Les Quarante-Cinq — Tome 3. Dumas Alexandre

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Les Quarante-Cinq — Tome 3 - Dumas Alexandre

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      Le duc d'Anjou prit la tête, M. de Saint-Aignan garda le centre, et Joyeuse se chargea de l'arrière-garde.

      Mais deux ou trois mille hommes encore se détachèrent des groupes, ou affaiblis par leurs blessures, ou harassés de fatigue, et se couchèrent dans les herbes, ou au pied des arbres, abandonnés, désolés, frappés d'un sinistre pressentiment.

      Avec eux restèrent les cavaliers démontés, ceux dont les chevaux ne pouvaient plus se traîner, ou qui s'étaient blessés en marchant.

      A peine, autour du duc d'Anjou, restait-il trois mille hommes valides et en état de combattre.

      LXVII

      LES VOYAGEURS

      Tandis que ce désastre s'accomplissait, précurseur d'un désastre plus grand encore, deux voyageurs, montés sur d'excellents chevaux du Perche, sortaient de la porte de Bruxelles pendant une nuit fraîche, et poussaient en avant dans la direction de Malines.

      Ils marchaient côte à côte, les manteaux en trousse, sans armes apparentes, à part toutefois un large couteau flamand, dont on voyait briller la poignée de cuivre à la ceinture de l'un d'eux.

      Ces voyageurs cheminaient de front, chacun suivant sa pensée, peut-être la même, sans échanger une seule parole.

      Ils avaient la tournure et le costume de ces forains picards qui faisaient alors un commerce assidu entre le royaume de France et les Flandres, sorte de commis-voyageurs, précurseurs et naïfs, qui, à cette époque, faisaient le travail de ceux d'aujourd'hui, sans se douter qu'ils touchassent à la spécialité de la grande propagande commerciale.

      Quiconque les eût vus trotter si paisiblement sur la route, éclairée par la lune, les eût pris pour de bonnes gens, pressés de trouver un lit, après une journée convenablement faite.

      Cependant il n'eût fallu qu'entendre quelques phrases, détachées de leur conversation par le vent, quand il y avait conversation, pour ne pas conserver d'eux cette opinion erronée que leur donnait la première apparence.

      Et d'abord, le plus étrange des mots échangés entre eux fut le premier mot qu'ils échangèrent, quand ils furent arrivés à une demi-lieue de Bruxelles à peu près.

      — Madame, dit le plus gros au plus svelte des deux compagnons, vous avez en vérité eu raison de partir cette nuit; nous gagnons sept lieues en faisant cette marche, et nous arrivons à Malines au moment où, selon toute probabilité, le résultat du coup de main sur Anvers sera connu. On sera là-bas dans toute l'ivresse du triomphe. En deux jours de très petites marches, et pour vous reposer vous avez besoin de courtes étapes, en deux jours de petites marches, nous gagnons Anvers, et cela justement à l'heure probable où le prince sera revenu de sa joie et daignera regarder à terre, après s'être élevé jusqu'au septième ciel.

      Le compagnon qu'on appelait madame, et qui ne se révoltait aucunement de cette appellation, malgré ses habits d'homme, répondit d'une voix calme, grave et douce à la fois:

      — Mon ami, croyez-moi. Dieu se lassera de protéger ce misérable prince, et il le frappera cruellement; hâtons-nous donc de mettre à exécution nos projets, car je ne suis pas de ceux qui croient à la fatalité, moi, et je pense que les hommes ont le libre arbitre de leurs volontés et de leurs faits. Si nous n'agissons pas et que nous laissions agir Dieu, ce n'était pas la peine de vivre si douloureusement jusque aujourd'hui.

      En ce moment, une haleine du nord-ouest passa sifflante et glacée.

      — Vous frissonnez, madame, dit le plus âgé des deux voyageurs; prenez votre manteau.

      — Non, Remy, merci; je ne sens plus, tu le sais, ni douleurs du corps ni tourments de l'esprit.

      Remy leva les yeux au ciel, et demeura plongé dans un sombre silence.

      Parfois, il arrêtait son cheval et se retournait sur ses étriers, tandis que sa compagne le devançait, muette comme une statue équestre.

      Après une de ces haltes d'un instant, et quand son compagnon l'eut rejointe:

      — Tu ne vois plus personne derrière nous? dit-elle.

      — Non, madame, personne.

      — Ce cavalier, qui nous avait rejoints la nuit à Valenciennes, et qui s'était enquis de nous après nous avoir observés si longtemps avec surprise?

      — Je ne le revois plus.

      — Mais il me semble que je l'ai revu, moi, avant d'entrer à Mons.

      — Et moi, madame, je suis sûr de l'avoir revu avant d'entrer à Bruxelles.

      — A Bruxelles, tu dis?

      — Oui, mais il se sera arrêté dans cette dernière ville.

      — Remy, dit la dame en se rapprochant de son compagnon, comme si elle craignait que sur cette route déserte on ne pût l'entendre; Remy, ne t'a- t-il point paru qu'il ressemblait...

      — A qui, madame?

      — Comme tournure du moins, car je n'ai pas vu son visage, à ce malheureux jeune homme.

      — Oh! non, non, madame, se hâta de dire Remy, pas le moins du monde; et, d'ailleurs, comment aurait-il pu deviner que nous avons quitté Paris et que nous sommes sur cette route?

      — Mais comme il savait où nous étions, Remy, quand nous changions de demeure à Paris.

      — Non, non, madame, reprit Remy, il ne nous a pas suivis ni fait suivre, et, comme je vous l'ai dit là-bas, j'ai de fortes raisons de croire qu'il avait pris un parti désespéré, mais vis-à-vis de lui seul.

      — Hélas! Remy, chacun porte sa part de souffrance en ce monde; Dieu allège celle de ce pauvre enfant!

      Remy répondit par un soupir au soupir de sa maîtresse, et ils continuèrent leur route sans autre bruit que celui du pas des chevaux sur le chemin sonore.

      Deux heures se passèrent ainsi.

      Au moment où nos voyageurs allaient entrer dans Vilvorde, Remy tourna la tête.

      Il venait d'entendre le galop d'un cheval au tournant du chemin.

      Il s'arrêta, écouta, mais ne vit rien.

      Ses yeux, cherchèrent inutilement à percer la profondeur de la nuit, mais comme aucun bruit ne troublait son silence solennel, il entra dans le bourg avec sa compagne.

      — Madame, lui dit-il, le jour va bientôt venir; si vous m'en croyez, nous nous arrêterons ici; les chevaux sont las, et vous avez besoin de repos.

      — Remy, dit la dame, vous voulez inutilement me cacher ce que vous éprouvez. Remy, vous êtes inquiet.

      — Oui, de votre santé, madame; croyez-moi, une femme ne saurait supporter de pareilles fatigues, et c'est à peine si moi-même...

      — Faites comme il vous

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