Germaine. About Edmond

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Germaine - About Edmond

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parlant ainsi, sa voix avait je ne sais quoi d'ailé, d'aérien, de surnaturel; quelque chose qui rappelait la sérénité des cieux. La duchesse tressaillit en l'écoutant: il lui semblait que l'âme de sa fille allait s'envoler comme un oiseau dont on a laissé la cage ouverte. Elle serra Germaine dans ses bras, et lui dit:

      «Non, tu ne nous quitteras point! Nous irons tous en Italie, et le soleil te guérira. M. de Villanera est un homme de coeur.»

      La malade haussa légèrement les épaules, et répondit: «L'homme dont vous parlez ferait bien mieux de rester à Paris, puisqu'il y trouve son plaisir, et de me laisser tranquillement payer ma dette. Je sais à quoi je m'engage en prenant son nom. Que dirait-on, grand Dieu! si je leur jouais le tour de guérir? Mme Chermidy me ferait expulser de ce monde par autorité de justice. Docteur, est-ce que je serai forcée de voir M. de Villanera?»

      M. Le Bris répondit par un petit signe affirmatif. «Allons, dit-elle, je lui ferai bon visage. Quant à l'enfant, je l'embrasserai bien volontiers: j'ai toujours aimé les enfants.»

      La duchesse regarda le ciel comme un naufragé regarde le rivage: «Si Dieu est juste, dit-elle, il ne nous séparera pas; il nous prendra tous ensemble.

      –Non, chère maman; vous vivrez pour mon père. Vous, papa, vivez pour vous-même!

      –Je te le promets,» repartit naïvement le vieillard. Ni la duchesse ni sa fille ne soupçonnèrent l'égoïsme monstrueux qui se cachait sous cette réponse. Elles en furent émues jusqu'aux larmes, et le médecin fut le seul qui sourit.

      Sémiramis vint annoncer que le déjeuner de M. le duc était sur la table: «Adieu, mesdames, dit le docteur; je vais porter de grandes nouvelles au comte de Villanera. Il est à croire que vous recevrez sa visite aujourd'hui même.

      –Sitôt? demanda la duchesse.

      –Nous n'avons pas de temps à perdre, dit Germaine.

      –En attendant, reprit le duc, il faut aller au plus pressé: déjeunons.»

      III

      LA NOCE

      M. Le Bris avait un coupé à la porte. Il se fit conduire chez un grand confiseur du boulevard, acheta un coffret en bois de violette, le fit remplir de bonbons, remonta en voiture, et débarqua bientôt à la porte de Mme Chermidy. La belle Arlésienne était propriétaire de sa maison, quoiqu'elle n'occupât que le premier étage. Le concierge était un de ses domestiques, et l'on sonnait deux coups sur un timbre pour lui annoncer chaque visite.

      Les portes s'ouvrirent d'elles-mêmes devant le jeune docteur. Un valet de pied lui cueillit son paletot sur les épaules avec tant d'adresse qu'il en sentit à peine le vent. Un autre l'introduisit sans l'annoncer dans la salle à manger. Le comte et Mme Chermidy se mettaient à table. La maîtresse de la maison lui tendit les deux joues, et le comte lui serra cordialement la main.

      Le couvert était mis sans nappe sur une table ovale en chêne sculpté. La salle était revêtue de boiseries anciennes et de peintures modernes: un célèbre banquier de la Chaussée-d'Antin, qui maniait la brosse à ses moments perdus, avait offert à Mme Chermidy quatre grands panneaux de nature morte. Le plafond était une copie du Banquet des dieux exécutée à la Farnésine. Le tapis venait de Smyrne, et les jardinières de Macao. Un grand lustre flamand au ventre arrondi, aux bras maigres, s'accrochait impitoyablement au milieu du plafond, sans respect pour l'assemblée des dieux. Deux dressoirs sculptés par Knecht étalaient une profusion de vaisselle, de cristaux et d'argenterie. Sur la table, les réchauds étaient d'argent, le samovar de vermeil, les assiettes de vieux Chine, les flacons de Bohême et les verres de Venise. Les manches des couteaux provenaient d'un service de Saxe commandé par Louis XV.

      Si M. Le Bris avait aimé les antithèses, il pouvait faire une comparaison assez intéressante entre le mobilier de la femme Chermidy et celui de Mme de La Tour d'Embleuse. Mais les médecins de Paris sont des philosophes imperturbables qui voyagent entre le luxe et la misère, sans s'étonner de rien, comme ils passent du chaud au froid sans jamais s'enrhumer.

