La San-Felice, Tome 09. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 09 - Dumas Alexandre

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était transporté à bord de la Minerve et mis en chapelle, et, à cinq heures du soir, la sentence était accomplie selon l'ordre qui en avait été donné.

      »Je m'empresse, pour remplir mon devoir, de vous faire cette communication, et, avec le profond respect que je vous ai voué, j'ai l'honneur d'être,

      »De Votre Éminence,

      »Le très-dévoué serviteur,

      »Comte DE THURN.»

      Ruffo, atterré, relut deux fois la dernière phrase. Cette communication était-elle l'accomplissement d'un devoir, ou simplement une insulte.

      En tout cas, c'était un défi.

      Ruffo y vit une insulte.

      En effet, seul, comme vicaire général, seul, comme aller ego du roi, Ruffo avait le droit de vie et de mort dans le royaume des Deux-Siciles. D'où venait donc que cet intrus, cet étranger, cet Anglais, dans le port de Naples, sous ses yeux, pour le défier sans doute, – après avoir déchiré la capitulation, après avoir, à l'aide d'une équivoque indigne d'un soldat loyal, fait conduire sous le feu des vaisseaux les tartanes qui portaient les prisonniers, – condamnait à mort, et à une mort infâme, un prince napolitain, plus grand que lui par la naissance, égal à lui par la dignité?

      Qui avait donné à ce juge improvisé de pareils pouvoirs?

      En tout cas, si ces pouvoirs avaient été donnés à un autre, les siens étaient annulés.

      Il est vrai que les gibets étaient dressés à Ischia; mais lui, Ruffo, n'avait rien à faire avec les îles. Les îles n'avaient point, comme Naples, été reconquises par lui; elles l'avaient été par les Anglais. Il n'y avait point de traité avec les îles. Enfin, le bourreau de Procida, Speciale, était un juge sicilien envoyé par le roi, et qui, conséquemment, condamnait légalement au nom du roi.

      Mais Nelson, sujet de Sa Majesté Britannique George III, comment pouvait-il condamner au nom de Sa Majesté Sicilienne Ferdinand Ier?

      Ruffo laissa tomber sa tête dans sa main. Un instant, tout ce que nous venons de dire se heurta et bouillonna dans son cerveau; puis, enfin, sa résolution fut prise. Il saisit une plume, et écrivit au roi la lettre suivante:

      A Sa Majesté le roi des Deux-Siciles.

      «Sire,

      »L'oeuvre de la restauration de Votre Majesté est accomplie, et j'en bénis le Seigneur.

      »Mais c'est à la suite de beaucoup de peines et de longues fatigues que cette restauration s'est accomplie.

      »Le motif qui m'avait fait prendre la croix d'une main et l'épée de l'autre n'existe plus.

      »Je puis donc-je dirai plus-je dois donc rentrer dans cette obscurité dont je ne suis sorti qu'avec la conviction de servir les desseins de Dieu et dans l'espérance d'être utile à mon roi.

      »D'ailleurs, l'affaiblissement de mes facultés physiques et morales m'en fait un besoin, quand ma conscience ne m'en ferait pas un devoir.

      »J'ai donc l'honneur de supplier Votre Majesté de vouloir bien accepter ma démission.

      »J'ai l'honneur d'être avec un profond respect, etc.

      »F. cardinal RUFFO.»

      A peine cette lettre était-elle expédiée à Palerme par un messager sûr et qui était autorisé à requérir au besoin la première barque venue pour passer en Sicile, qu'il fut donné au cardinal avis de la publication de la note de Nelson, note dans laquelle l'amiral anglais accordait vingt-quatre heures aux républicains de la ville, et quarante-huit à ceux des environs de la capitale, pour faire leur soumission au roi Ferdinand.

      Au premier regard qu'il jeta sur cette note, il reconnut celle qu'il avait refusé à Nelson de faire imprimer. Cette note, comme tout ce qui sortait de la plume de l'amiral anglais, portait le caractère de la violence et de la brutalité.

