La San-Felice, Tome 09. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 09 - Dumas Alexandre

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ont fait et obtenu les conditions que des rebelles pouvaient faire et doivent être trop contents d'avoir obtenues. Mais il n'en est point ainsi du colonel Mejean: ce n'est point un rebelle, c'est un ennemi, et un ennemi puissant, puisqu'il représente la France. S'il traite, il a donc droit à une meilleure capitulation que celle de MM. L'Aurora et Massa.

      –C'est trop juste, répondit le cardinal, et voici celle que j'offre: Les Français sortiront du fort Saint-Elme tambours battants, mèche allumée, avec tous les honneurs de la guerre, et se réuniront à leurs compatriotes, encore en garnison à Capoue et à Gaete, sans aucun engagement qui enchaîne leur libre arbitre.

      –Je ne vois pas là une grande amélioration sur le traité fait entre Votre Éminence et les commandants Massa et L'Aurora; eux aussi sortaient tambours battants, mèche allumée, et avaient droit de rester à Naples ou de se retirer en France.

      –Oui; mais, sur la plage, avant de s'embarquer, ils déposaient les armes.

      –Simple formalité, Votre Éminence en conviendra. Qu'eussent fait de leurs armes des bourgeois révoltés partant pour l'exil ou restant chez eux?

      –Alors, chez vous, monsieur, il me semble du moins, répliqua le cardinal, la question d'orgueil militaire est complétement mise de côté?

      –C'est la question avec laquelle on dirige les fanatiques et les sots. Les hommes intelligents, – et Votre Éminence ne trouvera point mauvais que je la range dans cette dernière catégorie, – les hommes intelligents voient au delà de cette fumée qu'on appelle la vanité.

      –Et que voyez-vous, monsieur, ou plutôt que voit le commandant Mejean au delà de cette fumée que l'on appelle la vanité?

      –Il voit une affaire, et même une bonne affaire, pour Votre Éminence et lui.

      –Une bonne affaire? Je me connais mal en affaires, monsieur, je vous en préviens. N'importe, expliquez-vous.

      –Voici deux forts rendus sur trois, c'est vrai; mais le troisième, et par sa position et par les hommes qui la défendent, est à peu près imprenable, ou bien nécessitera un long siége. Où sont vos ingénieurs, où sont vos pièces de gros calibre, où est votre armée pour faire le siége d'une citadelle comme celle que commande le colonel Mejean? Vous échouerez en arrivant au but, et, en échouant, Votre Éminence perdra tout le mérite d'une campagne magnifique, tandis que, pour quelques misérables centaines de mille livres que vous pouvez, en supposant que vous ne les ayez pas, lever en deux heures sur Naples vous couronnez l'édifice de la restauration et vous pouvez dire au roi: «Sire, le général Mack, avec une armée de soixante mille soldats, avec cent canons, avec un trésor de vingt millions, a perdu les États romains, Naples, la Calabre, le royaume enfin; moi, avec quelques paysans, j'ai reconquis tout ce que le général Mack avait perdu. Il m'en a coûté, il est vrai, cinq cent mille francs ou un million pour prendre le fort Saint-Elme; mais qu'est-ce qu'un million comparé au dégât qu'il pouvait faire? Car, enfin, sire, vous le savez mieux que personne, pourrez-vous ajouter, le fort Saint-Elme a été bâti, non point pour défendre Naples, mais pour la menacer, et la preuve, c'est qu'il existe une loi, rendue par votre auguste père, qui défend d'élever des maisons au-dessus d'une certaine hauteur, attendu qu'à une certaine hauteur, elles pourraient gêner le jeu des boulets et des obus. Or, Naples bombardée, ce n'était point une perte de cinq cent mille francs ou d'un million, c'était une perte incalculable.» Et, devant cette explication de votre conduite, le roi, croyez-moi, est un homme d'un trop grand sens pour ne point vous donner raison.

      –Alors, en cas de siége, reprit le cardinal, le colonel Mejean compte bombarder Naples?

