La San-Felice, Tome 09. Dumas Alexandre

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      La San-Felice, Tome 09

      LXXXIII

      L'APPARITION

      L'exécution de Caracciolo répandit dans Naples une consternation profonde. À quelque parti que l'on appartînt, on reconnaissait, dans l'amiral, un homme à la fois considérable par la naissance et par le génie; sa vie avait été irréprochable et pure de toutes ces souillures morales dont est si rarement exempte la vie d'un homme de cour. Il est vrai que Caracciolo n'avait été un homme de cour que dans ses moments perdus, et, dans ces moments-là, on l'a vu, il avait essayé de défendre la royauté avec autant de franchise et de courage qu'il avait défendu depuis la patrie.

      Cette exécution fut, surtout pour les prisonniers sous les yeux desquels elle avait eu lieu, un terrible spectacle. Ils y virent leur propre sentence, et, lorsque, au coucher du soleil, ainsi que le portait le jugement, la corde fut coupée et que ce cadavre, sur lequel tous les yeux étaient fixés, n'étant plus soutenu par rien, plongea dans la mer rapidement, entraîné par les boulets qu'on lui avait attachés aux pieds, un cri terrible, parti de la bouche des prisonniers, s'échappa de tous les bâtiments, et, courant à la surface des flots comme la plainte de l'esprit de la mer, eut son écho dans les flancs mêmes du Foudroyant.

      Le cardinal ignorait tout ce qui venait de se passer dans cette terrible journée, non-seulement le procès, mais encore l'arrestation de Caracciolo. – Nelson, on l'a vu, avait eu grand soin de se faire amener le prisonnier par le Granatello, défendant expressément de le faire passer par le camp de Ruffo; car, à coup sûr, le cardinal n'eût point permis qu'un officier anglais, avec lequel, d'ailleurs, il était depuis quelques jours en complète dissidence sur un point d'honneur aussi important que celui des traités, mît la main sur un prince napolitain, ce prince napolitain fût-il son ennemi; à plus forte raison sur Caracciolo, avec lequel il avait fait une espèce d'alliance sinon offensive, du moins défensive.

      On se rappelle, en effet, qu'en se quittant sur la plage de Cotona, le cardinal et le prince s'étaient promis de se sauvegarder l'un l'autre, et, à cette époque où l'on ne pouvait rien préjuger sur l'avenir, à moins d'être doué de l'esprit prophétique, on pouvait aussi bien penser que ce serait le prince qui sauvegarderait Ruffo, que Ruffo qui sauvegarderait le prince.

      Cependant, aux coups de canon tirés à bord du Foudroyant, et à la vue d'un cadavre suspendu à la vergue de misaine, on était accouru dire au cardinal qu'une exécution venait, sans aucun doute, d'avoir lieu à bord de la frégate la Minerve. Entraîné alors par un simple mouvement de curiosité, le cardinal monta sur la terrasse de sa maison. Il vit, à l'oeil nu, en effet, un cadavre qui se balançait en l'air, et envoya chercher une longue-vue. Mais, depuis que le cardinal avait quitté Caracciolo, celui-ci avait laissé pousser ses cheveux et sa barbe, ce qui, à cette distance surtout, le rendait méconnaissable à ses yeux. En outre, Caracciolo, pendu dans les habits sous lesquels il avait été pris, était vêtu en paysan. Le cardinal pensa donc que ce cadavre était celui de quelque espion qui s'était laissé prendre; et, sans plus se préoccuper de cet incident, il allait redescendre dans son cabinet, lorsqu'il vit une barque se détacher des flancs de la Minerve et s'avancer directement vers lui.

      Cet incident le maintint à sa place.

      Au fur et à mesure que la barque s'approchait, le cardinal demeurait convaincu que c'était à lui que l'officier qui la montait avait affaire. Cet officier portait l'uniforme de la marine napolitaine, et, quoiqu'il eût été difficile au cardinal d'appliquer un nom à son visage, ce visage ne lui était pas tout à fait inconnu.

      Arrivé à quelques pas de la plage, l'officier, qui, depuis longtemps, de son côté, avait reconnu le cardinal, le salua respectueusement et lui montra le pli qu'il portait.

      Le cardinal descendit et se trouva en même temps que le messager à la porte de son cabinet.

