Пампушка = Boule de Suif. Ги де Мопассан

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Пампушка = Boule de Suif - Ги де Мопассан страница 9

Пампушка = Boule de Suif - Ги де Мопассан Видання з паралельним текстом

Скачать книгу

et sa docilité à leurs conseils.

      Aussitôt à table, on commença les approches. Ce fut d’abord une conversation vague sur le dévouement. On cita des exemples anciens: Judith et Holopherne, puis, sans aucune raison, Lucrèce avec Sextus, Cléopâtre faisant passer par sa couche tous les généraux ennemis, et les y réduisant à des servilités d’esclave. Alors se déroula une histoire fantaisiste, éclose dans l’imagination de ces millionnaires ignorants, où les citoyennes de Rome allaient endormir à Capoue Annibal entre leurs bras, et, avec lui, ses lieutenants, et les phalanges des mercenaires. On cita toutes les femmes qui ont arrêté des conquérants, fait de leur corps un champ de bataille, un moyen de dominer, une arme, qui ont vaincu par leurs caresses héroïques des êtres hideux ou détestés, et sacrifié leur chasteté à la vengeance et au dévouement.

      On parla même en termes voilés de cette Anglaise de grande famille qui s’était laissé inoculer une horrible et contagieuse maladie pour la transmettre à Bonaparte sauvé miraculeusement, par une faiblesse subite, à l’heure du rendez-vous fatal.

      Et tout cela était raconté d’une façon convenable et modérée, où parfois éclatait un enthousiasme voulu propre à exciter l’émulation.

      On aurait pu croire, à la fin, que le seul rôle de la femme, ici-bas, était un perpétuel sacrifice de sa personne, un abandon continu aux caprices des soldatesques.

      Les deux bonnes sœurs ne semblaient point entendre, perdues en des pensées profondes. Boule de Suif ne disait rien.

      Pendant toute l’après-midi on la laissa réfléchir. Mais, au lieu de l’appeler « madame » comme on avait fait jusque-là, on lui disait simplement « mademoiselle », sans que personne sût bien pourquoi, comme si l’on avait voulu la faire descendre d’un degré dans l’estime qu’elle avait escaladée, lui faire sentir sa situation honteuse.

      Au moment où l’on servit le potage, M. Follenvie reparut, répétant sa phrase de la veille : « L’officier prussien fait demander à Mlle Élisabeth Rousset si elle n’a point encore changé d’avis. »

      Boule de Suif répondit sèchement : « Non, monsieur. »

      Mais au dîner la coalition faiblit. Loiseau eut trois phrases malheureuses. Chacun se battait les flancs pour découvrir des exemples nouveaux et ne trouvait rien, quand la comtesse, sans préméditation peut-être, éprouvant un vague besoin de rendre hommage à la Religion, interrogea la plus âgée des bonnes sœurs sur les grands faits de la vie des saints. Or beaucoup avaient commis des actes qui seraient des crimes à nos yeux ; mais l’Église absout sans peine ces forfaits quand ils sont accomplis pour la gloire de Dieu, ou pour le bien du prochain. C’était un argument puissant ; la comtesse en profita. Alors, soit par une de ces ententes tacites, de ces complaisances voilées, où excelle quiconque porte un habit ecclésiastique, soit simplement par l’effet d’une inintelligence heureuse, d’une secourable bêtise, la vieille religieuse apporta à la conspiration un formidable appui. On la croyait timide, elle se montra hardie, verbeuse, violente. Celle-là n’était pas troublée par les tâtonnements de la casuistique ; sa doctrine semblait une barre de fer ; sa foi n’hésitait jamais ; sa conscience n’avait point de scrupules. Elle trouvait tout simple le sacrifice d’Abraham, car elle aurait immédiatement tué père et mère sur un ordre venu d’en haut ; et rien, à son avis, ne pouvait déplaire au Seigneur quand l’intention était louable. La comtesse, mettant à profit l’autorité sacrée de sa complice inattendue, lui fit faire comme une paraphrase édifiante de cet axiome de morale : « La fin justifie les moyens. »

      Elle l’interrogeait.

