Le corricolo. Dumas Alexandre
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Le corricolo - Dumas Alexandre страница 2
– Madame une telle ne vaut pas trois piastres. Madame une telle vaut plus de mille ducats.
Un jour on apprit avec étonnement que M. Martin Zir et Hussein-Pacha venaient de se brouiller. Voici à quelle occasion le refroidissement était survenu:
Un matin, le cuisinier de Hussein-Pacha, un beau nègre de Nubie, noir comme de l'encre et luisant comme s'il eût été passé au vernis; un matin, dis-je, le cuisinier de Hussein-Pacha était descendu au laboratoire et avait demandé le plus grand couteau qu'il y eût dans l'hôtel.
Le chef lui avait donné une espèce de tranchelard de dix-huit pouces de long, pliant comme un fleuret et affilé comme un rasoir. Le nègre avait regardé l'instrument en secouant la tête, puis il était remonté à son troisième étage.
Un instant après il était redescendu et avait rendu le tranchelard au chef en disant:
– Plus grand, plus grand!
Le chef avait alors ouvert tous ses tiroirs, et ayant découvert un coutelas dont il ne se servait lui-même que dans les grandes occasions, il l'avait remis à son confrère. Celui-ci avait regarde le coutelas avec la même attention qu'il avait fait du tranchelard, et, après avoir répondu par un signe de tête qui voulait dire: «Hum! ce n'est pas encore cela qu'il me faudrait, mais cela se rapproche,» il était remonté comme la première fois.
Cinq minutes après, le nègre redescendit de nouveau, et, rendant le coutelas au chef:
– Plus grand encore, lui dit-il.
– Et pourquoi diable avez-vous besoin d'un couteau plus grand que celui-ci? demanda le chef.
– Moi en avoir besoin, répondit dogmatiquement le nègre.
– Mais pour quoi faire?
– Pour moi couper la tête à Osmin.
– Comment! s'écria le chef, pour toi couper la tête à Osmin.
– Pour moi couper la tête à Osmin, répondit le nègre.
– A Osmin, le chef des eunuques de Sa Hautesse?
– A Osmin, le chef des eunuques de Sa Hautesse.
– A Osmin que le dey aime tant?
– A Osmin que le dey aime tant.
– Mais vous êtes fou, mon cher! Si vous coupez la tête à Osmin, Sa Hautesse sera furieuse.
– Sa Hautesse l'a ordonné à moi.
– Ah diable! c'est différent alors.
– Donnez donc un autre couteau à moi, reprit le nègre, qui revenait à son idée avec la persistance de l'obéissance passive.
– Mais qu'a fait Osmin? demanda le chef.
– Donnez un autre couteau à moi, plus grand, plus grand.
– Auparavant, je voudrais savoir ce qu'a fait Osmin.
– Donnez un autre couteau à moi, plus grand, plus grand, plus grand encore!
– Eh bien! je te le donnerai ton couteau, si tu me dis ce qu'a fait Osmin.
– Il a laissé faire un trou dans le mur.
– A quel mur?
– Au mur du harem.
– Et après?
– Le mur, il était celui de Zaïda.
– La favorite de Sa Hautesse?
– La favorite de Sa Hautesse.
– Eh bien?
– Eh bien! un homme est entré chez Zaïda.
– Diable!
– Donnez donc un grand, grand, grand couteau à moi pour couper la tête à Osmin.
– Pardon; mais que fera-t-on à Zaïda?
– Sa Hautesse aller promener dans le golfe avec un sac, Zaïda être dans ce sac, Sa Hautesse jeter le sac à la mer… Bonsoir, Zaïda.
Et le nègre montra, en riant de la plaisanterie qu'il venait de faire, deux rangées de dents blanches comme des perles.
– Mais quand cela? reprit le chef.
– Quand, quoi? demanda le nègre.
– Quand jette-t-on Zaïda à la mer?
– Aujourd'hui. Commencer par Osmin, finir par Zaïda.
– Et c'est toi qui t'es chargé de l'exécution?
– Sa Hautesse a donné l'ordre à moi, dit le nègre en se redressant avec orgueil.
– Mais c'est la besogne du bourreau et non la tienne.
– Sa Hautesse pas avoir eu le temps d'emmener son bourreau, et il a pris cuisinier à lui. Donnez donc à moi un grand couteau pour couper la tête à Osmin.
– C'est bien, c'est bien, interrompit le chef; on va te le chercher, ton grand couteau. Attends-moi ici.
– J'attends vous, dit le nègre.
Le chef courut chez M. Martin Zir et lui transmit la demande du cuisinier de Sa Hautesse.
M. Martin Zir courut chez Son Excellence le ministre de la police, et le prévint de ce qui se passait à son hôtel.
Son Excellence fit mettre les chevaux à sa voiture et se rendit chez le dey.
Il trouva Sa Hautesse à demi couchée sur un divan, le dos appuyé à la muraille, fumant du latakié dans un chibouque, une jambe repliée sous lui et l'autre jambe étendue, se faisant gratter la plante du pied par un icoglan et éventer par deux esclaves.
Le ministre fit les trois saluts d'usage, le dey inclina la tête.
– Hautesse, dit Son Excellence, je suis le ministre de la police.
– Je te connais, répondit le dey.
– Alors, Votre Hautesse se doute du motif qui m'amène.
– Non. Mais n'importe, sois le bien-venu.
– Je viens pour empêcher Votre Hautesse de commettre un crime.
– Un crime! Et lequel? dit le dey, tirant son chibouque de ses lèvres et regardant son interlocuteur avec l'expression du plus profond étonnement.
– Lequel? Votre Hautesse le demande! s'écria le ministre. Votre Hautesse n'a-t-elle pas l'intention de faire