      Le messager s'inclina, et, présentant le papier au cardinal:

      –À Votre Éminence, dit-il, de la part de Son Excellence le comte de Thurn, capitaine de la frégate la Minerve.

      –Y a-t-il une réponse, monsieur? demanda le cardinal.

      –Non, Votre Éminence, répondit l'officier.

      Et, s'inclinant, il se retira.

      Le cardinal demeura assez étonné, son papier à la main. La faiblesse de sa vue le forçait à rentrer dans son cabinet pour en prendre lecture. Il eût pu rappeler l'officier et l'interroger; mais celui-ci avait répondu, avec un désir visible de se retirer: «Il n'y a point de réponse.» Il le laissa donc continuer son chemin, rentra dans son cabinet, appela des lunettes au secours de ses mauvais yeux, ouvrit la lettre et lut:

      Rapport à Son Éminence le cardinal Ruffo sur l'arrestation, le jugement, la condamnation et la mort de François Caracciolo.

      Le cardinal ne put retenir un cri dans lequel il y avait plus d'étonnement que de douleur: il croyait avoir mal lu.

      Il relut; puis l'idée lui vint alors que ce cadavre qu'il avait vu flotter à la pointe d'une vergue, au bout d'une corde, était celui de l'amiral Caracciolo.

      –Oh! murmura-t-il en laissant tomber son bras inerte le long de son corps, où en sommes-nous, si les Anglais viennent pendre les princes napolitains jusque dans le port de Naples?

      Puis, après un instant, s'asseyant à son bureau et ramenant de nouveau la lettre sous ses yeux, il lut:

      «Éminence,

      Je dois faire savoir à Votre Éminence que j'ai reçu ce matin, de l'amiral lord Nelson, de me porter immédiatement à bord de son bâtiment accompagné des cinq officiers de mon bord. J'ai accompli aussitôt cet ordre, et, en arrivant à bord du Foudroyant, j'ai reçu l'invitation par écrit de former sur le vaisseau même un conseil de guerre pour y juger le chevalier don Francesco Caracciolo, accusé de rébellion, envers Sa Majesté, notre auguste maître, et de porter une sentence sur la peine encourue par son délit. Cette invitation a été suivie immédiatement, et un conseil de guerre a été formé dans le carré des officiers dudit vaisseau. J'y ai, en même temps, fait amener le coupable. Je l'ai d'abord fait reconnaître par tous les officiers comme étant bien l'amiral; ensuite, je lui ai fait lire les charges réunies contre lui et lui ai demandé s'il avait quelque chose à dire pour sa défense. Il a répondu que oui; et, toute liberté lui ayant été donnée de se défendre, ses défenses se sont bornées à la dénégation d'avoir volontairement servi l'infâme République et à l'affirmation qu'il ne l'avait fait que contraint et forcé et sous la menace positive de le faire fusiller. Je lui ai adressé ensuite d'autres demandes, en réponse desquelles il n'a pu nier qu'il n'eût combattu en faveur de la soi-disant République contre les armées de Sa Majesté. Il a avoué aussi avoir dirigé l'attaque des chaloupes canonnières qui s'est opposée à l'entrée des troupes de Sa Majesté à Naples; mais il a déclaré qu'il ignorait que ces troupes fussent conduites par le cardinal, et qu'il les regardait simplement comme des bandes d'insurgés. Il a, en outre, avoué avoir donné par écrit des ordres tendants à s'opposer à la marche de l'armée royale. Enfin, interrogé pourquoi, puisqu'il servait contre sa volonté, il n'avait point essayé de se réfugier à Procida, ce qui était, en même temps, un moyen de se rallier au gouvernement légitime et d'échapper au gouvernement usurpateur, il a répondu qu'il n'avait point pris ce parti dans la crainte d'être mal reçu.

      »Éclairé sur ces divers points, le conseil de guerre, à la majorité des voix, a condamné François Caracciolo non-seulement à la peine de mort, mais encore à une mort ignominieuse.

      »Ladite sentence ayant été présentée à milord Nelson, il a approuvé la condamnation et ordonné qu'à cinq heures de ce même jour la sentence fût mise à exécution, en pendant le condamné à la vergue de misaine et en l'y laissant pendu jusqu'au

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