Germaine. About Edmond

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Germaine - About Edmond

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joue le whist.

      –Alors, vous n'êtes pas joueur. Apprenez, mon ami, que lorsqu'on a une seule fois laissé passer la veine, elle ne revient jamais. En refusant vos propositions, je renonce à toute espèce d'avenir, je me condamne à perpétuité.

      –Acceptez donc, monsieur le duc, et ne défiez pas la fortune contraire. Quoi! je vous apporte dans mes mains la santé pour Mme la duchesse, l'aisance pour vous, une fin douce et tranquille pour la pauvre enfant qui s'éteint dans des privations de toute sorte; je relève votre maison qui croulait dans la poussière; je vous donne un petit-fils tout fait, un enfant magnifique qui pourra joindre votre nom à celui de son père, et tout cela, à quel prix? Moyennant une phrase de deux lignes insérée dans un acte de mariage; et vous me repoussez comme un marchand de honte et un donneur de mauvais conseils! Vous aimez mieux condamner votre fille, votre femme et vous-même, que de prêter votre nom à un enfant étranger! Vous croiriez commettre un crime de lèse-noblesse! Mais ne savez-vous pas à quel prix la noblesse s'est conservée en France et partout depuis les croisades? Il faut admettre la raison d'État. Combien de noms sauvés par miracle ou par adresse! Combien d'arbres généalogiques rajeunis par une greffe plébéienne!

      –Mais presque tous, cher docteur. Je vous en citerai plus de vingt sans sortir de la rue. D'ailleurs les Villanera sont plus que bons: on peut s'allier à ces gens-là. A une condition cependant: c'est que l'affaire se fasse au grand jour, sans hypocrisie. Ma fille peut reconnaître un enfant étranger, dans l'intérêt de deux grandes maisons de France et d'Espagne. Si quelqu'un demande pourquoi, on lui répondra par la raison d'État. Et vous sauverez la duchesse?

      –J'en réponds.

      –Vous sauverez ma fille aussi?»

      Le docteur hocha lentement la tête. Le vieillard reprit d'une voix résignée:

      «Allons! on ne peut pas avoir tout à la fois. Pauvre enfant! Nous aurions bien voulu partager notre aisance avec elle! Cinquante mille francs de rente! Je savais bien que la veine me reviendrait!»

      La duchesse entra là-dessus, et son mari lui résuma avec une admiration enfantine les offres de M. Le Bris. Le docteur s'était levé pour donner sa chaise à la pauvre femme qui courait sans repos depuis le matin. Elle s'accouda sur le lit face à face avec le duc, et elle écouta les yeux fermés tout ce qu'il voulut lui dire. Le vieillard, mobile comme un homme dont la raison est mal assise, avait oublié ses propres objections. Il ne voyait plus qu'une chose au monde: cinquante mille francs de rente. Il poussa l'étourderie jusqu'à parler à la duchesse des dangers qu'elle courait et de sa vie à sauver. Mais cette révélation glissa sur son coeur sans l'entamer.

      Elle rouvrit les yeux et les tourna tristement vers le docteur. «Hé bien! lui dit-elle, Germaine est donc condamnée sans ressource, puisque cette femme veut la faire épouser à son amant?»

      Le docteur essaya de lui persuader que toute espérance n'était pas perdue. Elle l'arrêta du geste, et lui dit: «Ne mentez pas, mon pauvre ami. Ces gens-là ont mis leur confiance en vous. Ils vous ont demandé une fille assez malade et assez désespérée pour qu'on n'eût pas à craindre de la voir guérir. Si elle vivait par quelque accident, si un jour elle venait se placer entre eux deux pour réclamer ses droits et chasser la maîtresse, M. de Villanera vous reprocherait de l'avoir trompé. Vous ne vous êtes pas exposé à cela.»

      M. Le Bris ne put s'empêcher de rougir, car la duchesse disait vrai. Mais il se tira de ce mauvais pas en faisant l'éloge de don Diego. Il le dépeignit comme un noble coeur, un chevalier d'autrefois égaré dans notre siècle. «Croyez, madame, dit-il à la duchesse, que si notre chère malade peut être sauvée, elle le sera par son mari. Il ne la connaît pas; il ne l'a jamais vue; il en aime une autre, et c'est dans un espoir bien triste qu'il se décide à placer une femme légitime entre sa maîtresse et lui. Mais plus il a d'intérêt à attendre le jour de son veuvage, plus il se fera un devoir de le retarder. Non-seulement il environnera sa femme de tous les soins que son état réclame, mais il est nomme à s'établir garde-malade auprès d'elle et à la veiller nuit et jour. Je garantis qu'il prendra le mariage au sérieux, comme tous les devoirs de la vie. Il est Espagnol, et incapable de jouer avec les sacrements; il a un culte pour sa mère et une tendresse passionnée pour son enfant. Soyez sûre que, du jour où vous lui accorderez la main de mademoiselle votre fille, il n'aura plus rien de commun avec Mme Chermidy. Il emmènera sa femme en Italie; je serai du voyage, vous aussi, et, s'il plaît à Dieu de faire un miracle, nous serons trois pour l'aider, madame la duchesse.