      « Alors, ma sœur, vous pensez que Dieu accepte toutes les voies, et pardonne le fait quand le motif est pur ?

      – Qui pourrait en douter, madame ? Une action blâmable en soi devient souvent méritoire par la pensée qui l’inspire. »

      Et elles continuaient ainsi, démêlant les volontés de Dieu, prévoyant ses décisions, le faisant s’intéresser à des choses qui, vraiment, ne le regardaient guère.

      Tout cela était enveloppé, habile, discret. Mais chaque parole de la sainte fille en cornette faisait brèche dans la résistance indignée de la courtisane. Puis, la conversation se détournant un peu, la femme aux chapelets pendants parla des maisons de son ordre, de sa supérieure, d’elle-même, et de sa mignonne voisine la chère sœur Saint-Nicéphore. On les avait demandées au Havre pour soigner dans les hôpitaux des centaines de soldats atteints de la petite vérole. Elle les dépeignit, ces misérables, détailla leur maladie. Et tandis qu’elles étaient arrêtées en route par les caprices de ce Prussien, un grand nombre de Français pouvaient mourir qu’elles auraient sauvés peut-être ! C’était sa spécialité, à elle, de soigner les militaires ; elle avait été en Crimée, en Italie, en Autriche, et, racontant ses campagnes, elle se révéla tout à coup une de ces religieuses à tambours et à trompettes qui semblent faites pour suivre les camps, ramasser des blessés dans les remous des batailles, et, mieux qu’un chef, dompter d’un mot les grands soudards indisciplinés ; une vraie bonne sœur Ran-tan-plan dont la figure ravagée, crevée de trous sans nombre, paraissait une image des dévastations de la guerre.

      Personne ne dit rien après elle, tant l’effet semblait excellent.

      Aussitôt le repas terminé on remonta bien vite dans les chambres pour ne descendre, le lendemain, qu’assez tard dans la matinée.

      Le déjeuner fut tranquille. On donnait à la graine semée la veille le temps de germer et de pousser ses fruits.

      La comtesse proposa de faire une promenade dans l’après-midi ; alors le comte, comme il était convenu, prit le bras de Boule de Suif, et demeura derrière les autres, avec elle.

      Il lui parla de ce ton familier, paternel, un peu dédaigneux, que les hommes posés emploient avec les filles, l’appelant : « ma chère enfant », la traitant du haut de sa position sociale, de son honorabilité indiscutée. Il pénétra tout de suite au vif de la question :

      « Donc vous préférez nous laisser ici, exposés comme vous-même à toutes les violences qui suivraient un échec des troupes prussiennes, plutôt que de consentir à une de ces complaisances que vous avez eues si souvent en votre vie ? »

      Boule de Suif ne répondit rien.

      Il la prit par la douceur, par le raisonnement, par les sentiments. Il sut rester « monsieur le comte », tout en se montrant galant quand il le fallut, complimenteur, aimable enfin. Il exalta le service qu’elle leur rendrait, parla de leur reconnaissance ; puis soudain, la tutoyant gaiement : « Et tu sais, ma chère, il pourrait se vanter d’avoir goûté d’une jolie fille comme il n’en trouvera pas beaucoup dans son pays. »

      Boule de Suif ne répondit pas et rejoignit la société.

      Aussitôt rentrée, elle monta chez elle et ne reparut plus. L’inquiétude était extrême. Qu’allait-elle faire ? Si elle résistait, quel embarras !

      L’heure du dîner sonna ; on l’attendit en vain. M. Follenvie, entrant alors, annonça que Mlle Rousset se sentait indisposée, et qu’on pouvait se mettre à table. Tout le monde dressa l’oreille. Le comte s’approcha de l’aubergiste, et, tout bas : « Ça y est ? – Oui. » Par convenance, il ne dit rien à ses compagnons, mais il leur fit seulement un léger signe de la tête. Aussitôt un grand soupir de soulagement sortit de toutes les poitrines, une allégresse parut sur les visages. Loiseau cria : « Saperlipopette ! je paye du champagne si l’on en trouve dans l’établissement » ; et Mme Loiseau eut une angoisse lorsque le patron revint

Скачать книгу