Le corricolo. Dumas Alexandre

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Le corricolo - Dumas Alexandre

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spectres!

      – Mais ils n'ont pas quitté le galop!

      – Les morts vont vite.

      – Au fait, je comprends qu'en les bourrant d'avoine…

      – D'avoine? Jamais un cheval de corricolo n'a mangé d'avoine!

      – Mais de quoi vivent-ils?

      – De ce qu'ils trouvent?

      – Et que trouvent-ils?

      – Toutes sortes de choses, des trognons de choux, des feuilles de salade, de vieux chapeaux de paille.

      – Et à quelle heure prennent-ils leur aliment?

      – La nuit on les mène paître.

      – A merveille. Restent les harnais.

      – Oh! quant à cela, je m'en charge.

      – Et des chevaux?

      – Des chevaux aussi.

      – Et du corricolo?

      – Encore, si cela peut vous rendre service.

      – Et quand tout cela sera-t-il prêt?

      – Demain au matin.

      – Vous êtes un homme adorable!

      – Vous faut-il un cocher?

      – Non, je conduirai moi-même.

      – Très bien. Mais en attendant, que ferez-vous?

      – Avez-vous un livre?

      – J'ai douze cents volumes.

      – Eh bien! je lirai. Avez-vous quelque chose sur votre ville?

      – Voulez-vous Napoli senza sole?

      – Naples sans soleil?

      – Oui.

      – Qu'est-ce que c'est que cela?

      – Un ouvrage à l'usage des gens à pied, et qui vous sera plus utile que tous les Ebels et tous les Richards de la terre.

      – Et de quoi traite-t-il?

      – De la manière de parcourir Naples à l'ombre.

      – La nuit.

      – Non, le jour.

      – A une heure donnée?

      – Non, à toutes les heures.

      – Même à midi?

      – A midi surtout. Le beau mérite qu'il y aurait de trouver de l'ombre le soir et le matin!

      – Mais quel est le savant géographe qui a exécuté ce chef-d'oeuvre?

      – Un jésuite ignorant, que ses confrères avaient reconnu trop bête pour l'occuper à autre chose.

      – Et cette besogne l'a occupé combien d'années?

      – Toute sa vie… C'est une publication posthume.

      – Moyennant laquelle on peut, dites-vous?..

      – Partir d'où on voudra et aller où cela fera plaisir, à quelque instant de la matinée ou à quelque heure de l'après-midi que ce soit, sans avoir à traverser un seul rayon de soleil.

      – Mais voilà un homme qui méritait d'être canonisé!

      – On ne sait pas son nom.

      – Ingratitude humaine!

      – Alors ce livre vous convient?

      – Comment donc! c'est un trésor. Envoyez-le-moi le plus tôt possible.

      Je passai la journée à étudier ce précieux itinéraire: deux heures après, je connaissais mon Naples sans soleil, et je serais allé à l'ombre du ponte della Maddalena au Pausilippe, et de la Vuaria à Saint-Elmo.

      Le soir vint, et avec le soir la fraîcheur. Alors, à cette douce brise de mer, on vit toutes les fenêtres s'ouvrir comme pour respirer. Les portes roulèrent sur leurs gonds, les voitures commencèrent à sortir, Chiaja se peupla d'équipages, et la Villa-Reale de piétons.

      Je n'avais pas encore mon équipage, je me mêlai aux piétons.

      La Villa-Reale fait face à l'hôtel de la Victoire; c'est la promenade de Naples. Elle est située, relativement à la rue de Chiaja, comme le jardin des Tuileries à la rue de Rivoli. Seulement, au lieu de la terrasse du bord de l'eau, c'est la plage de l'Arno; au lieu de la Seine, c'est la Méditerranée; au lieu du quai d'Orsay, c'est l'étendue, c'est l'espace, c'est l'infini.

      La Villa-Reale est, sans contredit, la plus belle et surtout la plus aristocratique promenade du monde. Les gens du peuple, les paysans et les laquais en sont rigoureusement exclus et n'y peuvent mettre le pied qu'une fois l'an, le jour de la fête de la Madone du Pied-de-la-Grotte. Aussi ce jour-là la foule se presse-t-elle sous ses allées d'acacias, dans ses bosquets de myrtes, autour de son temple circulaire. Chacun, homme et femme, accourt de vingt lieues à la ronde avec son costume national; Ischia, Caprée, Castellamare, Sorrente, Procida, envoient en députation leurs plus belles filles, et la solennité de ce jour est si grande, si ardemment attendue, qu'il est d'habitude de faire dans les contrats de mariage une obligation au mari de conduire sa femme à la promenade de la Villa-Reale, le 8 septembre de chaque année, jour de la fête della Madona di Pie-di-Grotta.

      Tout au contraire des Tuileries, d'où l'on renvoie le public au moment où il est le plus agréable de s'y promener, la Villa-Reale reste ouverte toute la nuit. Les grandes grilles se ferment, il est vrai, mais deux petites portes dérobées offrent aux promeneurs attardés une entrée et une sortie toujours praticables à quelque heure que ce soit.

      Nous restâmes jusqu'à minuit assis sur le mur que vient battre la vague. Nous ne pouvions nous lasser de regarder cette mer limpide et azurée que nous venions de sillonner en tous sens et à laquelle nous allions dire adieu. Jamais elle ne nous avait paru si belle.

      En entrant à l'hôtel, nous trouvâmes M. Martin Zir, qui nous prévint que toutes les commissions dont nous l'avions chargé étaient faites, et que le lendemain notre attelage nous attendrait à huit heures du matin à la porte de l'hôtel.

      Effectivement, à l'heure dite, nous entendîmes sonner les grelots de nos revenans; nous mîmes le nez à la fenêtre, et nous vîmes le roi des corricoli.

      Il était fond rouge avec des dessins verts. Ces dessins représentaient des arbres, des animaux et des arabesques. La composition générale représentait le paradis terrestre.

      Deux chevaux qui paraissaient pleins d'impatience disparaissaient sous les harnais, sous les panaches, sous les pompons dont ils étaient couverts.

      Enfin un homme, armé d'un long fouet, se tenait debout près de notre équipage, qu'il paraissait admirer avec toute la satisfaction de l'orgueil.

      Nous

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