Les compagnons de Jéhu. Dumas Alexandre

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Les compagnons de Jéhu - Dumas Alexandre

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il sortit, laissant entre les mains de sir John larrêté de la municipalité de la ville de Bourg touchant la fête funèbre à célébrer en l'honneur de Marat, le jour anniversaire de sa mort.

      XIII – LE RAGOT

      Sir John achevait la lecture de cette pièce intéressante, lorsque madame de Montrevel et sa fille rentrèrent.

      Amélie, qui ne savait point qu'il eût été si fort question d'elle entre Roland et sir John, fut étonnée de l'expression avec laquelle le gentleman fixa son regard sur elle.

      Amélie semblait à celui-ci plus ravissante que jamais.

      Il comprenait bien cette mère qui, au péril de sa vie, n'avait point voulu que cette charmante créature profanât sa jeunesse et sa beauté en servant de comparse à une fête dont Marat était le dieu.

      Il se rappelait ce cachot froid et humide qu'il avait visité une heure auparavant, et il frissonnait à l'idée que cette blanche et délicate hermine qu'il avait sous les yeux y était resté six semaines enfermée, sans air et sans soleil.

      Il regardait ce cou, un peu trop long peut-être, mais, comme celui du cygne, plein de mollesse et de grâce dans son exagération, et il se rappelait ce mot si mélancolique de la pauvre princesse de Lamballe, passant la main sur le sien: «Il ne donnera pas grand mal au bourreau!»

      Les pensées qui se succédaient dans lesprit de sir John donnaient à sa physionomie une expression si différente de celle qu'il avait habituellement, que madame de Montrevel ne put s'empêcher de lui demander ce qu'il avait.

      Sir John alors raconta à madame de Montrevel sa visite à la prison et le pieux pèlerinage de Roland au cachot qui avait enfermé sa mère et sa soeur.

      Au moment où sir John terminait son récit, une fanfare de chasse sonnant le _bien aller _se fit entendre, et Roland entra son cor à la bouche.

      Mais, le détachant presque aussitôt de ses lèvres:

      – Mon cher hôte, dit-il, remerciez ma mère: grâce à elle, nous ferons demain une chasse magnifique.

      – Grâce à moi? demanda madame de Montrevel.

      – Comment cela? dit sir John.

      – Je vous ai quitté pour aller voir ce que l'on avait fait de mes chiens, n'est-ce pas?

      – Vous me lavez dit, du moins.

      – J'en avais deux, Barbichon et Ravaude, deux excellentes bêtes, le mâle et la femelle.

      – Oh! fit sir John, seraient-elles mortes?

      – Ah bien, oui, imaginez-vous que cette excellente mère que voilà (et il prit madame de Montrevel par la tête et lembrassa sur les deux joues) n'a pas voulu qu'on jetât à l'eau un seul des petits qu'ils ont faits, sous le prétexte que c'étaient les chiens de mes chiens; de sorte, mon cher lord, que les enfants, les petits- enfants et les arrière-petits-enfants de Barbichon et Ravaude sont aussi nombreux aujourd'hui que les descendants dIsmaël, et que ce n'est plus une paire de chiens que j'ai, mais toute une meute, vingt-cinq bêtes chassant du même pied; tout cela noir comme une bande de taupes, avec les pattes blanches, du feu aux yeux et au poitrail, et un régiment de queues en trompette qui vous fera plaisir à voir.

      Et, là-dessus, Roland sonna une nouvelle fanfare qui fit accourir son jeune frère.

      – Ah! s'écria celui-ci en entrant, tu vas demain à la chasse, frère Roland; j'y vais aussi, j'y vais aussi, j'y vais aussi!

      – Bon! fit Roland, mais sais-tu à quelle chasse nous allons?

      – Non; je sais seulement que j'y vais.

      – Nous allons à la chasse au sanglier.

      – Oh! quel bonheur! fit l'enfant en frappant ses deux petites mains l'une contre l'autre.

      – Mais tu es fou! dit madame de Montrevel en pâlissant.

      – Pourquoi cela, madame maman, s'il vous plaît?

      – Parce que la chasse au sanglier est une chasse fort dangereuse.

      – Pas si dangereuse que la chasse aux hommes; tu vois bien que mon frère est revenu de celle-là, je reviendrai bien de l'autre.

      – Roland, fit madame de Montrevel tandis qu'Amélie, plongée dans une rêverie profonde, ne prenait aucune part à la discussion, Roland, fais donc entendre raison à Édouard, et dis-lui donc qu'il n'a pas le sens commun.

      Mais Roland, qui se revoyait enfant et qui se reconnaissait dans son jeune frère, au lieu de le blâmer, souriait à ce courage enfantin.

      – Ce serait bien volontiers que je t'emmènerais, dit-il à l'enfant; mais, pour aller à la chasse, il faut au moins savoir ce que c'est qu'un fusil.

      – Oh! monsieur Roland, fit Édouard, venez un peu dans le jardin, et mettez votre chapeau à cent pas, et je vous montrerai ce que c'est qu'un fusil.

      – Malheureux enfant! s'écria madame de Montrevel toute tremblante; mais où l'as-tu appris?

      – Tiens, chez larmurier de Montagnat, où sont les fusils de papa et de frère Roland. Tu me demandes quelquefois ce que je fais de mon argent, n'est-ce pas? Eh bien, j'en achète de la poudre et des balles, et j'apprends à tuer les Autrichiens et les Arabes, comme fait mon frère Roland.

      Madame de Montrevel leva les mains au ciel.

      – Que voulez-vous, ma mère, dit Roland, bon chien chasse de race; il ne se peut pas qu'un Montrevel ait peur de la poudre. Tu viendras avec nous demain, Édouard.

      L'enfant sauta au cou de son frère.

      – Et moi, dit sir John, je me charge de vous armer aujourd'hui chasseur, comme on armait autrefois chevalier. J'ai une charmante petite carabine que je vous donnerai et qui vous fera prendre patience pour attendre vos pistolets et votre sabre.

      – Eh bien, demanda Roland, es-tu content, Édouard?

      – Oui; mais quand me la donnerez-vous? S'il faut écrire en

      Angleterre, je vous préviens que je n'y crois pas.

      – Non, mon jeune ami: il ne faut que monter à ma chambre et ouvrir ma boîte à fusil; vous voyez que cela sera bientôt fait.

      – Alors, montons-y tout de suite, à votre chambre.

      – Venez, fit sir John.

      Et il sortit, suivi d'Édouard.

      Un instant après, Amélie, toujours rêveuse, se leva et sortit à son tour.

      Ni madame de Montrevel ni Roland ne firent attention à sa sortie; ils étaient engagés dans une grave discussion.

      Madame de Montrevel tâchait d'obtenir de Roland qu'il n'emmenât point, le lendemain, son jeune frère à la chasse, et Roland lui expliquait comme quoi Édouard, destiné à être soldat comme son père et son frère, ne pouvait que gagner à faire le plus tôt possible ses premières armes et à se familiariser avec la poudre et le plomb.

      La discussion n'était pas encore

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