Le vicomte de Bragelonne, Tome III.. Dumas Alexandre

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Le vicomte de Bragelonne, Tome III. - Dumas Alexandre

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sorte que vous étiez moulu?

      – La graisse m'a fondu, et cette fonte m'a rendu malade.

      – Ah! pauvre Porthos!.. Et Aramis, comment a-t-il été pour vous dans tout cela?

      – Très bien… Il m'a fait soigner par le propre médecin de M. Fouquet. Mais figurez-vous qu'au bout de huit jours je ne respirais plus.

      – Comment cela?

      – La chambre était trop petite: j'absorbais trop d'air.

      – Vraiment?

      – À ce que l'on m'a dit, du moins… Et l'on m'a transporté dans un autre logement.

      – Où vous respiriez, cette fois?

      – Plus librement, oui; mais pas d'exercice, rien à faire. Le médecin prétendait que je ne devais pas bouger; moi, au contraire, je me sentais plus fort que jamais. Cela donna naissance à un grave accident.

      – À quel accident?

      – Imaginez-vous, cher ami, que je me révoltai contre les ordonnances de cet imbécile de médecin et que je résolus de sortir, que cela lui convint ou ne lui convînt pas. En conséquence, j'ordonnai au valet qui me servait d'apporter mes habits.

      – Vous étiez donc tout nu, mon pauvre Porthos?

      – Non pas, j'avais une magnifique robe de chambre, au contraire. Le laquais obéit; je me revêtis de mes habits, qui étaient devenus trop larges; mais, chose étrange, mes pieds étaient devenus trop larges, eux.

      – Oui, j'entends bien.

      – Et mes bottes étaient devenues trop étroites.

      – Vos pieds étaient restés enflés.

      – Tiens! vous avez deviné.

      – Parbleu! Et c'est là l'accident dont vous me vouliez entretenir?

      – Ah bien! oui! Je ne fis pas la même réflexion que vous. Je me dis: «Puisque mes pieds ont entré dix fois dans mes bottes, il n'y a aucune raison pour qu'ils n'y entrent pas une onzième.»

      – Cette fois, mon cher Porthos, permettez-moi de vous le dire, vous manquiez de logique.

      – Bref, j'étais donc placé en face d'une cloison; j'essayais de mettre ma botte droite; je tirais avec les mains, je poussais avec le jarret, faisant des efforts inouïs, quand, tout à coup, les deux oreilles de mes bottes demeurèrent dans mes mains; mon pied partit comme une catapulte.

      – Catapulte! Comme vous êtes fort sur les fortifications, cher

      Porthos!

      – Mon pied partit donc comme une catapulte et rencontra la cloison, qu'il effondra. Mon ami, je crus que, comme Samson, j'avais démoli le temple. Ce qui tomba du coup de tableaux, de porcelaines, de vases de fleurs, de tapisseries, de bâtons de rideaux, c'est inouï.

      – Vraiment!

      – Sans compter que de l'autre côté de la cloison était une étagère chargée de porcelaines.

      – Que vous renversâtes?

      – Que je lançai à l'autre bout de l'autre chambre.

      Porthos se mit à rire.

      – En vérité, comme vous dites, c'est inouï!

      Et d'Artagnan se mit à rire comme Porthos.

      Porthos, aussitôt, se mit à rire plus fort que d'Artagnan.

      – Je cassai, dit Porthos d'une voix entrecoupée par cette hilarité croissante, pour plus de trois mille francs de porcelaines, oh! oh! oh!..

      – Bon! dit d'Artagnan.

      – J'écrasai pour plus de quatre mille francs de glaces, oh! oh! oh!..

      – Excellent!

      – Sans compter un lustre qui me tomba juste sur la tête et qui fut brisé en mille morceaux, oh! oh! oh!..

      – Sur la tête? dit d'Artagnan, qui se tenait les côtes.

      – En plein!

      – Mais vous eûtes la tête cassée?

      – Non, puisque je vous dis, au contraire, que c'est le lustre qui se brisa comme verre qu'il était.

      – Ah! le lustre était de verre?

      – De verre de Venise; une curiosité, mon cher, un morceau qui n'avait pas son pareil, une pièce qui pesait deux cents livres.

      – Et qui vous tomba sur la tête?

      – Sur… la… tête!.. Figurez-vous un globe de cristal tout doré, tout incrusté en bas, des parfums qui brûlaient en haut, des becs qui jetaient de la flamme lorsqu'ils étaient allumés.

      – Bien entendu; mais ils ne l'étaient pas?

      – Heureusement, j'eusse été incendié.

      – Et vous n'avez été qu'aplati?

      – Non.

      – Comment, non.

      – Non, le lustre m'est tombé sur le crâne. Nous avons là, à ce qu'il paraît, sur le sommet de la tête, une croûte excessivement solide.

      – Qui vous a dit cela, Porthos?

      – Le médecin. Une manière de dôme qui supporterait Notre-Dame de

      Paris.

      – Bah!

      – Oui, il paraît que nous avons le crâne ainsi fait.

      – Parlez pour vous, cher ami; c'est votre crâne à vous qui est fait ainsi et non celui des autres.

      – C'est possible, dit Porthos avec fatuité; tant il y a que, lors de la chute du lustre sur ce dôme que nous avons au sommet de la tête, ce fut un bruit pareil à la détonation d'un canon; le cristal fut brisé et je tombai tout inondé.

      – De sang, pauvre Porthos!

      – Non, de parfums qui sentaient comme des crèmes; c'était excellent, mais cela sentait trop bon, je fus comme étourdi de cette bonne odeur; vous avez éprouvé cela quelquefois, n'est-ce pas, d'Artagnan?

      – Oui, en respirant du muguet; de sorte, mon pauvre ami, que vous fûtes renversé du choc et abasourdi de l'odeur.

      – Mais ce qu'il y a de particulier, et le médecin m'a affirmé, sur son honneur, qu'il n'avait jamais rien vu de pareil…

      – Vous eûtes au moins une bosse? interrompit d'Artagnan.

      – J'en eus cinq.

      – Pourquoi cinq?

      – Attendez:

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