      –Mais sans doute.

      –Ce sera une infamie gratuite.

      –Pardon, Votre Éminence, ce sera un cas de légitime défense: on nous attaque, nous ripostons.

      –Oui, mais ripostez du côté où l'on vous attaque, et, comme on vous attaquera du côté opposé à la ville, vous ne pourrez pas riposter du côté de la ville.

      –Bon! qui sait où vont les boulets et les bombes?

      –Ils vont du côté où on les pointe, monsieur: la chose est parfaitement sue, au contraire.

      –Eh bien, on les pointera du côté de la ville, en ce cas.

      –Pardon, monsieur; mais, si vous portiez l'habit militaire, au lieu de porter l'habit bourgeois, vous sauriez qu'une des premières lois de la guerre défend aux assiégés de tirer sur les maisons situées en un point d'où ne vient point l'attaque. Or, les batteries que l'on dirigera contre le château Saint-Elme étant établies du côté opposé à la ville, le feu du château Saint-Elme, sous peine de manquer à toutes les conventions qui régissent les peuples civilisés, ne pourra lancer un seul boulet, un seul obus, ou une seule bombe du côté opposé aux batteries qui l'attaqueront. Ne vous obstinez donc pas dans une erreur que ne commettrait certainement point le colonel Mejean, si j'avais l'honneur de discuter avec lui, au lieu de discuter avec vous.

      –Et si, cependant, il la commettait, cette erreur, et qu'au lieu de la reconnaître, il y persistât, que dirait Votre Éminence?

      –Je dirais, monsieur, que, s'écartant des lois reconnues par tous les peuples civilisés, lois que la France, qui se prétend à la tête de la civilisation, doit connaître mieux qu'aucun autre pays, il doit s'attendre à être traité lui-même en barbare. Et, comme il n'y a pas de forteresse imprenable, et que, par conséquent, le fort Saint-Elme serait pris un jour ou l'autre, ce jour-là, lui et la garnison seraient pendus aux créneaux de la citadelle.

      –Diable! comme vous y allez, monseigneur! dit le faux secrétaire avec une feinte gaieté.

      –Et ce n'est pas le tout! dit le cardinal en se levant à la force de ses poignets appuyés sur la table et en regardant fixement l'ambassadeur.

      –Comment, ce n'est pas le tout? Il lui arriverait donc encore quelque chose après avoir été pendu?

      –Non, mais avant de l'être, monsieur.

      –Et que lui arriverait-il, monseigneur?

      –Il lui arriverait que le cardinal Ruffo, regardant comme indigne de son caractère et de son rang de discuter plus longtemps les intérêts des rois et la vie des hommes avec un coquin de son espèce, l'inviterait à sortir de sa maison, et, s'il n'obéissait pas à l'instant même, le ferait jeter par la fenêtre.

      Le plénipotentiaire tressaillit.

      –Mais, continua Ruffo en adoucissant sa voix jusqu'à la courtoisie et son visage jusqu'au sourire, comme vous n'êtes point le commandant du château Saint-Elme, que vous êtes seulement son envoyé, je me contenterai de vous prier, monsieur, de lui reporter mot pour mot la conversation que nous venons d'avoir ensemble, en l'assurant bien positivement qu'il est tout à fait inutile qu'il tente à l'avenir aucune nouvelle négociation avec moi.

      Sur quoi, le cardinal s'inclina, et, d'un geste moitié poli, moitié impératif, indiqua la porte au colonel, qui sortit, plus furieux encore de voir sa spéculation manquée qu'humilié de l'injure qui lui était faite.

      LXXXV

      OU IL EST PROUVÉ QUE FRÈRE JOSEPH VEILLAIT

      SUR SALVATO

      C'était pendant la matinée du 27 que Salvato et Luisa avaient quitté le Château-Neuf pour le fort Saint-Elme: le même jour, les châteaux devaient être rendus aux Anglais, et les patriotes embarqués.

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