      Mme Chermidy était emmaillottée dans une douillette de satin blanc. Dans ce costume, elle ressemblait à une chatte sur un édredon, à un bijou dans un écrin. Vous n'avez rien vu de plus brillant que sa personne, rien de plus moelleux que son enveloppe. Elle avait trente-trois ans, un bel âge pour les femmes qui ont su se conserver. La beauté, le plus périssable de tous les biens d'ici-bas, est celui dont la gestion est la plus difficile. C'est la nature qui la donne; l'art y ajoute peu de chose, mais il faut savoir la conserver. Les prodigues qui la gaspillent et les avares qui n'en font rien arrivent en quelques années au même résultat; la femme de génie est celle qui se gouverne avec une sage économie. Mme Chermidy, née sans passions et sans vertus, sobre de tous plaisirs, toujours calme au fond du cur avec les apparences d'une vivacité méridionale, avait pris soin de sa beauté comme de sa fortune. Elle ménageait sa fraîcheur autant qu'un ténor ménage sa voix. Elle était de ces femmes qui disent des folies à tout propos et qui n'en font qu'à bon escient; fort capable de jeter un million par la fenêtre pour en faire entrer deux par la porte; mais trop prudente pour casser une noisette avec les dents. Ses anciens admirateurs de Toulon auraient eu de la peine à la reconnaître, tant elle avait changé à son avantage. Sans être aussi blanche qu'une Flamande, elle avait trouvé je ne sais où certains reflets nacrés. La santé lui montait aux joues en petits nuages roses; sa bouche mignonne, ronde, épaisse, ressemblait à une grosse cerise que les moineaux ont coupée en la becquetant. Ses yeux pétillaient dans leurs orbites brunes, comme un feu de sarment dans l'être de la cheminée. L'insouciance et la bonhomie formaient sur son visage un masque délicieux. Ses cheveux, d'un noir bleuâtre, plantés tout près des sourcils, se découpaient sur un front pur, comme les ailes d'un corbeau sur la neige de décembre. Tout en elle était jeune, frais et souriant; il eût fallu de bons yeux pour remarquer aux deux coins de cette jolie bouche deux rides imperceptibles, fines comme le cheveu blond d'un nouveau-né, et qui cachaient une ambition insatiable, une volonté de fer, une persévérance chinoise et une énergie capable de tous les crimes.

      Ses mains étaient peut-être un peu courtes, mais blanches comme l'ivoire, avec des doigts ronds, onduleux, potelés, aiguisés, et bonne griffe au bout. Son pied était le pied court des Andalouses, arrondi en fer à repasser. Elle le montrait tel qu'il était, et ne faisait pas la sottise de porter des bottines longues. Tout son petit corps était court et rondelet, comme ses pieds et ses mains; la taille un peu épaisse, les bras un peu charnus, les fossettes un peu profondes; trop d'embonpoint, si vous voulez, mais l'embonpoint mignon d'une caille, la rondeur savoureuse d'un beau fruit.

      Don Diego la couvait des yeux avec une admiration enfantine. Les amoureux de tout âge ne sont-ils pas des enfants? Suivant les théogonies antiques, l'Amour est un baby de cinq ans et demi, et cependant Hésiode assure qu'il est plus vieux que le Temps.

      Le comte de Villanera descend en droite ligne de ces Espagnols chevaleresques jusqu'au ridicule, que le divin Cervantes a raillés, non sans les admirer un peu. Rien en lui ne trahit son origine napolitaine, et l'on dirait que ses ancêtres ont emménagé avec armes et bagages dans la vieille vertu de l'Espagne héroïque. C'est un jeune homme sérieux, roide, froid, un peu guindé, avec un coeur de feu et une âme passionnée. Il parle peu, jamais sans réfléchir, et de sa vie il n'a menti. Il n'aime pas à discuter; partant, il cause mal. Il rit bien rarement, mais son sourire est plein d'une certaine grâce affable qui ne manque pas de grandeur. La gaieté, j'en conviens, siérait mal à sa figure. Essayez de vous représenter don Quichotte jeune et en habit noir. Au premier coup d'oeil on ne remarque que ses longues moustaches noires, pointues, cirées, luisantes. Son long nez se recourbe vigoureusement comme le bec d'un aigle; il a les yeux noirs, les sourcils noirs, les cheveux noirs, le teint uniforme d'une orange de Portugal. Ses dents seraient belles si elles étaient moins longues,

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