Le Capitaine Aréna — Tome 2. Dumas Alexandre

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Le Capitaine Aréna — Tome 2 - Dumas Alexandre

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bien, que fais-tu? dit le vieillard, tu te reposes?

      — Eh non! vous le voyez bien, j'enfile mon aiguille. Tenez, c'est cela qui retardera la livraison de vos culottes; rien qu'à enfiler son aiguille un tailleur perd deux heures par jour. Ah! la voilà, enfin.

      Et maître Térence se mit à coudre avec une telle ardeur qu'on ne voyait pas aller la main, si bien que l'ouvrage avançait avec une rapidité miraculeuse; mais ce qu'il y avait de plus étonnant dans tout cela, ce qui de temps en temps faisait pousser une exclamation de surprise à maître Térence, c'est que, quoique les points se succédassent avec une rapidité à laquelle lui-même ne comprenait rien, le fil restait toujours de la même longueur; si bien qu'avec ce fil, il pouvait, sans avoir besoin de renfiler son aiguille, achever, non-seulement les culottes du vieillard, mais encore coudre toutes les culottes du royaume des Deux-Siciles. Ce phénomène lui donna à penser, et pour la première fois il lui vint à la pensée que le petit vieillard qui était devant lui pourrait bien ne pas être ce qu'il paraissait.

      — Diable, diable! fit-il tout en tirant son aiguille plus rapidement qu'il n'avait fait encore.

      Mais cette fois, sans doute, le vieillard saisit la nuance de doute qui se trouvait dans la voix de maître Térence, et aussitôt empoignant la bouteille au collet:

      — Encore une goutte de cet élixir, mon maître, dit-il en remplissant le verre de Térence.

      — Volontiers, répondit le tailleur, qui avait trouvé la liqueur trop superfine pour ne pas y revenir avec plaisir; et il avala le second verre avec la même sensualité que le premier.

      — Voilà de fameux rosolio, dit-il, où diable se fait-il?

      Comme ces paroles avaient été dites avec un tout autre accent que celles qui avaient inquiété le petit vieillard, ses yeux se remirent à briller, sa bouche se refendit, et l'on entendit de nouveau ce singulier frôlement qu'avait déjà remarqué le tailleur.

      Mais cette fois maître Térence était loin de s'en inquiéter; l'effet de la liqueur avait été plus souverain encore que la première fois, et l'étranger qu'il avait sous les yeux lui paraissait, quel qu'il fût, venu dans l'intention de lui rendre un trop grand service pour qu'il le chicanât sur l'endroit d'où il venait.

      — Où l'on fait cette liqueur? dit l'étranger. — Où? demanda Térence.

      — Eh bien! dans l'endroit même où je compte emmener ta femme.

      Térence cligna de l'œil et regarda le vieillard d'un air qui voulait dire: Bon! je comprends; et il se remit à l'ouvrage; mais au bout d'un instant le vieillard étendit là main.

      — Eh bien! eh bien! lui dit-il, que fais-tu?

      — Ce que je fais?

      — Oui, tu fermes le fond de mes culottes.

      — Sans doute, je le ferme.

      — Alors, par où passerai-je ma queue?

      — Comment, votre queue?

      — Certainement, ma queue.

      — Ah! c'est donc votre queue qui fait sous la table ce petit frôlement?

      — Juste: c'est une mauvaise habitude qu'elle a prise de s'agiter ainsi d'elle-même quand je suis content.

      — En ce cas, dit le tailleur en riant de toute son âme, au lieu de s'effrayer comme il l'aurait dû d'une si singulière réponse; en ce cas, je sais qui vous êtes; et, du moment où vous avez une queue, je ne serais pas étonné que vous eussiez aussi le pied fourchu, hein!

      — Sans doute, dit le petit vieillard, regarde plutôt.

      Et levant la jambe, il passa à travers l'établi comme s'il n'eût eu à percer qu'un simple papier, et montra un pied aussi fourchu que celui d'un bouc.

      — Bon! dit le tailleur, bon! Judith n'a qu'à bien se tenir. Et il continua de travailler avec une telle promptitude qu'au bout d'un instant les culottes se trouvèrent faites.

      — Où vas-tu? demanda le vieillard.

      — Je vais rallumer le feu afin de chauffer mon fer à presser, et de donner un dernier coup aux coutures de vos culottes.

      — Oh! si c'est pour cela ce n'est pas la peine de te déranger.

      Et il tira de la même poche dont il avait déjà tiré les verres et la bouteille un éclair qui s'en alla en serpentant allumer un fagot posé sur les chenets, et qui, s'enlevant par la cheminée, illumina pendant quelques secondes tous les environs. Le feu se mit à pétiller, et en une seconde le fer rougit.

      — Eh! eh! s'écria le tailleur, que faites-vous donc? vous allez faire brûler vos culottes.

      — Il n'y a pas de danger, dit le vieillard; comme je savais d'avance qu'elles me reviendraient, j'ai fait faire l'étoffe en laine d'amiante.

      — Alors c'est autre chose, dit Térence en laissant glisser ses jambes le long de l'établi.

      — Où vas-tu? demanda le vieillard.

      — Chercher mon fer.

      — Attends.

      — Comment, que j'attende?

      — Sans doute; est-ce qu'un homme de ton mérite est fait pour se déranger pour un fer!

      — Mais il faut bien que j'aille à lui, puis-qu'il ne peut venir à moi.

      — Bah! dit le vieillard; parce que tu ne sais pas le faire venir.

      Alors il tira de sa poche un violon et un archet, et fit entendre quelques accords.

      A la première note, le fer s'agita en cadence et vint en dansant jusqu'au pied de l'établi; arrivé là, le vieillard tira de l'instrument un accord plus aigu, et le fer sauta sur l'établi.

      — Diable! dit Térence, voilà un instrument au son duquel on doit bien danser.

      — Achève mes culottes, dit le vieillard, et je t'en jouerai un air après.

      Le tailleur saisit le fer avec une poignée, retourna les culottes, étendit les coutures sur un rouleau de bois, et les aplatit avec tant d'ardeur qu'elles avaient disparu, et que les culottes semblaient d'une seule pièce. Puis, lorsqu'il eut fini:

      — Tenez, dit-il au vieillard, vous pouvez vous vanter d'avoir là une paire de culottes comme aucun tailleur de la Calabre n'est capable de vous en faire. Il est vrai aussi, ajouta-t-il à demi-voix que, si vous êtes homme de parole, vous allez me rendre un service que vous seul pouvez me rendre.

      Le diable prit les culottes, les examina d'un air de satisfaction qui ne laissait rien à désirer à l'amour-propre de maître Térence. Puis, après a voir eu la précaution de passer sa queue par le trou ménagé à cet effet, il les fit glisser du bout de ses pieds à leur place naturelle, sans avoir eu la peine d'ôter les anciennes, attendu que, comptant sans doute sur celles-là, il

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