      –Parbleu! ajouta le duc. Tout est possible; tout arrive: qui est-ce qui m'aurait dit ce matin que j'hériterais de cinquante mille livres de rente?»

      A ce mot d'héritage, la duchesse refoula un flot de larmes qui lui montait aux yeux. «Mon ami, reprit-elle, c'est une triste chose quand les parents héritent de leurs enfants. S'il plaît à Dieu de rappeler à lui ma pauvre Germaine, je bénirai dans les pleurs sa main rigoureuse et j'attendrai auprès de vous l'instant qui doit nous réunir. Mais je veux que la mémoire de mon cher ange aimé soit aussi pure que sa vie. Je conserve depuis plus de vingt ans un vieux bouquet de fleurs d'oranger, flétri comme mon bonheur et ma jeunesse: je veux pouvoir l'attacher sur son cercueil.

      –Ta! ta! ta! cria le duc; voilà bien les femmes! Vous êtes malade, madame, et ce n'est pas la fleur d'oranger qui vous guérira.

      –Quant à moi!…» dit-elle. Son regard acheva la phrase, et le duc lui-même la comprit.

      «C'est ça! dit-il; à votre aise! mourez tous ensemble! Et qu'est-ce que je deviendrai, moi?

      –Vous deviendrez riche, mon bon père,» dit Germaine en ouvrant la porte de la salle à manger.

      La duchesse se leva comme par ressort et courut à sa fille. Mais Germaine n'avait pas besoin d'être soutenue. Elle embrassa sa mère et s'avança jusqu'au lit d'un pas ferme et résolu, le pas des martyrs.

      Elle était vêtue de blanc, comme Pauline au cinquième acte de Polyeucte. Un pâle rayon du soleil de janvier tombait sur son front et lui faisait une auréole. Sa figure sans couleur était comme une page effacée, où l'on ne voyait briller que deux grands yeux noirs. Une masse de cheveux d'or, fins et touffus, s'entassait sur sa tête. Les beaux cheveux sont la dernière parure des phthisiques; ils la gardent jusqu'à la fin, et on l'enterre avec eux. Ses mains transparentes tombaient le long du corps avec les plis de la draperie. Telle était la maigreur de toute sa personne, qu'elle ressemblait à ces créatures célestes qui n'ont aucune des beautés ni des imperfections de la femme.

      Elle s'assit familièrement au bord du lit, passa le bras droit autour du cou de son père, tendit sa main gauche à la duchesse et l'attira doucement auprès d'elle. Puis elle montra la chaise à M. Le Bris, et lui dit: «Mettez-vous là, docteur, pour que la famille soit au complet. Je ne me repens pas d'avoir écouté aux portes. J'avais bien peur de n'être plus bonne à grand'chose: votre discussion m'a appris que je pouvais faire un peu de bien ici-bas. Vous êtes témoins que je ne regrettais point la vie, et que j'en avais fait mon deuil depuis plus de six mois. Aussi bien ce monde est une triste demeure pour ceux qui ne peuvent pas respirer sans souffrir. Mon seul regret était de léguer à mes parents un avenir de douleurs et de misères: me voilà tranquille à présent. J'épouserai le comte de Villanera, et j'adopterai l'enfant de cette dame. Merci, cher docteur; c'est vous qui nous sauvez. Grâce à vous, l'inconduite de ces gens-là rendra l'aisance à mon excellent père, et la vie à la noble femme que voici. Moi, je ne mourrai pas inutile. Il me restait pour tout bien le souvenir d'une vie pure; un pauvre petit nom sans tache, comme le voile d'une communiante. Je donne cela à mes parents. Maman, je vous prie de ne point hocher la tête. On ne désobéit pas aux malades. N'est-ce pas, docteur?

      –Mademoiselle, répondit-il en lui tendant la main, vous êtes une sainte.

      –Oui;

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