      En lisant cette note et en voyant le pouvoir que s'y attribuait Nelson, le cardinal se félicita d'autant plus d'avoir envoyé sa démission.

      Mais, le 3 juillet, il recevait de la reine cette lettre, qui lui annonçait que sa démission était refusée:

      «J'ai reçu et lu avec le plus grand intérêt et la plus profonde attention la très-sage lettre de Votre Éminence, en date du 29 juin.

      »Tout ce que je pourrais dire à Votre Éminence des sentiments de gratitude dont mon coeur sera éternellement rempli à son égard resterait de beaucoup au-dessous de la vérité. J'apprécie ensuite ce que Votre Éminence me dit à l'endroit de sa démission et de son désir de repos. Mieux que personne, je sais combien la tranquillité est chose désirable, et combien ce calme devient précieux après avoir vécu au milieu des agitations et de l'ingratitude que porte avec soi le bien que l'on fait.

      »Elle l'éprouve depuis quelques mois seulement, Votre Éminence: qu'elle sache donc combien je dois être plus fatiguée, moi qui l'éprouve depuis vingt-deux ans! Non, quoi que dise Votre Éminence, je ne puis admettre son affaiblissement; car, quel que soit son dégoût, les admirables actions qu'elle a accomplies et la série de lettres à moi écrites avec tant de finesse et de talent prouvent, au contraire, toute la force et toute la puissance de ses facultés. C'est donc à moi, au lieu d'accepter cette fatale démission donnée par Votre Éminence dans un moment de fatigue, d'éperonner, au contraire, votre zèle, votre intelligence et votre coeur à terminer et à consolider l'oeuvre si glorieusement entreprise par vous, et à la poursuivre en rétablissant l'ordre à Naples, sur une base si sûre et si solide, que, du terrible malheur qui nous est arrivé, naisse un bien et une amélioration pour l'avenir, et c'est ce que me fait espérer le génie actif de Votre Éminence.

      »Le roi part demain soir avec le peu de troupes qu'il a pu réunir. De vive voix, beaucoup de choses s'éclairciront qui restent obscures par écrit. Quant à moi, j'éprouve une peine horrible à ne pas pouvoir accompagner le roi. Mon coeur eût été bien joyeux de voir son entrée à Naples. Entendre les acclamations de cette partie de son peuple qui lui est restée fidèle serait un baume infini pour mon coeur et adoucirait cette cruelle blessure dont je ne guérirai jamais. Mais mille réflexions m'ont retenue, et je reste ici pleurant et priant pour que Dieu illumine et fortifie le roi dans cette grande entreprise. Beaucoup de ceux qui accompagnent le roi vous porteront de ma part l'expression de ma vraie et profonde reconnaissance, ainsi que ma sincère admiration pour toute la miraculeuse opération que vous avez accomplie.

      »Je suis trop sincère cependant pour ne pas dire à Votre Éminence que cette capitulation avec les rebelles m'a souverainement déplu, et surtout après ce que je vous avais écrit et d'après ce que je vous avait dit. Aussi me suis-je tue là-dessus, ma sincérité ne me permettant pas de vous complimenter. Mais, aujourd'hui, tout est fini pour le mieux, et, comme je l'ai déjà dit à Votre Éminence, de vive voix, tout s'expliquera et, je l'espère, aura bonne fin, tout ayant été fait pour le plus grand bien et la plus grande gloire de l'État.

      »J'oserai, maintenant que Votre Éminence a un peu moins de travail à faire, la prier de m'entretenir régulièrement de toutes les choses importantes qui arriveront, et elle peut compter sur ma sincérité à lui en dire mon avis. Une seule chose me désespère, c'est de ne pouvoir l'assurer de vive voix de la vraie, profonde et éternelle reconnaissance et estime avec laquelle je suis, de Votre Éminence,

      »La sincère amie,

      »CAROLINE.»

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