Le Capitaine Aréna — Tome 2. Dumas Alexandre

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Le Capitaine Aréna — Tome 2 - Dumas Alexandre

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      C'était par un beau soir d'automne; maître Térence, tailleur à Catanzaro, s'était pris de dispute avec la signora Judith sa femme, à propos d'un macaroni que, depuis quinze ans que les deux conjoints étaient unis, elle tenait à faire d'une certaine façon, tandis que maître Térence préférait le voir faire d'une autre. Or, depuis quinze ans, tous les soirs à la même heure la même dispute se renouvelait à propos de la même cause.

      Mais cette fois la dispute avait été si loin, qu'au moment où maître Térence s'accroupissait sur son établi pour travailler encore deux petites heures, tandis que sa femme au contraire employait ces deux heures à prendre un à-compte sur sa nuit, qu'elle dormait d'habitude fort grassement: or, dis-je, la dispute avait été si loin, qu'en se retirant dans sa chambre, Judith avait, par manière d'adieu, lancé à son mari une pelote toute garnie d'épingles, et que le projectile, dirigé par une main aussi sûre que celle d'Hippolyte, avait atteint le pauvre tailleur entre les deux sourcils. Il en était résulté une douleur subite, accompagnée d'un rapide dégorgement de la glande lacrymale; ce qui avait porté l'exaspération du pauvre homme au point de s'écrier: — Oh! que je donnerais de choses au diable pour qu'il me débarrassât de toi!

      — Eh! que lui donnerais-tu bien, ivrogne? s'écria en rouvrant la porte la signora Judith, qui avait entendu l'apostrophe.

      — Je lui donnerais, s'écria le pauvre tailleur, je lui donnerais cette paire de culottes que je fais pour don Girolamo, curé de Simmari! — Malheureux! répondit Judith en faisant un nouveau geste de menace qui fit que, autant par sentiment de la douleur passée que par crainte de la douleur à venir, le pauvre diable ferma les yeux et porta les deux mains à son visage; malheureux! tu ferais bien mieux de glorifier le nom du Seigneur, qui t'a donné une femme qui est la patience même, que d'invoquer le nom de Satan.

      Et, soit qu'elle fût intimidée du souhait de son mari, soit que, généreuse dans sa victoire, elle ne voulut point battre un homme atterré, elle referma la porte de sa chambre assez brusquement pour que maître Térence ne doutât point qu'il y eût maintenant un pouce de bois entre lui et son ennemie.

      Cela n'empêcha point que maître Térence, qui, à défaut du courage du lion, avait la prudence du serpent, ne restât un instant immobile et la figure couverte des deux mains que Dieu lui avait données comme armes offensives, et que, par une disposition naturelle de la douceur de son caractère, il avait converties en armes défensives. Cependant, au bout de quelques secondes, n'entendant aucun bruit et n'éprouvant aucun choc, il se hasarda à regarder entre ses doigts d'abord, et puis à ôter une main, puis l'autre, puis enfin à porter la vue sur les différentes parties de l'appartement. Judith était bien entrée dans son appartement, et le pauvre tailleur respira en pensant que, jusqu'au lendemain matin, il était au moins débarrassé.

      Mais son étonnement fut grand lorsqu'en ramenant ses yeux sur les culottes de don Girolamo, qui reposaient sur ses genoux déjà à moitié exécutées, il aperçut en face de lui, assis au pied de son établi, un petit vieillard de bonne mine, habillé tout de noir, et qui le regardait d'un air goguenard, les deux coudes appuyés sur l'établi et le menton dans ses deux mains.

      Le petit vieillard et maître Térence se regardèrent un instant face à face; puis maître Térence rompant le premier le silence:

      — Pardon, votre excellence, lui dit-il, mais puis-je savoir ce que vous attendez là?

      — Ce que j'attends! demanda le petit vieillard; tu dois bien t'en douter.

      — Non, le diable m'emporte, répondit Térence.

      A ce mot: le diable m'emporte, il eût fallu voir la joie du petit vieillard; ses yeux brillèrent comme braise, sa bouche se fendit jusqu'aux oreilles, et l'on entendit derrière lui quelque chose qui allait et venait en balayant le plancher.

      — Ce que j'attends, dit-il, ce que j'attends?

      — Oui, reprit Térence.

      — Eh bien, j'attends mes culottes.

      — Comment, vos culottes?

      — Sans doute.

      — Mais vous ne m'avez pas commandé de culottes, vous.

      — Non; mais tu m'en as offert, et je les accepte.

      — Moi, s'écria Térence stupéfait; moi, je vous ai offert des culottes?

      Lesquelles?

      — Celles-là? dit le vieillard en montrant du doigt celles auxquelles le tailleur travaillait.

      — Celles-là, reprit maître Térence, de plus en plus étonné; mais celles-là appartiennent à don Girolamo, curé de Simmari.

      — C'est-à-dire qu'elles appartenaient à don Girolamo il y a un quart d'heure, mais maintenant elles sont à moi.

      — A vous? reprit maître Térence, de plus en plus ébahi.

      — Sans doute; n'as-tu pas dit, il y a dix minutes, que tu donnerais bien ces culottes pour être débarrassé de ta femme?

      — Je l'ai dit, je l'ai dit, et je le répète.

      — Eh bien! j'accepte le marché; moyennant ces culottes je te débarrasse de ta femme.

      — Vraiment?

      — Parole d'honneur.

      — Et quand cela?

      — Aussitôt que je les aurai entre les jambes.

      — Oh! mon gentilhomme, s'écria Térence en pressant le vieillard sur son cœur, permettez-moi de vous embrasser.

      — Volontiers, dit le vieillard en serrant à son tour si fortement le tailleur dans ses bras, que celui-ci faillit tomber à la renverse étouffé, et fut un instant à se remettre.

      — Eh bien, qu'as-tu donc? demanda le vieillard.

      — Que votre excellence m'excuse, dit le tailleur qui n'osait se plaindre, mais je crois que c'est la joie. J'ai failli me trouver mal.

      — Un petit verre de cette liqueur, cela te remettra, dit le vieillard en tirant de sa poche une bouteille et deux verres.

      — Qu'est-ce que c'est que cela? demanda Térence la bouche ouverte et les yeux étincelants de joie.

      — Goûtez toujours, dit le vieillard.

      — C'est de confiance, reprit Térence; et il porta le verre à sa bouche, avala la liqueur d'un trait et fit claquer sa langue en amateur satisfait.

      — Diable! dit-il.

      Soit satisfaction de voir sa liqueur appréciée, soit que l'exclamation par laquelle le tailleur lui avait rendu justice plût au petit vieillard, ses yeux brillèrent de nouveau, sa bouche se fendit derechef, et l'on entendit, comme la première fois, ce petit frôlement qui était évidemment chez lui une marque de satisfaction. Quant à maître Térence, il semblait qu'il venait de boire un verre de l'élixir de longue vie, tant il se sentait gai, alerte, dispos et valeureux.

      — Ainsi

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