Le Speronare. Dumas Alexandre

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Le Speronare - Dumas Alexandre

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que ma vie, répondis-je.

      – Serais-tu prêt à tout quitter pour moi, comme je serais prête à tout quitter pour toi?

      – Je n'ai que toi au monde: où tu iras, je te suivrai.

      – Eh bien! convenons d'une chose: si cette lettre m'annonce son retour, convenons que nous partirons ensemble, à l'instant même, sans hésiter, avec ce que tu auras d'argent et moi de bijoux.

      – A l'instant même, sans hésiter; Lena, je suis prêt.

      Elle me tendit la main, et nous ouvrîmes la lettre en souriant. Il annonçait que ses affaires n'étant point terminées, il ne serait de retour que dans trois mois. Nous respirâmes. Quoique notre résolution fût bien prise, nous n'étions pas fâchés d'avoir encore ce délai avant de la mettre à exécution.

      En sortant de chez Lena, je rencontrai un mendiant que depuis trois jours je retrouvais constamment à la même place. Cette assiduité me surprit, et tout en lui faisant l'aumône, je l'interrogeai; mais à peine s'il parlait l'italien, et tout ce que j'en pus tirer, c'est que c'était un matelot épirote dont le vaisseau avait fait naufrage, et qui attendait une occasion de s'engager sur un autre bâtiment.

      Je revins le soir. Le temps nous était mesuré d'une main trop avare pour que nous en perdissions la moindre parcelle. Je trouvai Lena triste. Pendant quelques instants je l'interrogeai inutilement sur la cause de cette tristesse; enfin elle m'avoua qu'en faisant sa prière du matin devant une madone du Pérugin, qui était dans sa famille depuis trois cents ans et à laquelle elle avait une dévotion toute particulière, elle avait vu distinctement couler deux larmes des yeux de l'image sainte. Elle avait cru d'abord être le jouet de quelque illusion, et elle s'en était approchée, afin de regarder de plus près. C'étaient bien deux larmes qui roulaient sur ses joues, deux larmes réelles, deux larmes vivantes, deux larmes de femme! Elle les avait essuyées alors avec son mouchoir, et le mouchoir était resté mouillé. Il n'y avait pas de doute pour elle, la madone avait pleuré, et ces larmes, elle en était certaine, présagaient quelque grand malheur.

      Je voulus la rassurer, mais l'impression était trop profonde. Je voulus lui faire oublier par un bonheur réel cette crainte imaginaire; mais pour la première fois je la trouvai froide et presque insensible, et elle finit par me supplier de me retirer, et de la laisser passer la nuit en prières. J'insistai un instant, mais Lena joignit les mains en me suppliant, et à mon tour je vis deux grosses larmes qui tremblaient à ses paupières. Je les recueillis avec mes lèvres; puis, moitié ravi, moitié boudant, je m'apprêtai à lui obéir.

      Alors nous soufflâmes la lumière; nous allâmes à la fenêtre pour nous assurer si la rue était solitaire, et nous soulevâmes le volet. Un homme enveloppé dans un manteau était appuyé au mur. Au bruit que nous fîmes, il releva la tête; mais nous vîmes à temps le mouvement qu'il allait faire: nous laissâmes retomber le volet, et il ne put nous apercevoir.

      Nous restâmes un instant muets et immobiles, écoutant le battement de nos coeurs qui se répondaient en bondissant et qui troublaient seuls le silence de la nuit. Cette terreur superstitieuse de Lena avait fini par me gagner, et si je ne croyais pas à un malheur, je croyais au moins à un danger. Je soulevai le volet de nouveau, l'homme avait disparu.

      Je voulus profiter de son absence pour m'éloigner; j'embrassai une dernière fois Lena, et je m'approchai de la porte. En ce moment il me sembla entendre dans le corridor qui y conduisait le bruit d'un pas. Sans doute Lena crut l'entendre comme moi, car elle me serra les mains.

      – As-tu une arme? me dit-elle si bas, qu'à peine je compris.

