Les compagnons de Jéhu. Dumas Alexandre

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Les compagnons de Jéhu - Dumas Alexandre

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style="font-size:15px;">      Et il remerciait du regard sir John, qui se tenait sur la porte cherchant des yeux, mais inutilement, Amélie.

      C'était, en effet, un magnifique cadeau: l'arme, exécutée avec cette sobriété d'ornements et cette simplicité de forme particulière aux armes anglaises, était du plus précieux fini; comme les pistolets, dont Roland avait pu apprécier la justesse, elle sortait des ateliers de Menton et portait une balle du calibre 24. Elle avait dû être faite pour une femme: c'était facile à voir au peu de longueur de la crosse et au coussin de velours dont était garnie la couche; cette destination primitive en faisait une arme parfaitement appropriée à la taille d'un enfant de douze ans.

      Roland enleva la carabine des épaules du petit Édouard, la regarda en amateur, en fit jouer les batteries, la mit en joue, la jeta d'une main dans l'autre, et, la rendant à Édouard:

      – Remercie encore une fois milord, dit-il: tu as là une carabine qui a été faite pour un fils de roi; allons lessayer.

      Et tous trois sortirent pour essayer la carabine de sir John, laissant madame de Montrevel triste comme Thétis lorsqu'elle vit Achille, sous sa robe de femme, tirer lépée du fourreau d'Ulysse.

      Un quart d'heure après, Édouard rentrait triomphant; il rapportait à sa mère un carton de la grandeur d'un rond de chapeau dans lequel, à cinquante pas, il avait mis dix balles sur douze.

      Les deux hommes étaient restés à causer et à se promener dans le parc.

      Madame de Montrevel écouta sur ses prouesses le récit légèrement gascon d'Édouard; puis elle le regarda avec cette longue et sainte tristesse des mères pour lesquelles la gloire n'est pas une compensation du sang qu'elle fait répandre.

      Oh! bien ingrat lenfant qui a vu ce regard se fixer sur lui, et qui ne se rappelle pas éternellement ce regard!

      Puis, au bout de quelques secondes de cette contemplation douloureuse, serrant son second fils contre son coeur:

      – Et toi aussi, murmura-t-elle en éclatant en sanglots, toi aussi, un jour tu abandonneras donc ta mère?

      – Oui, ma mère, dit lenfant, mais pour devenir général comme mon père, ou aide de camp comme mon frère.

      – Et pour te faire tuer comme s'est fait tuer ton père, et comme se fera tuer ton frère, peut-être.

      Car ce changement étrange qui s'était fait dans le caractère de Roland n'avait point échappé à madame de Montrevel, et c'était une inquiétude de plus à ajouter à ses autres inquiétudes.

      Au nombre de ces dernières, il fallait ranger cette rêverie et cette pâleur d'Amélie.

      Amélie atteignait dix-sept ans, sa jeunesse avait été celle d'une enfant rieuse, pleine de joie et de santé.

      La mort de son père était venue jeter un voile noir sur sa jeunesse et sur sa gaieté; mais ces orages du printemps passent vite: le sourire ce beau soleil de Taube de la vie, était revenu, et, comme celui de la nature, il avait brillé à travers cette rosée du coeur qu'on appelle les larmes.

      Puis, un jour – il y avait six mois de cela, à peu près – le front d'Amélie s'était attristé, ses joues avaient pâli, et de même que les oiseaux voyageurs s'éloignent à lapproche des temps brumeux, les rires enfantins qui s'échappent des lèvres entr'ouvertes et des dents blanches, s'étaient envolés de la bouche d'Amélie, mais pour ne pas revenir.

      Madame de Montrevel avait interrogé sa fille; mais Amélie avait prétendu être toujours la même: elle avait fait un effort pour sourire; puis comme une pierre jetée dans un lac y crée des cercles mouvants qui s'effacent peu à peu, les cercles créés par les inquiétudes maternelles s'étaient peu à peu effacés du visage d'Amélie.

      Avec cet instinct admirable des mères, madame de Montrevel avait songé à l'amour; mais qui pouvait aimer Amélie? On ne recevait personne au château des Noires-Fontaines; les troubles politiques avaient détruit la société, et Amélie ne sortait jamais seule.

      Madame de Montrevel avait donc été forcée d'en rester aux conjectures.

      Le retour de Roland lui avait un instant rendu l'espoir; mais cet espoir avait bientôt disparu lorsqu'elle avait vu l'impression produite sur Amélie par ce retour.

      Ce n'était point une soeur, c'était un spectre, on se le rappelle, qui était venu au-devant de lui.

      Depuis l'arrivée de son fils, madame de Montrevel n'avait pas perdu de vue Amélie, et, avec un étonnement douloureux, elle s'était aperçue de l'effet que causait sur sa soeur la présence du jeune officier; c'était presque de l'effroi.

      Il n'y avait qu'un instant encore, Amélie n'avait-elle pas profité du premier moment de liberté qui s'était offert à elle pour remonter dans sa chambre, seul endroit du château où elle parût se trouver à peu près bien, et où elle passait, depuis six mois, la plus grande partie de son temps.

      La journée s'était passée, pour Roland et pour sir John, à visiter Bourg, comme nous l'avons dit, et à faire les préparatifs de la chasse du lendemain.

      Du matin à midi, on devait faire une battue; de midi au soir on devait chasser à courre. Michel, braconnier enragé, retenu sur sa chaise par une entorse, comme l'avait raconté le petit Édouard à son frère, s'était senti soulagé dès qu'il s'était agi de chasse, et s'était hissé sur un petit cheval qui servait à faire les courses de la maison, pour aller retenir les rabatteurs à Saint- Just et à Montagnat.

      Lui, qui ne pouvait ni rabattre ni courir, se tiendrait avec la meute, les chevaux de sir John et de Roland et le poney d'Édouard, au centre à peu près de la forêt, percée seulement d'une grande route et de deux sentiers praticables.

      Les rabatteurs, qui ne pouvaient suivre une chasse à courre, reviendraient au château avec le gibier tué.

      Le lendemain, à six heures du matin, les rabatteurs étaient à la porte.

      Michel ne devait partir avec les chiens et les chevaux quà onze heures.

      Le château des Noires-Fontaines touchait à la forêt même de Seillon; on pouvait donc se mettre en chasse immédiatement après la sortie de la grille.

      Comme la battue promettait surtout des daims, des chevreuils et des lièvres, elle devait se faire à plomb. Roland donna à Édouard un fusil simple qui lui avait servi à lui-même quand il était enfant, et avec lequel il avait fait ses premières armes; il n'avait point encore assez de confiance dans la prudence de l'enfant pour lui confier un fusil à deux coups.

      Quant à la carabine que sir John lui avait donnée la veille, c'était un canon rayé qui ne pouvait porter que la balle. Elle avait donc été remise aux mains de Michel, et devait, dans le cas où on lancerait un sanglier, être remise à l'enfant pour la seconde partie de la chasse.

      Pour cette seconde partie de la chasse, Roland et sir John changeraient aussi de fusils et seraient armés de carabines à deux coups et de couteaux de chasse pointus comme des poignards, affilés comme des rasoirs, qui faisaient partie de l'arsenal de sir John, et qui pouvaient indifféremment se pendre au côté ou se visser au bout du canon, en guise de baïonnette.

      Dès la première battue, il fut facile de voir que la chasse serait bonne: on tua un chevreuil et deux lièvres.

      À midi, trois daims, sept chevreuils et deux renards avaient été

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