

      – Ce n'est pas plus difficile que cela?

      – Non.

      – Et tu as trouvé cela tout seul?

      – Tout seul.

      – C'est miraculeux.

      – Qu'en dites-vous?

      – Je dis que ta philosophie n'a pas sa pareille au monde.

      – Eh bien! alors, suivez mon exemple.

      – C'est tentant.

      – Faites comme moi.

      – Je ne demanderais pas mieux; mais toutes les âmes n'ont pas la même trempe, et peut-être que, s'il fallait que je m'amusasse comme toi, je m'ennuierais horriblement…

      – Bah! essayez d'abord.

      – Que fais-tu? Voyons.

      – Avez-vous remarqué que je m'absente?

      – Oui.

      – D'une certaine façon?

      – Périodiquement.

      – C'est cela, ma foi! Vous l'avez remarqué?

      – Mon cher Planchet, tu comprends que, lorsqu'on se voit à peu près tous les jours, quand l'un s'absente, celui-là manque à l'autre? Est-ce que je ne te manque pas, à toi, quand je suis en campagne?

      – Immensément! c'est-à-dire que je suis comme un corps sans âme.

      – Ceci convenu, continuons.

      – À quelle époque est-ce que je m'absente?

      – Le 15 et le 30 de chaque mois.

      – Et je reste dehors?

      – Tantôt deux, tantôt trois, tantôt quatre jours.

      – Qu'avez-vous cru que j'allais faire?

      – Les recettes.

      – Et,

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