      – Aucune, répondis-je.

      – Attends. Elle me quitta. Quelques secondes après, je l'entendis ou plutôt je la sentais revenir. Tiens, me dit-elle, et elle me mit dans la main le manche d'un petit yatagan qui appartenait à son mari.

      – Je crois que nous nous sommes trompés, lui dis-je, car on n'entend plus rien.

      – N'importe! me dit-elle, garde ce poignard, et désormais ne viens jamais sans être armé. Je le veux, entends-tu? Et je rencontrai ses lèvres qui cherchaient les miennes pour faire de son commandement une prière.

      – Tu exiges donc toujours que je te quitte.

      – Je ne l'exige pas, je t'en prie.

      – Mais à demain, au moins.

      – Oui, à demain.

      Je serrai Lena une dernière fois dans mes bras, puis j'ouvris la porte.

      Tout était silencieux et paraissait calme.

      – Folle que tu es! lui dis-je.

      – Folle tant que tu voudras, mais la madone a pleuré.

      – C'est de jalousie, Lena, lui dis-je en l'enlaçant une dernière fois dans mes bras et en approchant sa tête de la mienne.

      – Prends garde! s'écria Lena avec un cri terrible et en faisant un mouvement pour se jeter en avant. Le voilà! le voilà!

      En effet, un homme s'élançait de l'autre bout de l'appartement. Je bondis au-devant de lui, et nous nous trouvâmes face à face. C'était Morelli, le mari de Lena. Nous ne dîmes pas un mot, nous nous jetâmes l'un sur l'autre en rugissant. Il tenait d'une main un poignard et de l'autre un pistolet. Le pistolet partit dans la lutte, mais sans me toucher. Je ripostai par un coup terrible, et j'entendis mon adversaire pousser un cri. Je venais de lui enfoncer l'yatagan dans la poitrine. En ce moment le mot de halte retentit en anglais: une patrouille qui passait dans la rue, prévenue par le coup de pistolet, s'arrêtait sous les fenêtres. Je me précipitais vers la porte pour sortir; Lena me saisit par le bras, me fit traverser sa chambre, m'ouvrit une petite croisée qui donnait sur un jardin. Je sentis que ma présence ne pouvait que la perdre.

      – Écoute, lui dis-je, tu ne sais rien, tu n'as rien vu, tu es accourue au bruit, et tu as trouvé ton mari mort.

      – Sois tranquille.

      – Où te reverrai-je?

      – Partout où tu seras.

      – Adieu.

      – Au revoir.

      Je m'élançai comme un fou à travers le jardin, j'escaladai le mur, je me trouvai dans une ruelle. Je n'y voyais plus, je ne savais plus où j'étais, je courus ainsi devant moi jusqu'à ce que je me trouvasse sur la place d'Armes; là, je m'orientai, et rappelant à mon aide un peu de sang-froid, je me consultai sur ce que j'avais de mieux à faire. C'était de fuir; mais à Malte on ne fuit pas facilement; d'ailleurs j'avais sur moi quelques sequins à peine; tout ce que je possédais était chez moi, chez moi aussi étaient des lettres de Lena qui pouvaient être saisies et dénoncer notre amour. La première chose que j'eusse à faire était donc de rentrer chez moi.

      Je repris en courant le chemin de la maison. A quelques pas de la porte était un homme accroupi, la tête entre ses genoux: je crus qu'il dormait, comme cela arrive parfois aux mendiants dans les rues de Malte; je n'y fis point attention, et je rentrai.

      En deux bonds je fus dans ma chambre; je courus d'abord au secrétaire dans lequel étaient les lettres de Lena, et je les brûlai jusqu'à la dernière; puis, quand je vis qu'elles n'étaient plus que cendres, j'ouvris le tiroir où était l'argent, je pris tout ce que j'avais. Mon intention était de courir au port, de me jeter dans une barque, de troquer mes habits contre ceux d'un matelot, et le lendemain

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